Silencieux et immobiles dans la pénombre

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Niveau -7


A peine avaient-ils posé leurs pieds au septième sous-sol que la torche magique de Mandrax s’éteignit.


— Un Antémax ! s’angoissa Mandrax.

— Un quoi ? demanda Aure.

— Un artéfact qui empêche toute magie dans ce lieu. Mes sorts ne pourront plus nous aider car je ne peux pas l’annuler. J’espère qu’il ne sera pas également actif aux niveaux inférieurs !


La vision de Skögul mit quelques secondes à s’adapter à l’obscurité. Elle reprit ensuite la tête du groupe alors que les quatre autres la suivaient dans le noir complet, tâtonnant contre les murs à la recherche d’une torche.

Aure sentit son cœur battre dans ses tempes et sa respiration s’accélérer. Elle ne voyait plus rien mais elle sentait et entendait tout ! En particulier ces choses qui grouillaient sous ses pieds. Elle se pinçait les lèvres pour ne pas hurler.

Enguerran qui la sentait faiblir lui soutint le bras tout en avançant.

Elle qui se pensait suffisamment forte pour affronter ce labyrinthe se mit à douter.

Mandrax avait gardé en tête le plan de ce niveau, il pilota Skögul jusqu’à la trappe.


Niveau -8


Le magicien essaya à nouveau d’allumer sa torche.

En vain.

Aucun signe de Raguard et Malthor.

Ils entendaient tous leur souffle saccadé sans pouvoir se voir. Mandrax sentait qu’ils avaient besoin de reprendre un peu de force avant de continuer.

Un bruit strident vint soudain cisailler leurs nerfs.

Aure se réfugia dans les bras de son voisin le plus proche qui s’avéra être Kronin.


— Ne restons pas là, soupira le magicien. Je ne connais plus le plan de ce niveau. Skögul, distingues-tu un chemin ?

— Il y a un embranchement, répondit-elle en plissant les yeux. Essayons à droite ?

— Très bien, avançons à tâtons.


Ils prirent la première à droite qui ne les mena nulle part. Ils revinrent sur leurs pas et tentèrent à gauche. Un précipice qu’ils évitèrent de justesse se présenta devant eux. Ils rebroussèrent chemin et essayèrent tout droit.


Plus ils progressaient dans ce long couloir, plus le vacarme montait en intensité.


Aure tremblait. Etait-ce la fatigue ? Ce bruit infernal ? L’accumulation d’émotions fortes ?

Ils prirent à droite. Après quelques minutes de marche, ils aperçurent au bout d’une longue ligne droite un faisceau lumineux jaillissant de la gauche, là d’où semblait provenir le bruit.

Ils avancèrent prudemment, prêts à se servir de leurs armes. Aure essayait de se protéger les oreilles.

Arrivés au bout de la ligne droite, ils se plaquèrent tous contre la paroi et Skögul regarda discrètement sur la gauche. Elle détourna brusquement la tête et ses compagnons virent l’effroi dans son regard.


— Une gor… Une gorgone !


Enguerran fit un mouvement de recul tandis que Kronin levait les mains au ciel. Aure sentait qu’elle devait se mettre à paniquer mais elle ne savait pas ce qu’était une gorgone.


— Décris-moi ce que tu as vu, reprit Mandrax l’air grave.

— Ses cheveux sont … un nid … un nid de serpent sifflants, qui s’agitent comme des fouets.


Aure n’avait jamais vu Skögul aussi terrorisée. Un souffle glacial serpenta entre leurs jambes.


— Et ses yeux… on dirait… deux puits de malédiction… deux puits de malédiction qui cherchent une proie et d’où jaillit la lumière.


Aure ne se souvenait pas avoir vu une représentation de Gorgone au couvent.


— Ne croisez surtout pas son regard, cela pourrait vous changer en pierre, alerta le mage.

— Malgré l’Antémax ? s’angoissa Aure.

