Chapitre 8

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Voilà une bonne semaine que Naeliya connaissait Taeliya et son équipe de choc, dont elle partageait les rêves communs. Pendant ces quelques jours, la non-voyante avait élu domicile chez Laly et Gérard, qui étaient heureux d’avoir un peu de compagnie. Son appartement fut vidé et nettoyé par le clan Carlington. Suite aux attaques répétées chez elle, Noah ordonna que le logement de la jeune femme soit remit en location, préférant prévenir le moindre souci et surtout éviter à Kim de devenir le pire de lui-même, comme l’Oni avait pu être quand sa femme fut kidnappée, etc.

Taeliya avait proposé que Naeliya vive avec eux, ou chez Kim, mais l’interprète avait catégoriquement refusé. Elle ne connaissait pas assez l’homme pour se laisser vivre chez lui ou même venir déranger la jeune mère et sa petite famille. Être hébergée dans l’appartement des grands-parents de Tristan était déjà très généreux de leur part et elle se sentait mal de s’imposer à eux.

Pendant cette semaine, Naeliya n’était pas retournée au cabinet d’avocats. Elle avait prévenu Monsieur Gervais qu’elle avait quelques soucis personnels qui l’empêchait de se déplacer, mais qu’elle continuerait de travailler depuis chez elle. Il leur suffisait de l’appeler en visioconférence pour qu’elle puisse traduire en temps réel, ce que disaient les clients. Au départ, l’homme avait tenté, par beaucoup de conversation, de la persuader de venir sur place, mais Naeliya n’avait pas lâché. Après une dizaine de tentatives infructueuses, Monsieur Gervais avait fini par céder et l’avait laissé tranquille. Mais les appels visioconférences étaient de plus en plus nombreux chaque jour, ce qui épuisait la jeune femme. Cependant, pour piéger l’homme et découvrir son lien avec la famille
Ernandez, la jeune femme acceptait cette situation. Par moment, il lui arrivait de poser des questions qui la rapprochaient de la vérité, elle le savait et enregistrait ses appels afin de les transmettre à Tristan et Kim. Le soir, elle dînait avec les grands-parents, Laly et Gérard dont elle put enfin déguster la cuisine qu’elle n’avait pas pu goûter depuis son aménagement. Et la nuit… elle retrouve l’Oni et son démon ou les autres pour débattre de ce qu’elle a put apprendre ou faire durant sa journée et les réactions de Monsieur Gervais. C’est ainsi que, une semaine depuis sa rencontre avec Taeliya et ses Oni, Tristan et Jess débarquent dans le restaurant, en plein milieux d’une après-midi fraîche d’automne.

— Oh ! Tristan ! Jess ! s’exclama Laly, se levant pour venir prendre les deux garçons dans ses bras et leur offrir une bise.

— Bonjour Laly, sourit Jess.

— Salut, les garçons ! Lança Gérard, depuis une des tables où ils faisaient de la paperasse,
Naeliya installée juste à côté, pianotant sur son clavier spécial, des écouteurs fichés dans ses oreilles, les sourcils froncés.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Tristan, mais sa grand-mère lui fit signe de se taire.

À voix basse elle leur explique que son client lui donne de plus en plus de travail et la jeune femme est en train de traduire une conversation d’un immigré hispanique qui aurait prononcé le nom d’Ernandez. C’est alors que les deux jeunes hommes s’approchent, et s’installent face au vieil homme qui leur adresse des sourires. Jess sort son téléphone et envoie un message à son amie qui lui demande de rester avec la non-voyante jusqu’à ce qu’elle ait fini son appel. Il présente la réponse à son compagnon qui se contente de hocher la tête.

Soudain, Naeliya, qui devait les avoir entendu, allongea le bras droit et commença à taper sur la table. Les deux mafieux se dévisagèrent, surpris. Elle tapait en morse ! Comment connaissait-elle cette technique ? Tristan se dit qu’il devrait en faire part à son groupe. Cette nana avait des talents qui leur seraient très utiles, mais il se doutait que Taeliya ne les laisse l’utiliser, et c’était compréhensible. Le duo de mafieux se concentra sur ce qu’elle tapait et ils comprirent qu’elle tenait quelque chose d’intéressant.

