Soirée d'été
Entre mes parents et leurs amis, coutumes régulières de s’inviter les uns et les autres. Je vis et m’imprègne de ces temps de rencontres où règne une vraie joie de vivre, une simplicité dans la relation qui offre un naturel rassurant, festif et libre de tout propos. Je n’ai pas encore 6 ans. Je suis avec mes frères et les enfants des amis. Par ricochet, nous nous entendons tous bien. C’était une évidence.
La maison de ma mamie se juxtapose à celle de mes parents. Caractéristique rare et atypique, un énorme rocher touche sa maison. Il crée une base. Un piédestal. Un refuge. Il nous invite à prendre de la hauteur, à nous rassembler, à ressentir un peu plus ces sensations, du vent qui nous caresse, de l’horizon.
Il a été le point de départ d’un lâcher de ballon. Un simple ballon de baudruche qui n’avait vocation qu’à s’envoler dans l’espoir d'être adopté par un nouveau propriétaire. Dans le regard de l’enfant, une envolée qui crée la féérie dans le paysage. On n'en voit que trop peu voler dans le ciel.
Il fait nuit. L’espace autour de la maison n’a pas de délimitation. Techniquement, nous possédons un jardin n’excédant pas cent mètres carré. Histoire de dire. Il crée quelque chose de plus formel, une intimité. Autour, un terrain plus vague mais exploité en tant que corps de ferme. Aucune barrière. A nous la liberté. Les propriétés situées en zone rurale offrent les configurations les plus improbables possibles. J’aimais cette diversité. Les particularités de chacune. Une âme sacrée se dégage des maisons de campagne.
Et puis, il n’y a pas de frontière, aspirant à l’idée que tout nous appartient dehors, où surgit le sentiment de liberté. Dans notre maison, nous avions une porte vitrée qui donnait sur un champ. Je revois le mouton en face de la porte. Moi dans le couloir, de l’autre côté de la vitre. Le contraste me saisit. La vision de mon domicile, un lieu protecteur ; et celle d'un animal d’élevage me renvoie à une nature domestiquée pour être exploitée.
Mes racines sont ici.
Cette soirée-là, je suis dans mon élément. Avec tous les enfants, nous sommes dehors. Un ballon de foot. Le jardin devient le lieu de prédilection au jeu qui convient parfaitement aux grands espaces et aux multiples cachettes : la gamelle. Un de nous est désigné pour shooter le plus loin possible. Et c’est parti. Le but du jeu : une personne compte à la position du ballon pendant que tout le monde part se cacher. Puis, chaque personne trouvée sera éliminée à moins que quelqu’un vienne shooter et crier “gamelle” pour les libérer.
Il fait nuit. Je suis terriblement apaisé par le spectacle nocturne. Je suis heureux. J’adore les soirées d’été où la chaleur de la journée retombe pour laisser place à la douceur calme de la nuit. Cet été, parfois agressif, conduisant à l’hyperstimulation sensorielle de sa lumière vive et sa température accablante. La noirceur vous apaise et vous rappelle la quiétude du sommeil une fois blotti dans le lit.
Les odeurs de barbecue durant les soirées d’été nous accompagnent et apportent la touche finale qui me plonge dans le bien-être total.
Il est évident qu’en cet instant, à 5 ans, je goûte à la légèreté de l'être. Les ingrédients sont réunis pour créer un espace de joie décuplée.
C’est quoi le bonheur pour un enfant ?
Il est sournois pour nous, adulte, qui l’intellectualisons car il s’exprime précisément quant il n’est pas là. Alors, vous vous dîtes. “Tiens, à cet instant-là, je goûte au bonheur”.
Bien sûr, cette soirée-là, je ne le sais pas. Ce n’est qu'à la lumière de mon vécu, une fois grandi, que je peux le qualifier comme tel.
C’est beau de regarder un enfant joyeux. Etre le témoin de l'insouciance dans l'oeil de l’adulte dépourvu de naïveté.
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