Chapitre 1 : L' Armure du Cynisme
Wilfried passa la matinée à réfléchir, non pas aux équations d'arithmétique que le professeur rabâchait, mais à des problèmes bien plus complexes : ceux des femmes et des opportunités perdues. Assis au fond de la salle de licence 2, il tentait de se concentrer sur l'arithmétique, mais son esprit dérivait vers l'incertitude qui rongeait son avenir. Le professeur, debout au tableau, affichait un sourire narquois, prenant un malin plaisir à humilier les étudiants avec des exercices de terminale. Wilfried se rappelait ses mots : « La culture, c'est ce qui reste quand on a tout oublié. » Pourtant, il savait, par expérience, que les émotions laissaient des marques indélébiles. Une déception amoureuse, surtout, ne s'effaçait jamais. Dans son esprit, la pauvreté s'était liée aux échecs sentimentaux, et il craignait que ce lien ne devienne une prophétie auto-réalisatrice.
Quand le cours s'acheva, Wilfried rangea ses affaires et se leva, l'esprit encore ailleurs. L'heure des retrouvailles avec ses amis approchait. Peut-être que le monde réel, avec ses rires et ses discussions, l'aiderait à démêler les nœuds de sa vie. Mamadou, Orianne, Alexandre et Souley se dirigeaient vers la cafétéria, riant bruyamment. Wilfried les suivait, un sourire discret aux lèvres, écoutant leurs éclats sur le dernier match de foot et les cours de la semaine. Il intervenait parfois, mais une voix cynique murmurait en lui que tout cela était éphémère.
Il les voyait comme des passagers dans un train. À la prochaine gare — un examen raté, un échec personnel — certains descendraient. S'il redoublait, cette bande d'amis se disperserait. Les amitiés universitaires n'étaient que des alliances de convenance, basées sur l'utilité ou le statut. Wilfried se souvenait des filles qu'il avait côtoyées, attirées par ce qu'il pouvait leur offrir. Non, se dit-il, il ne serait pas triste quand tout s'arrêterait. Il l'avait anticipé, calculé. Cette armure le protégeait, mais il savait aussi qu'elle l'empêchait de vivre pleinement.
Soudain, il aperçut la fille qui l'avait repoussé plus tôt. Son regard froid l'avait traversé comme s'il était invisible. Son cœur se serra, marqué par une vieille blessure. Mamadou, toujours prompt à remarquer ce genre de détails, s'approcha avec un sourire en coin.
— Bro, tu vois la petite là ? murmura-t-il. Elle est dans ton style, va la gérer ! Wilfried secoua la tête, la voix monocorde.
— J'ai déjà essayé, ça n'a pas marché. Si tu veux tenter, vas-y. Alexandre s'interposa, moqueur.
— Toi, t'es calme, mais t'as du goût ! On est des frères, on va te l'arranger. Souley, les gars, on la prend à quatre ! Mamadou s'apprêta à avancer, mais Wilfried le retint fermement.
— Laisse tomber. Elle ne vaut pas le coup. On bouge. Il fixa ses amis, les yeux glacés.
— Ce n'est pas comme ça qu'on se venge. Je trouverai mieux. Mamadou recula, surpris.
— T'es bizarre, mec ! On veut lui faire un plan à quatre, et tu refuses ? Pas étonnant qu'Orianne t'ait friendzoné, t'es trop gentil !
Pendant ce temps, Orianne, assise un peu plus loin, mâchait un plat épicé, les pieds sur la table. Elle écoutait distraitement, les garçons l'ayant payée pour leur apporter de l'eau — une transaction banale qui renforçait le cynisme de Wilfried.

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