Malthor et sa meute
— Et bien Aure et Enguerran, vous avez devant vous ce qui se fait de mieux comme combattants sur ces terres…
Le premier homme se leva, un grand au teint hâlé avec de longs cheveux bruns coiffés en natte. Il portait une fourrure épaisse, avait des yeux noisette perçants et un sourire enjôleur.
Aure sentait ses joues rougir et baissa les yeux.
— Je suis Raguard, le sarrasin aux deux sabres venu de l’Est.
Puis il fit un signe de tête à sa voisine qui se redressa. Aure découvrit alors son corps de femme, ses formes discrètes cachées par une légère côte de maille et ses courts cheveux anthracite sous son casque.
Elle n’avait jamais vu de femmes combattantes, l’armée de son père n’était composée que d’hommes. Ses yeux bleus translucides hypnotisaient Aure.
— Moi c’est Skögul, valkyrie venue du Nord, experte en lancers en tous genres.
Elle reprit sa place en tapotant l’énorme bras de son voisin. Il n’était pas beaucoup plus grand debout qu’assis et faisait froid dans le dos avec son crâne rasé et son air antipathique.
Aure recula d’un pas et Enguerran s’interposa devant elle comme pour la protéger d’une menace potentielle.
— Kronin, exterminateur à la masse, je viens de l’Ouest comme vous.
Malthor, satisfait de l’effet produit par sa petite armée, reprit la parole :
— Cela fait quelques années que nous écumons les champs de bataille ensemble et nous mettons autant d’énergie dans les combats que dans la ripaille !
Ils éclatèrent tous d’un rire gras et sonore. Aure était fascinée par la force qu’ils dégageaient mais très inquiète de leur manque de bonnes manières.
Enguerran tapotait nerveusement avec ses doigts sur son heaume en espérant qu’ils allaient enfin pouvoir expliquer la raison de leur présence mais Malthor ne lui laissa pas le temps d’intervenir :
— Maintenant que les présentations sont faites, qu’est-ce qui vous amène ?
— Nous revenions du couvent du Val où j’avais passé les deux dernières années et j’ai trouvé ma famille massacrée, le château rasé, nos terres et nos paysans brûlés, commença Aure affligée.
Les compagnons cessèrent de rire :
— Mais par qui ? interrogea Malthor avec une mine soudainement grave.
— Des wendigos en noir qui venaient de la frontière Ouest paraît-il, ils étaient des milliers.
Ils échangèrent tous des regards interrogatifs.
— J’en ai entendu parler, ils auraient été vus au Nord, s’exclama Skögul.
— Et pourquoi ont-ils fait ça ? interrogea Raguard, ils étaient en guerre avec votre père ?
Aure voulut répondre mais un sanglot la laissa sans voix.
— Non, le marquis de Dual n’était en guerre avec personne mais son château était le plus proche de la frontière Ouest, intervint Enguerran.
— Et pourquoi viens-tu me raconter tout ça, il faut aller voir mon père ? s’agaça Malthor.
— J’en viens justement, il est mourant et m’a dit que tu pourrais m’aider, soupira Aure en le fixant pleine d’espoir.
Malthor se leva et commença à s’agiter sous l’œil surpris de son équipe :
— Ce vieux fou ! Qu’est-ce qu’il imagine ? J’ai dit que je ne voulais pas gérer son foutu château et ses terres !
— Je pense qu’il veut que tu défendes votre honneur et le serment fait à mon père plus que votre château. Et ta mère a imploré ton retour. Ils m’ont donné ça pour toi, répondit Aure sans se démonter et en lui tendant la chevalière.
Malthor la prit dans sa main et son visage se troubla.
Ses compagnons regardaient Aure embarrassés.
Au même moment, les cornes annonçant la bataille se mirent à résonner dans toute la vallée.
Des cris retentirent dans le campement et tous les guerriers attablés à la taverne se levèrent d’un coup.
— Nous en reparlerons après le combat, dit Malthor en prenant son épée.
— Vous n’avez donc aucune parole ! s’emporta Enguerran en se dressant face à lui.
Malthor le toisa avec des yeux noirs :
— Nous avons d’abord une guerre à mener ! Viens combattre à nos côtés chevalier et nous verrons si toi, tu es digne de parole.
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