A l'air libre
Les huit héros surprirent tout le monde en déboulant dans le campement à la tombée de la nuit près de treize heures après leur départ.
Le prince Kabian, qui ne les attendait plus, pleura à chaudes larmes en voyant sa fille.
Elle esquissa un sourire quand Malthor la déposa dans les bras de son père.
Difficile de savoir si les larmes du prince reflétaient sa joie de la retrouver ou son désespoir de ne pas la reconnaître tellement elle était diminuée. Elle arrivait à peine à parler.
Les soldats du prince s’étaient regroupés autour de la communauté. Tout le campement s’apprêtait à fêter le retour de la princesse comme il se doit mais une fois encore, Mandrax joua les rabat-joie :
— Nous avons pu paralyser les esprits mais cela ne durera qu’un temps. Rebouchez l’entrée et notre sortie et ne laissez jamais Antalya sans surveillance.
Les sept compagnons allèrent se coucher immédiatement malgré les protestations des soldats qui voulaient les célébrer toute la nuit.
Non seulement ils étaient épuisés mais Aure n’avait toujours pas repris connaissance. Le cœur n’était pas à la fête.
Le magicien avait rassuré Enguerran en lui garantissant qu’elle irait mieux après une bonne nuit de repos.
Le chevalier s’installa auprès d’elle dans sa tente pour la veiller toute la nuit. Il n’était pas rassuré avec ces démons qui étaient toujours présents sous terre.
Il repensait à tout ce qui leur était arrivé depuis le départ de la congrégation.
Le monde s’était écroulé pour Aure.
Et même si elle était encore en vie, il n’avait pas réussi à la maintenir à l’écart du mal comme l’aurait voulu son père. La bataille des Jötunn, ce terrible souterrain, elle avait dû assister à beaucoup trop d’horreurs alors qu’elle n’y avait pas été préparée.
Mais la fatigue finit par l’emporter sur les remords.
Le lendemain, les rayons du soleil s’insinuèrent à travers l’ouverture de la toile et vinrent frapper le visage d’Aure qui se redressa d’un coup et fit sursauter Enguerran.
— Ah, Milady, comme je suis content de vous revoir parmi nous ! s’exclama-t-il d’une voix encore enrouée.
— Enguerran ? Où suis-je ? Que… Que s’est-il passé ? demanda-t-elle en tournant la tête dans toutes les directions, comme pour se repérer.
— Rassurez-vous, tout va bien. Nous sommes dans le campement du prince, nous sommes sortis de ce maudit labyrinthe, dit-il paisiblement en lui prenant les épaules pour la calmer.
Mais elle restait très agitée, semblant chercher désespérément quelque chose ou quelqu’un du regard.
— Et Antalya, Skögul, Kronin, … où sont-ils tous ?
— Ils sont dans le campement, tout le monde est vivant.
Elle posa beaucoup d’autres questions pour comprendre comment ils s’étaient libérés, comment ils l’avaient soustraite à l’influence de l’esprit et comment ils avaient réussi à sortir du labyrinthe.
Elle finit par se calmer et sortit retrouver ses compagnons. Skögul fut très émue de la revoir éveillée et Aure fut tellement contente de la retrouver libre de ses mouvements qu’elles s’étreignirent de longues secondes.
Puis on vint les chercher.
Le prince Kabian avait organisé une petite cérémonie en l’honneur des héros :
— Je ne vous remercierai jamais assez de m’avoir ramené ma fille…
Il tourna la tête vers Antalya qu’il tenait par la main.
— … même si je crains qu’elle ne soit plus jamais la même.
Antalya assistait à la scène impassible, les yeux vitreux sans aucune expression.
— Voilà de quoi payer mille mercenaires, continua le Prince alors que ses soldats amenaient un coffre rempli de pièces. Quels sont vos projets maintenant ?
— Nous allons reprendre notre route vers Thugdul et trouver ces wendigos en noir, répondit Enguerran.
— Et je vous conseille de lever le camp également et de vite regagner votre château Prince, l’endroit n’est pas sûr, renchérit Mandrax.
Raguard, Skögul, Kronin, Malthor, Enguerran et Aure saluèrent tout le monde avant de reprendre leurs chevaux.
Aure alla voir Antalya qui restait amorphe et lui prit les mains. Elle lui chuchota quelque chose que ses compagnons ne purent entendre. Les yeux de la princesse s’illuminèrent furtivement.
Malthor se tourna vers Mandrax :
— Alors, c’est certain, tu ne veux pas venir avec nous ?
— Je veux d’abord m’assurer que le Prince et sa fille sont en sécurité, je vous rejoindrai ensuite. J’imagine qu’après Thugdul, vous repartirez dans l’Ouest ?
— Oui, reconstruire le château de mon père, répondit Aure qui était revenue à leurs côtés.
— Méfiez-vous des ces wendigos. Ne les combattez que si c’est nécessaire, conclut le magicien.
Ils se mirent en route.
Raguard et Kronin montaient les chevaux qui tiraient la charrette avec le coffre de pièces.
Malthor et Skögul se tenaient de part et d’autre.
Enguerran chevauchait devant à côté d’Aure. Il lui jetait des regards furtifs régulièrement mais n’osait pas lui adresser la parole. Elle semblait plus fermée et son regard était noir et déterminé, fixant l’horizon.
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