— Le pouvoir des gorgones n’est pas de la magie à proprement parler, c’est un héritage des temps anciens. L’Antémax rend juste le processus réversible mais ne l’annule pas complétement.

— Mais comment la combattre sans la regarder ? s’inquiéta Skögul.


Enguerran qui avait gardé une bonne partie de son armure et son casque se proposa de passer devant pour faire écran auprès de ses compagnons.


— J’avancerai les yeux fermés en donnant des coups d’épée au hasard et dès que vous entendez un serpent toucher mon armure, frappez-le !


Aure était tétanisée. Elle voulut apporter une parole réconfortante à Enguerran mais aucun son ne sortit de sa bouche.

Enguerran s’avança, Skögul et Kronin cachés derrière lui. Aussitôt, les serpents jaillirent sur eux tandis que les cris stridents de la gorgone montaient en intensité.


Enguerran sentit un premier serpent qui essayait de passer sous son casque pour atteindre son cou. Il fut stoppé net par un couteau de Skögul enfoncé dans son crâne.


Mandrax et Aure restaient plaqués contre la paroi perpendiculaire ne voulant pas prendre le risque de croiser le regard de la harpie. La fille du marquis entendait les cris de ses compagnons au milieu du vacarme. Elle serra son étreinte sur sa dague tandis que son autre main s’agrippait à la manche du mage.


Enguerran se forçait à respirer lentement. Il n’avait jamais eu à combattre les yeux fermés, donnait des coups d’épée à l’aveugle en direction du monstre.


Ses brillants faits d’armes sur les champs de bataille ne l’avaient pas préparé à de telles situations.


Tout à coup, il ne sentit plus son bras gauche. Il poussa un cri. Kronin fit un écart pour donner un coup de masse sur le serpent qui lui enserrait le membre. Il le fixait pour déterminer si un deuxième coup était nécessaire, mais il ne voulait pas briser les os d’Enguerran. Ce dernier leva justement son bras pour montrer qu’il parvenait à se dégager de l’étreinte. Les yeux de Kronin qui suivaient le serpent se retrouvèrent alors face au regard de la gorgone. Il sentit immédiatement son bras s’immobiliser et il perdit le contrôle de son corps.


— Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qui se passe ? criait Aure affolée.


Elle sentit la main du magicien saisir la sienne.

Tout en restant blotti derrière Enguerran, Skögul contemplait impuissante son camarade immobilisé. Elle comprit qu’il fallait agir maintenant s’ils ne voulaient pas tous se retrouver transformés en statue.


— Enguerran, avance avec ton épée droite devant toi pour éventrer la gorgone, je vais écarter les serpents.


Le chevalier se mit à avancer plus rapidement avec l’épée en hurlant. Il sentit simultanément un choc sur sa tête, une entrave sur le bras droit qui tenait son épée et une étreinte sur sa jambe gauche qui faillit le faire tomber.


Skögul se décala sur la droite et avec ses hachettes, décapita les deux premiers reptiles. Le troisième la frappa au visage qui en se détournant croisa le regard de la gorgone, juste avant que l’épée d’Enguerran ne la transperce de part en part.


Le monstre et ses serpents s’écroulèrent avec fracas tandis que les statues de Kronin et Skögul se faisaient face.


Le bruit strident cessa immédiatement. La lumière de ses yeux laissa place à la pénombre.


Aure et le magicien comprirent que c’était fini. Elle se jeta dans les bras d’Enguerran, contente de voir qu’il était encore en vie. Elle fixait Kronin et Skögul momifiés avec terreur.


Des sentiments contraires la parcouraient. Le soulagement de voir Enguerran encore vivant se heurtait à l’angoisse que Skögul se soit sacrifiée pour lui.


— Si nous arrivons à annuler l’Antémax, je pourrai ramener Kronin et Skögul à leur forme humaine, la rassura Mandrax. Mais en attendant, nous devons continuer tous les trois.


L’échelle qui menait au niveau du dessous était juste derrière la dépouille de la gorgone.

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