Le petit groupe se retrouva donc à l’aube au pied de la montagne face à l’entrée du labyrinthe.

Aure avait troqué ses robes longues ou cottes habituelles pour une tenue plus adéquate. Un gilet en cuir brun suffisamment léger pour ne pas la gêner mais assez résistant pour la protéger et une paire de chausses empruntée à Skögul. Elle avait maintenu ses cheveux avec un foulard pour éviter que ses boucles blondes tombent sur son visage.

— Comme nous n’aurons que très peu d’espace pour bouger, nous devons y aller dans un ordre très précis, commença Mandrax.

Ils se regardèrent tous, se demandant ce qui les attendait.

— J’y ai réfléchi toute la nuit et je pense que le plus efficace est que Skögul passe en premier. Si tu vois aussi bien dans le noir que tu le dis, tu nous seras très utile. Je serai juste derrière pour vous guider dans les méandres de ce labyrinthe.

Aure était bouche bée. C’était une femme qui allait ouvrir la voie !

— Suivra Kronin. Si un obstacle se dresse devant nous, Skögul et moi nous écarterons pour que ta masse s’abatte. Malthor qui nous domine tous par la taille sera au milieu pour vérifier aussi bien ce qui arrive devant nous que ce qui nous pourchasse derrière. Ma seule crainte est qu’il soit bloqué dans les passages les plus étroits.

Malthor affaissa alors instinctivement ses épaules.

— Aure sera juste derrière. Enguerran ensuite la protégera et Raguard enfin fermera la marche avec pour consigne de massacrer tout ce qui nous poursuit.

Le magicien les regardait tous, attendant les éventuelles objections. Mais comme tout le monde semblait d’accord, il poursuivit :

— J’ai initié un sortilège de visions cette nuit qui m’a fait apparaître la princesse Antalya prisonnière au dixième sous-sol. Si nous ne voulons pas nous retrouver encerclés dans ce labyrinthe, nous devons être rapides et discrets.

Les guerriers se mettaient en rang, prêts à affronter l’horreur et Mandrax prit Aure à part.

— Prenez cette dague Mademoiselle, vous ne pouvez pas rentrer dans un tel lieu sans arme. Elle est légère et possède un charme qui la rend indestructible. Elle peut tout percer.

Aure, qui tenait dans ses mains une dague pour la première fois, l’admira émerveillée. Elle était si légère ! Le manche doré était serti de quelques pierres précieuses qui reflétaient la lumière du lever du jour. La lame était incroyablement fine et semblait coupante comme du diamant. La fille du marquis prit un peu plus confiance en elle en la glissant dans sa ceinture.

Mais tous les compagnons avaient remarqué ses yeux fatigués. Elle n’avait pas dormi de la nuit. Elle s’apprêtait à pénétrer dans l’antichambre du mal. Elle allait se jeter dans les griffes d’esprits qui n’attendaient qu’une vierge comme elle pour la torturer jusqu’à la fin des temps. Mais d’un autre côté, tous ces guerriers expérimentés risquaient leur vie directement ou indirectement pour elle.

Elle était à la fois le maillon faible de cette petite communauté et le point de force qui les guidait tous.

Niveau -1

Les sept entrèrent dans le labyrinthe dans l’ordre prédéfini par Mandrax. Le passage était très étroit, il semblait avoir été taillé directement dans la terre ou la roche, Malthor devait avancer vouté car le plafond était bas. La lumière provenant de l’entrée s’estompait peu à peu et le mage alluma sa torche magique tout en indiquant la direction alors qu’ils trottinaient :

— A droite !

Le silence était presque total, seulement troublé par le bruit sourd de leurs pas sur le sol humide. L’air devenait de plus en plus lourd, chargé d’une odeur de terre et de moisissure. Pour Aure, chaque respiration semblait plus difficile que la précédente, comme si ce tunnel lui-même voulait l’étouffer. Les parois, si proches qu’elle pouvait les toucher des deux mains, étaient froides et rugueuses, couvertes de mousse et de fissures anciennes.

— Prenez la suivante à gauche !

Elle avançait difficilement, ses doigts glissant sur la tunique de Malthor pour garder l’équilibre. La lumière vacillante du magicien projetait des ombres mouvantes qui dansaient autour d’elle, transformant chaque recoin en menace potentielle. Son cœur battait vite, trop vite, résonnant dans sa poitrine comme un tambour de guerre. Elle sentait la peur s’insinuer, douce et insidieuse, mais elle continuait, poussée par une volonté plus forte que l’angoisse.

— Et encore à gauche !

Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent dans un cul de sac.

— Soulève prudemment la trappe devant toi, Skögul, c’est l’accès au niveau du dessous.

Ils étaient agréablement surpris de n’avoir rencontré personne au niveau -1. Était-ce parce qu’ils avaient été suffisamment discrets ? Était-ce parce que les précédentes tentatives des soldats du prince Kabian avaient au moins servi à nettoyer ce premier niveau ? Ils n’eurent pas le temps d’y réfléchir.

Niveau -2

A peine avaient-ils sauté par la trappe qu’ils se trouvèrent sur un tas de dépouilles d’orcs et de soldats. Et Kronin, le plus petit du groupe, s’inquiéta de savoir comment il pourrait remonter par ce chemin.

L’air empestait et ils se mirent à avancer, entendant les os des nombreux corps qui jonchaient le sol se briser sous leurs pieds.

— A gauche !

L’humidité était plus importante à ce niveau. La torche magique répandait une lumière blafarde sur les murs luisants. Entre la pénombre, l’odeur et les cadavres partout sur le sol, Aure manqua plusieurs fois de défaillir. Mais le rythme imposé par Malthor devant elle et Enguerran derrière l’obligeait à avancer sans réfléchir.

— Ensuite la troisième à droite !

Chaque pas était une victoire sur son instinct qui hurlait de faire demi-tour. Elle sentait le sol irrégulier sous ses pieds, parfois glissant, parfois traître. Le corridor semblait s’étirer à l’infini, comme s’il n’avait ni début ni fin. Et pourtant, dans cette obscurité oppressante, elle découvrait une force en elle qu’elle ne soupçonnait pas. Une détermination brute, née du besoin de comprendre, de survivre, ou peut-être simplement de prouver qu’elle pouvait aller jusqu’au bout.

Ils atteignirent un petit réduit avec une échelle qui menait au niveau inférieur.