« Client en contact avec la cible. La cible dirige le client. La cible et le client sont au courant de mon identité. La cible est le véritable dirigeant du client. Contrat biaisé. Lieu en danger. Intervention sur le village. »

Alors qu’elle tapait, tout en traduisant les paroles d’un immigré, elle suspendit ses doigts au-dessus de la table, s’arrêtant dans son geste, comme si elle venait d’entendre quelque chose qu’elle n’aurai pas dû savoir. Puis elle reprit.

« Cible en préparation. Cible ne vous a pas reconnu. Cible et Client ignorent qui vous êtes. Cible se prépare à revenir… »

Tristan tapa à son tour d’arrêter. Elle recula son bras et hocha la tête.

— Bien, puis que nous avons put conclure pour aujourd’hui, dit-elle. Je vais devoir vous laisser. J’ai d’autres obligations professionnelles qui demandent mon attention.

— D’autres obligations professionnelles ? Demanda Monsieur Gervais.

— Vous le saviez, dès l’instant ou nous nous sommes rencontrés, Monsieur, dit-elle d’une voix assez froide. Vous n’êtes pas le seul client que j’ai. Je suis en free-lance, donc j’ai le droit d’avoir un carnet de contacts et plusieurs d’entre eux demandent mon assistance.

Elle déconnecta ses écouteurs et ils purent entendre :

— Vous avez des obligations ici, Mademoiselle Clark ! S’exclama une voix qu’aucun d’entre eux ne reconnu.

— Monsieur Gervais. Dans mon contrat avec vous, il est stipulé que j’ai le droit de me retirer à tout moment et que je ne travaille pas avec vous en exclusivité. Maintenant que nous avons fini, je vais pouvoir me concentrer sur mes autres travaux. Bonne journée à vous.

— Mademoiselle Clark ! S’écria la voix avant que Naeliya ne coupe la communication et n’éteigne son ordinateur, après avoir sauvegardé son enregistrement du jour.

La jeune femme poussa un long soupir.

— Tristan et Jess ?

— En effet, répondit l’Oni.

— Bonjour à vous deux, fit-elle, se massant l’arrête du nez, visiblement très agacée et épuisée.

— Comment connaissez-vous le morse ? L’interrogea Jess, curieux.

— Mon père est un ancien militaire, expliqua-t-elle. Depuis toute petite j’ai appris quelques petites choses avec lui.

— Sympa, dit Jess. Mamie, Papy, vous devriez prendre des affaires pour trois ou quatre jours.

— Oh ? Est-ce qu’il faut fermer le restaurant ? Demanda Laly, inquiète.

— Ça serait bien, oui, dit Jess. Rassurez-vous, Laly, nous avons des caméras partout.

— Jess, qu’est-ce que je dois écrire ? Demanda la vieille femme, revenant avec une pancarte et un stylo.

— Dites juste que vous fermez pour quelques jours, pour des raisons familiales. Pas besoin de s’étaler. Si jamais il se passe quoi que ce soit ici, nous serons prévenu et on pourra intervenir en un rien de temps.

— Hm… D’accord. Merci, mon petit.

Ils regardèrent la vieille femme inscrire quelque chose sur sa pancarte et la donner au mafieux pour qu’il puisse l’installer, le temps qu’ils montent à l’étage afin d’y faire leurs sacs. Laly aida Naeliya à faire le sien. Quand ils se retrouvèrent en bas, une quinzaine de minutes plus tard, Tristan pris le sac de la jeune femme et la laissa lui toucher l’épaule, afin de s’aider. Jess délesta Laly et
Gérard de leurs bagages. La voiture du jeune homme n’était pas si loin. Une fois tous installés, il mit le contact et quitta les lieux.

— Où allons-nous ? Demanda Gérard, tenant la main de sa femme dans la sienne.

