Retraite personnelle

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Je me vois. J’essaye mais ce n’est pas authentique. Mon insatisfaction m’agace. Je m’irrite à être cette personne ingrate. Je devrais mesurer ma chance, la saisir comme une réussite qui vous déclenche ce sourire, où cette simple neige parsemant le sol parvient à créer le paysage merveilleux. Là où vous rêvez. Juste ça. Pour me suffire.

Mais non.

Je suis ce petit garçon pourri gâté qui ne demande qu’à être resservi.

Comment se fait-il que je ne m’illumine pas ? Je devrais rendre grâce à cette opportunité. Juste, profiter du simple fait d’être là. C’est déjà bien.

Mais non.

Je devrais pourtant être fier de moi. Mais la fierté n’est pas au rendez-vous. Je n’y arrive tout simplement pas en raison de l’arrière goût maussade qui m’est tapissé en toile de fond. Je suis noyé dans mes angoisses. C’est là, précisément, que se joue ma découverte. C’est grâce à ces milliers de kilomètres, dans la retraite de soi à mon environnement, qu’apparaît en surbrillance mes besoins. Basiquement, c’est revenir à la pyramide de Maslow. Lorsque vos besoins les plus primaires ne sont pas comblés, il vous est impossible de jouir de besoins plus secondaires.

Dans l’expérience de ce déracinement, on vous met en garde des effets quant à la perte de ses repères, comprenant nos liens affectifs. L’enjeu est là. Dans l’épreuve du temps. Ce temps propre où aucune date n’est inscrite sur le calendrier qui prédestine la satisfaction de votre besoin. Alors, je ne veux pas devoir endurer l’incertitude. Je ne veux pas devoir endurer le fait de savoir si cela vaut la peine.

Et, on touche à ses limites. Parfait. J’ai appris ça de plus. Celles qui vous alertent sur votre degré d’adaptation à la situation. Il y a le facteur “temps” et le facteur “distance géographique”.

Ainsi, ne faisant pas dans la demi-mesure, je me suis lancé dans une exploration si lointaine que l’éloignement ne me permet pas de savoir quand je reviendrai.

A croire que j’ai besoin de vivre intensément mes expériences pour en tirer des apprentissages d’une clarté saillante .

Oui. Vivre une séparation nette et longue. 1 an et demi. Le challenge ne m’a pas effrayé. L’ivresse de l’opportunité l’emporte. Étonnamment. Mais, pas tant que ça. Je ne vous ai pas tout dit. Un ingrédient primordial s’est glissé dans le voyage. Une best friend fait partie du voyage. Les cartes sont rebattues. Désormais, en faisant l’expérience de son absence à l’étranger, il est clair que profiter d’un repère connu est une béquille à ne pas sous-estimer. Elle a été là durant 7 mois.

Oui. Mon ressentiment actuel se mue dans l’expérience de la solitude. C’est précisément lorsque je me retrouve avec moi-même que mon état mental se précarise. Oui. Des rencontres, des temps de groupe, je ne les compte plus. Bien sûr qu’ils vous réjouissent. Bien sûr que sur le moment, vous profitez d’une joie ambiante qui vous transporte vers un ailleurs. Alors, je ne veux pas vous offusquez. Vous que j’ai connu ici. Car, il est certain que vous resterez dans mon cœur et ma mémoire. Cependant, j’ai reçu de plein fouet l’incontournable ciment des relations : la complicité. La complicité, c’est le moment où on plonge encore la cuillère dans le pot de nutella, c’est notre facilité à se dire “allez on remet ça”. C’est le small talk. C’est la spontanéité. C’est se raconter de la merde. Et rire. C’est se dire de la merde n’importe quand.

Pas de miracle, elle n’apparaît pas du jour au lendemain.

Alors, mes nouvelles amitiés n’étaient pas suffisamment consistantes pour pallier à mon besoin affectif. De plus, les relations virtuelles de mes amitiés laissées en France ne peuvent pas remplacer la nécessité de se voir en physique.

Et puis un jour il y a le deuil. Les deuils mêmes. Le choc. Vous vivez ces épreuves en tant que fantôme pour le reste de la famille. Une claque. Je suis de nouveau confronté à ma propre solitude. Je n’ai pas la possibilité de rentrer en France. Cette solitude où les personnes présentes autour de vous ne vont pas pouvoir partager votre peine comme l’entourage familial l’aurait fait. Et puis, je n’ai plus de référentiel qui vienne me changer les idées. Je n’ai plus cet ami qui me permet de m’évader. Je n’ai plus mon chien pour me remplir de joie. Je manque de ces ressources vitales.

C’est là que le bas blesse. Mes projections quant à ce voyage ne m’ont pas amené à devoir élaborer sur ma manière de vivre sereinement une existence de complétude relationnelle et affective.

En effet, mon contrat initial avec moi-même était avant tout de découvrir un milieu professionnel qui m’intriguait au travers de ce voyage. Je n’avais nullement d’autres volontés, à part celle de profiter secondairement du voyage pour explorer le pays.

Je constate alors que l'on m'a laissé, ou plutôt, lesté sur mes épaules, le poids des projections d’autrui quant à l’immigration comme perspective de renouveau. Ces projets de dur labeur d’une vie à reconstruire. Un chantier trop faramineux. Au prix de sacrifices. Au prix d’une fatigue. Des legs qui coûtent et auxquels je ne veux pas consentir.

Le tremplin professionnel n’en est pas un. Légère déception. Mais j’accepte. Je l’ai fait. C’est bien ça le plus important.

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