Reviviscence
Souvent, notre façade principale exclut la profondeur de notre existence. D’où viens-tu ? Quelle est ton histoire ? Faites le bilan de vos rencontres et saisissez ce que vous ne connaissez pas de l’autre. Paradoxe. On se prend alors comme exemple soi-même en réalisant ce que l’autre ne connaît pas de nous. On peut alors supposer qu’il en est de même pour autrui : maculé de zones d’ombres.
Nous nous présentons alors plus ou moins comme la personne que nous sommes. Plus ou moins librement selon les personnes. C’est ainsi, vous ne connaissez que ce que l’autre vous livre.
De par mes rencontres et au regard des millions de témoignages disponibles publiquement, nous pouvons aisément voir et comprendre à quel point l’expression de soi, en l'occurrence, dans nos histoires personnelles est prégnante depuis l’explosion des médias numériques, télévisuels et audio.
Des vécus si riches de par le parcours unique de chacun qui mêlent, drame, combat pour la vie, violences sexuelles, rencontre amoureuse, deuil d’un enfant et que sais-je encore.
Alors, vous êtes là. Vous discutez. Il y a cette fille à l’humeur massacrante qui ne vous parle pas. Il y a ce jeune homme à votre cours de taekwondo qui vous racontera en 10 minutes ce qu'il a vécu pendant 14 ans, que c’est par la foi qu'il a vaincu son alcoolisme. Il y a ceux qui sélectionnent ce qu’ils veulent vous livrer. Il y a cette meilleure amie avec qui j’explore de plus en plus l’intime Cependant, nous voilà désabusés comme devant un pot de pâte à tartiner. Vous aurez beau racler les parois, des restes persisteront toujours dans les coins et les bordures.
Je comprends et j’accepte que cet ensemble de réalités qui nous constituent échappent à ma connaissance. Mais à quel point restons-nous toujours étranger à celui qui nous fait face ?
Je pense à notre passé bercé par la famille. Nous venons au monde avec ce contrat entre nous et ceux qui nous élèvent, puis le reste de la famille. Nous sommes le produit d’une éducation, d'interrelations, d'événements, où, le cocon familial est le lieu de façonnage.
Ce cocon, c’est cette porte refermée du domicile. Celle qui cache notre monde. Pourquoi alors vous faire entrer chez moi ?
J’ai vu bien trop de personnes mentir aux autres sans qu’il n’y ait une once de volonté d’agir dans ce sens, mentir par honte, car parler de soi nous expose à notre vulnérabilité, faites de fragilités et de faiblesses. Puis, il y a garder pour soi. Le silence, oui, mais l’omerta, non. Le silence, nous n’y parvenons de moins en moins. Être ajusté, savoir se taire, laisser le silence d’une conversation devenir la conversation. L’omerta, c’est le silence installé dans la retraite de soi à l’autre. Elle est l’indicible meurtri sous le poids des conventions, de ce qui a été conclu comme un fait inavouable.
Manifestement, le caractère de l’intime et du privé est un fondement de notre culture. La pudeur et le secret jouent un rôle vital de protection. Cependant, la charge émotionnelle de certains événements invite à reconsidérer cette matière sensible par la nécessité d’un travail personnel. Le secret doit exister dans une période donnée. Puis, on parle de “bon timing”, de “laisser le temps au temps” face à la succession d’étapes chronophages, coûteuse d’une maturité qui s’acquiert par étapes : réaliser, comprendre, nier, souffrir, pleurer, accepter, analyser.
Alors, pourquoi briser le silence ? L’évitement représente un coût psychique délétère. Cette attitude de rejet du souvenir potentiellement douloureux se manifeste par un “effet rebond” qui mobilise votre énergie et fait émerger les émotions négatives.
Alors, j’accède à l’écrit dans ce besoin de témoigner, de faire rejaillir ce passé pour mieux l’appréhender. Je veux me réconcilier avec ces souvenirs marquants. Le travail de mémoire que j’effectue dans ces souvenirs enfouis me permet de les faire transiter dans le présent afin de les retravailler et de leur donner une nouvelle signification. Aussi, les épreuves deviennent des matières d’enseignements à progrès.
Enfin, être en accord avec moi même et ne pas trahir de faux semblant. Rendre compte de ce que j’ai vécu. Transcender l’adversité.
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