— Au manoir des Carlington, répondit Jess.

[…]

Taeliya s’affaira à préparer son ancienne chambre, celle qu’elle avait, autrefois, occupée et qu’ils avaient transformé en bureau. Quand Kim et Tristan étaient venus trouver Noah, ce matin-là, elle s’était doutée qu’ils avaient réussi à mettre la main sur les informations que son époux leur avait demandées.

Il avait donc ordonné à Tristan de se rendre au restaurant de ses grands-parents, afin de récupérer la jeune femme. Mais tandis qu’ils attendaient leur retour, un message leur fut envoyé.

Le plus jeune de leur groupe sanguinaire expliquait qu’elle avait découvert encore plus de choses et qu’il y allait avoir du grabuge. Kim s’était tendu, et si Taeliya ne l’avait pas retenu, il serait allé directement récupérer la jeune interprète, quitte à griller leur mission. C’est pourquoi, elle avait prit la décision qu’ils feraient venir Laly et Gérard au manoir, afin de les protéger. Naeliya, c’était encore à débattre. Elle n’agissait pas comme une femme paniquée par le fait de se retrouver au milieu de mafieux. Quoi que, sa première rencontre avec Samsara et ses congénères, elle n’avait pas pu feindre l’horreur, la panique et l’inquiétude. Pourtant, malgré tout cela, elle s’était investie dans cette quête d’informations. Ils avaient bien vu la façon dont elle réagissait face au nom d’Ernandez et quand on lui parlait d’hôpital. Ses larmes avaient brisé le cœur de la jeune mère. Elle en avait parlé avec son père, Sonia et Alya qui lui avaient dit qu’elle était trop facilement touchée, mais aucun d’eux ne connaissait la douleur que les deux femmes partageaient.

Elle était donc là, préparant la chambre pour le vieux couple qui allait découvrir, pour la première fois, l’antre même des mafieux du clan Carlington. Tristan pouvait se rassurer, les sachant à l’abri ici. Mais ils ne possédaient pas assez de chambres pour loger Naeliya. De plus, la faire grimper dans les étages serait un inconvenant pour elle. Mais pour cette nuit, Taeliya n’avait d’autre choix que de la faire dormir dans les étages.

La voiture du couple de garçons arriva. Elle pouvait entendre crisser les pneus du SUV de Jess, sur le gravier de la cour. Vite, elle se précipita pour rejoindre Sonia, Alya et tous les autres, venus accueillir le petit groupe. Elle sortie sur le perron, une main sur son ventre, Elios et les deux autres petits à côté d’elle. Stein n’allait pas tarder à les rejoindre, suivit des Oni.

— Laly ! Gérard ! S’exclama-t-elle en les voyant descendre du véhicule.

— Taeliya ! Mon dieu que tu es belle, mon enfant ! S’exclama Laly.

— Mamie ! Papy ! S’écria Elios, descendant les marches pour se précipiter vers le vieux couple.

— Oh, mon petit Prince, fit le vieil homme en le prenant dans ses bras pour lui embrasser ses petites joues rondes.

— Prenez mon bras, Mademoiselle Clark, entendirent-ils.

Tristan, posté devant la portière arrière, tendait son bras à quelqu’un. Une canne apparue en première, touchant le sol. Puis deux pieds suivirent. C’est alors que le clan put découvrir Naeliya Clark, jeune femme du même âge que Taeliya… non voyante. Jess récupérait les sacs dans le coffre avant de se poster proche de son compagnon qui guidait l’interprète vers ses grands-parents.

— Naeliya ! S’exclama Elios, visiblement très content de la revoir, après une semaine.

— Salut, petit gars, entendirent-ils.

Naeliya se pencha et tendit la main pour tenter de le trouver. Elle rencontra sa menotte qui lui prit l’index. Le garçonnet rayonnait de joie. Sans comprendre pourquoi, il aimait beaucoup la jeune femme. Sans doute parce qu’elle lui rappelait sa mère ? Ou alors, sentait-il qu’elle n’était pas une menace ?

