Ma sexualité (Partie 1)

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Je suis chez moi. C’est une soirée d’été comme je les aime. J’ai bientôt 15 ans.

Je suis au bord du canapé. Auprès de mon chien. Je vais bien. Pourtant, c’est à cet instant précis que j’accède à une conscientisation de mon homosexualité. Telle une sorte d’affirmation à moi-même. Comme si cette caractéristique de mon identité n’avait jamais émergé dans le réel et qu’elle se muait de manière latente et cachée dans les tréfonds de mon être. C’est un des rares souvenirs marquant à le devenir par le simple fait d’avoir été une pensée.

Faire vivre cette sexualité et exister avec me parait très obscur durant cette minute de lucidité. Je réalise que cela va avoir des conséquences sur la suite de ma vie.

Conséquences. Le mot n’est pas assez fort. Un bouleversement. Une peur pour sûre. Oui, une peur d’un long chemin qui allait s’offrir à moi.

La résignation me vient à ce moment-là. Se sentir “en marge” est alors un euphémisme. Cette condition est plus qu’un impensé. Elle est un impossible pour ce garçon de 14 ans. Les 4 murs d’une prison se hissent autour de moi. C’est l’enfermement. Je n’aurais pas accès à une vie de couple. C’est évident pour moi à cet instant. Je ne connais aucun couple homosexuel. Dois-je comprendre qu’ils sont invisibilisés ? Alouis dans le panier d’une minorité identitaire ?

J’enterre le chemin d’un bonheur partagé. Je n’aurai donc jamais ce plaisir affectif.

En 1 minute, je fais également le deuil d’avoir des enfants. Sans réel discernement, ce couperet semble dévastateur, fatal. Mais je reste stoïque.

Avant le collège, je n’ai que peu de souvenirs du ressenti de cette différence. Oui, je peux me remémorer avoir une attirance envers certains garçons sans me l’expliquer. Enfant, je ne prends pas la mesure de ce qui me traverse. Je vis une vie d’enfant.

Cette attirance se poursuit. Ma psyché semble être dans un conflit interne où le refoulement est tel que mes crises d’angoisse viennent en partie de là. De mon point de vue, elles sont l’expression d’un tout, pas uniquement de ce mal-être identitaire.

Le décalage avec l’hétéronormativité est massif. Au collège, je tombe pourtant intensément amoureux d’une fille. Suis-je en bug ? Pourquoi ce que j’éprouve ne m’est jamais parvenu comme une réalité partagée par nombres d’enfants et d'adolescents ? Pourquoi présentons-nous l’unique prisme de lecture de l’attirance “femme avec homme” ?

La toxicité de mes relations sociales au collège présente tout de même un trait d’assimilation au groupe qui me rassure. Ils sont tout autant détachés que moi dans la recherche amoureuse ou sexuelle. Malheureusement, je vais rester dans la frustration constante de mes amours. Je ne parviendrai pas à satisfaire ces désirs. Les subir, oui.

Ainsi, à l’adolescence, une majorité vivra l’exploration de leurs désirs avec les premières relations amoureuses. On flirte, on a nos premières expériences. Commence alors pour moi le début de la traversée du désert.

Après cette révélation de mon homosexualité à moi-même vient le lycée. Je me sens toujours “à côté” en ce qui concerne mon identité sexuelle, mon rapport à ma sexualité. Je reste silencieux quant à cette facette de moi-même. Après tout, je me suis confortablement installé dans ce silence. On ne me pose aucune question, on ne me fait aucune remarque, et ça me va très bien.

Les seules personnes que je peux croiser à cette époque surviennent au lycée. Je n’ai pas d’autres moyens de rencontrer du monde. Je vis à la campagne. Je reste frustré de devoir bâillonner cette partie de moi qui ne voit aucune représentation dans son lycée, aucune visibilité dans les discours. Je fais des suppositions sur qui semble “comme moi” mais ça s’arrête là.

Je me sens dans l’incapacité de communiquer sur ce que je vis, par peur d’être incompris, car je n’en parle pas. Quand mes amis se libèrent progressivement sur leurs désirs, leurs sentiments amoureux, mes pensées restent aux stades de pensées, enchaînées dans mon esprit. Je ne m’en sens pas capable.

Peut-être parce que cela parle trop de moi. D’une sensibilité où l’on effleure de trop près l’intime, de cette impuissance à exister, avec cette ignorance identitaire-sexuelle dans laquelle j’ai toujours baigné autour de moi. Après tout, cela n'existait pas dans les discours de mon entourage familial. J’ai naturellement calqué et reproduit ce comportement. A 17 ans, une latence pré-existe à toute émancipation personnelle. Je reste un enfant qui n’est pas sorti de son parc. Un confort où je n’ai pas accès à une élaboration sur ma condition.

Sur les 5 de mes amies du lycée, seule une passera au stade de la concrétisation du couple. Je me sentirais donc protégé, dans la norme de l’étape purement idéalisée du couple.

Au-delà même de notre disponibilité à tous pour s’ouvrir à une relation sentimentale, il est avant tout pour moi un engagement irréalisable tant il bouleverse les codes que j’ai incorporés.

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