La défense de l'Ouest

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Aure ne s’attendait pas à cela. Depuis presque un an, elle survivait et se levait chaque matin avec l’unique obsession de perpétuer le nom de son père et de faire revivre son comté.

Malheureusement, les arguments de Mandrax et Skögul étaient difficilement discutables.

Ou elle ne se sentait plus la force de les contester.

Seuls ses sanglots brisaient le silence de la grande salle. Elle voyait son père, son frère, sa sœur s’évanouir tels des fantômes par la cheminée. Le nom de Dual disparaîtrait lui aussi certainement à tout jamais.

Les compagnons s’échangeaient des regards gênés. S’ils étaient tous réunis et avaient affronté ces aventures, c’était bien pour aider Aure à reconstruire son château et perpétuer la lignée de ses ancêtres.

Malthor qui était resté en retrait s’approcha d’elle et prit la parole :


— C’est effectivement la seule solution Mandrax, tu as raison. Aure, nos familles ont toujours été liées et tu as bien compris que je ne serai jamais un châtelain ni un Comte même si j’en ai le titre. Considère donc ce château comme le tien. Annexe les anciennes terres du Dual à celles de Sasse et gouverne cette province comme ton père aurait voulu que tu le fasses. Je suis certain que c’est ce que le mien aurait souhaité aussi.


Aure leva ses yeux rougis vers lui sans comprendre exactement tout ce que cela impliquait.


Mandrax profita de cet instant de flottement pour reprendre la main :


— Nous n’avons pas de temps à perdre. Je vais faire savoir dans toutes les terres avoisinantes que nous recrutons des maçons, des bâtisseurs, des charpentiers mais aussi des soldats, des guerriers et des mercenaires. Enguerran, pouvez-vous gérer l’extension et le renforcement du château avec le conseiller de feu le Comte ? Malthor, Raguard, Kronin, Skögul, saurez-vous entrainer et préparer des milliers de combattants à affronter le mal ?


Ils hochèrent tous la tête en guise de confirmation.


Mandrax, dont le seul objectif était de retenir le mal en dehors des frontières, se mit à rêver qu’une fois cette guerre achevée, et s’ils en sortaient victorieux, Aure puisse épouser le fils du prince Karavec pour qu’ils amènent à nouveau la stabilité et la protection dans l’Ouest.

Aure s’était redressée et avait séché ses larmes. Elle avait maintenant retrouvé le regard noir et déterminé qu’elle avait depuis la sortie du labyrinthe.


— Je veux aider aux fortifications. Viens Enguerran, allons trouver un maître bâtisseur !


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Le château de Sasse était un château fort classique à deux enceintes, érigé au sommet d’une petite colline.

En revanche, il ne comportait ni douve ni pont-levis pour sécuriser l’accès, juste une lourde porte en bois à deux battants. Une large cour intérieure menait ensuite à l’autre enceinte dont l’accès se faisait par une petite porte en fer. Et le donjon était situé quelques mètres plus loin, dominant tout l’édifice.

Tom le bâtisseur, qu’Aure et Enguerran étaient allés chercher à Brennes, avait préconisé de rajouter des remparts extérieurs, même de faible hauteur, avec des douves devant et un pont-levis. Cela représentait un travail colossal mais améliorait significativement la défense.

Surtout, il devenait alors possible d’accueillir beaucoup plus de personnes au sein du château et de soldats sur les remparts.

C’est d’ailleurs grâce à cette promesse de protection au sein de la troisième enceinte que la plupart des paysans des contrées de Sasse et du Dual acceptèrent de travailler gratuitement une partie de leur temps. L’essentiel des pièces rapportées par nos compagnons pouvaient donc être utilisées pour payer les mercenaires.

En trois mois, les maçons avaient réussi à ériger un premier mur sur toute la longueur et un mètre de hauteur. Tandis que les terrassiers avaient commencé à creuser les douves sur trois mètres de profondeur mais sur à peine la moitié de l’enceinte.

Pendant ce temps, Malthor, Raguard, Kronin et Skögul formaient chaque mois un petit groupe de guerriers volontaires qui, à leur tour, entraînaient des paysans et autres soldats de fortune pour démultiplier les forces.

Mandrax circulait à travers ce chantier colossal et dispensait conseils et sortilèges çà et là. Soit pour indiquer aux apprentis soldats la posture à adopter face au mal, soit pour soulager les bâtisseurs en soulevant quelques pierres par enchantement.

Il se posa un instant à côté d’Enguerran pour observer toute cette agitation :


— Toute cette main d’œuvre gratuite venue de l’Ouest est très précieuse !

— Oui, depuis la destruction du château de Dual et la mort du Prince Karavec, tous ceux qui n’ont pas voulu fuir ont bien compris que leur survie se jouait ici, confirma Enguerran l’ai inquiet.

— Et ce sont autant de pièces économisées qui serviront pour enrôler les mercenaires le moment venu.


Le chevalier se tourna vers le magicien et prit un air grave :


— Malheureusement, nous n’aurons pas de quoi payer plus de cinq cents mercenaires…

— Comment ? Nous avons pourtant gagné bien plus, s’étrangla Mandrax.

— Nous avons sous-estimé le coût d’achat et d’acheminement des pierres de la troisième enceinte.


Le magicien prit un air grave et s’éloigna en silence.


Aure avait progressivement laissé la construction des nouvelles défenses du château à Enguerran et Tom. Ils se débrouillaient très bien sans elle et elle avait préféré se concentrer sur la logistique et l’organisation. Cela lui permettait de rester au contact de son peuple. Le chantier et les futurs soldats représentaient des milliers de bouche à nourrir chaque jour et un ballet incessant de paysans et charriots entraient et sortaient de l’enceinte du matin au soir.

Mais elle avait tiré les leçons de ses précédentes aventures. Chaque matin, elle améliorait son maniement de l’épée et ses techniques de combat avec Skögul et chaque soir, elle musclait son corps et améliorait sa capacité à encaisser la douleur avec Kronin.


Elle montrait une détermination et des aptitudes qui impressionnaient tous les soldats.


Un soir, après un entraînement au combat en corps à corps, elle relevait son corps endolori quand la comtesse s’approcha d’elle :


— Mademoiselle, ce n’est pas l’attitude qui sied à votre rang ! s’exclama-t-elle d’un ton indigné.

— Mon rang ne me sauvera pas la vie face au mal !

— J’ai appris que mon naïf de fils vous avait promis nos terres pour je ne sais quelle raison ! Sachez que je m’y oppose ! Seul un Sasse peut régner sur notre domaine !


Surprise par la violence de l’agression, Aure allait seulement répondre mais la comtesse avait déjà tourné les talons et était repartie.


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Au bout d’un an, la troisième enceinte était montée et les douves creusées. Ils attaquèrent ensuite la construction du pont levis, le renforcement des chemins de ronde et l’établissement de machicoulis tout au long de la seconde et de la troisième enceinte.

Mandrax noya les douves sous l’eau en quelques minutes avec un sort ! Il dut ensuite affronter les regards noirs de tous les ouvriers qui ne comprendront jamais pourquoi il n’avait pas pu faire de même pour ériger immédiatement et par magie cette troisième enceinte !

Le chevalier, qui sentait l’échéance approcher, lança le recrutement des cinq cents mercenaires avec Malthor.


Puis ce qui devait arriver, arriva.


Un soir, un cavalier garde-frontière déboula au château pour annoncer que le mal avait traversé la frontière et déferlerait le lendemain.

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