— Viens, Naeliya ! La pressa-t-il. Maman nous a-

— Mademoiselle Clark ! Entendirent-ils provenir depuis l’intérieur de la bâtisse.

Cette voix… Elle l’a reconnu sans mal et se mit à frissonner quand le timbre sombre et tendue de celle-ci lui parvint. Des pas précipités se firent entendre sur le gravier, puis s’arrêter devant elle. Naeliya lâcha le bras de Tristan et la tendit devant elle. Ses doigts rencontrèrent l’avant-bras du coréen qui lui prit délicatement le coude.

— Merci, dit-elle, tournant la tête vers Tristan. Je pense que mon cavalier est arrivé.

Le petit couple à sa droite pouffa et se rendirent auprès de leur maîtresse, Elios et les grands-parents avec eux, tandis que Kim ne pouvait lâcher la jeune femme du regard. Son grand corps large bloquait la vue des curieux qui espéraient pouvoir voir ce qu’il se passait entre eux.

C’est alors qu’elle se pencha en avant et murmura au mafieux :

— Bonjour, Monsieur Samsara.

Il put voir un petit sourire étirer un coin de sa jolie bouche. Son démon s’agita, visiblement content de la voir et de la façon dont elle le saluait. Kim ne l’avait pas revu depuis une semaine, mais il comprenait déjà ce que ressentaient Noah et Tristan. Cette séparation était insoutenable, mais elle était devenue son enfer à mesure qu’il enquêtait sur la jeune femme et son passé en commun avec Ernandez.

— Mieux vaut les laisser tranquilles un moment, pouffa Taeliya.

— Nous devrions y aller, murmura l’aveugle, souriante.

— Vous avez raison, dit Kim, se reprenant.

Il se positionna à sa gauche et l’aida à glisser ses doigts autour de son avant-bras. On les regarda avancer jusqu’à la première marche du perron.

Elios la rejoignit et s’accrocha au pan de sa jupe, lui indiquant les endroits dangereux.

— Merci beaucoup, petit Monsieur, dit-elle, amusée et reconnaissante.

Les sourires qu’il lui adressait, jamais elle ne pourrait les voir, ce qui brisa des cœurs parmi les mafieux, sans se douter que chaque soir, elle pouvait le voir lui offrir ses plus beaux sourires et rire avec elle. Mais ça, bien sûr, ils ne le diraient à personne.

— Bienvenue chez moi, Mademoiselle Clark ! Tonna la voix de Stein.

— C’est un honneur d’y être, Monsieur Carlington, dit-elle, inclinant doucement la tête. Bien que je sois désolée de ne pouvoir vous complimenter sur la décoration.

Stein ne put s’empêcher de pousser un rire fort et grave.

— Nul besoin de cela, ma chère. Entrons. Laly, Gérard, c’est un plaisir de vous accueillir dans mon humble domaine, dit-il en s’adressant au vieux couple qui lui serra la main.

— Humble ? Vous voilà bien modeste, Stein, s’amusa Gérard.

Quelques rires fusèrent, puis on entra afin de présenter au couple la chambre dans laquelle ils dormiront. Quant à Naeliya…

— Naeliya, je n’ai malheureusement pas trouvé de chambre adéquate, s’excusa Taeliya, comme si c’était une faute grave.

— Oh, non ! Ne t’excuse pas ! Ce n’est pas grave, je peux toujours aller à l’hôtel, tu sais.

— Non, j’ai préparé une chambre, mais… C’est-à-dire qu’il va te falloir monter quelques étages… bredouilla la jeune mère, peu à l’aise.

— Aucun problème, lui assura sa nouvelle amie. Du moment qu’il y a une rambarde à laquelle je peux m’accrocher, tout va bien.

— Tu es sûr ?

— Totalement !

— Dans ce cas… Kim, tu veux bien la conduire… dans ta chambre ? Demanda Taeliya.

La non-voyante se figea sur place.

— Attends… Quoi ?!

***

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