La micro nouvelle Ma rue … ma bataille

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Fais chier ! J’ai encore filé mes bas ! Putain ! Regarde un peu la Jeanne qui me mate ! Elle va encore me pourrir la vie ! songe Jo, un brin pressée de quitter la rue.

— Eh, la vioque ! Passe ton chemin ! Laisse les gens travailler tranquille ! Vas baver ailleurs ! Allez, bouge ! Tu m’entends ? T’as les portugaises ensablées ou quoi ? » lui hurle-t-elle.

Tiens voilà Florent, qui vient à ma rescousse. Il a horreur de voir des intrus sur notre lieu de travail. Lui, il refourgue sa came aux gosses du quartier et moi je refourgue mon cul à leur gentil papa.

— Scusez, m’dam, on bosse là ! Voyez pas ? J’ai des clients qui arrivent ! Alors, siouplaît, passez vot’ chemin, lui lance-t-il.

— Petit malotru ! je ne vous permets pas ! lui répond la vieille peau. La rue est à tout le monde ! Vous me parlez d’un travail, droguiste et touche pipi !

Le ton monte, ça sent l’embrouille ! À quelques pas de là, François, nouvel arrivant dans le quartier, ne rate rien de la scène.

Tiens ! Ça sent la castagne ! Allons voir ça de plus près ! se dit-il.

Il prend ses jambes à son cou, enfin pas tout à fait, puisqu’il s’étale comme une crêpe au pied de Juju en train de pousser un caddie.

— Pouah ! ça schlingue ! C’est horrible ! hurle-t-il. C’est quoi cette odeur de choux pourri ! Putain ! t’es qui toi ?

— Juliette, Marie-Louise, Éléonore de la Routinière, sixième du nom, pour vous servir, manant ! Et Juju pour les intimes, répond la cloche.

— Waouh ! Le pedigree ! Un peu décrépie, la descendance ! Tu viens de faire tes courses ou tu vis avec ? Va falloir faire le ménage là-dedans parce qu’y a du monde dans ton caddie et pas que des légumes, lance François.

— Lâche-moi ! Petzouille, y’a ma copine qu’a un problème ! lui lance la gueuse.

Ni une ni deux, Juju, au guidon de son caddie, fonce sur le lieu de la rixe après avoir au passage défoncé le pauvre François. À moitié groggy, il se relève avec peine, fait quelques pas, la rattrape, s’accroche à son manteau et lui fait lâcher le caddie qui va terminer sa course sur Nathalie, la chieuse de la rue, la casse-berle comme dirait Florent.

François, se rétablit tant bien que mal, titube et vient s’écrouler sur Nathalie maintenant coincée entre lui et le caddie.

— Putain, mais c’est pas possible un mec pareil ! Qu’est-ce qu’elle a fait ta mère quand elle t’a mis au monde. Elle a dû accoucher debout ! Bordel ! lui lance-t-elle.

Les fenêtres commencent à s’ouvrir, des noms d’oiseaux répondent à d’autres noms d’oiseaux.

Ça commence à faire ! Y’a des michetons qui sont en train de se faire la malle ! Je sens que je vais perdre ma journée, là ! Faut que je me casse !

— Oh là ! Où tu vas Jo ? lance Florent. Tu vas pas me laisser avec cette pétasse ?

— Pétasse vous-même ! répond Jeanne. Des gens comme vous, ça ne devrait pas exister ! Je vais de ce pas en parler à la maréchaussée ! Vous allez voir si vous allez rester longtemps dans le coin !

Juju ne demande pas son reste, récupère son caddie, fonce sur Jeanne et la fait valser sur le trottoir.

— Strike ! Ten points ! Prend-ça dans la gueule, Morue ! lui hurle-t-elle.

— Au secours ! Au secours ! On me tue, on m’assassine ! crie Jeanne.

— Ferme-la ! Langue de vipère ! C’est dans tes gênes la délation ! Au raz du caniveau c’est le bon endroit pour toi ! rétorque Juju, trop heureuse de maintenir Jeanne sous son caddie.

Ça fait beaucoup de monde tout ça ! se dit Jo. J’ai pas intérêt à m’éterniser, la maison poulaga va pas tarder à se radiner et comme d’habitude je vais me payer une noye au ballon. Allez ! Essayons de nous extraire en loucedé! Putain, merde, Jeanne m’a vue.

Jeanne balance un coup de pied au caddie, envoie en l’air Juju, lui écrabouille la gueule et se met à la courser.

— Non, non, non ! Vous n’allez pas vous en sortir comme ça ! C’est à cause de vous tout ce fourbi ! Arrêtez-vous ! lui crie-t-elle.

— Oui, c’est ça ma belle ! Rêve ! Allez ! A pluche ! Bye-bye les huîtres ! » lui répond Jo.

Putain, va falloir mettre le turbo ! Elle court vite la grognasse ! Merde ! J’ai pété un talon !

Jeanne rencontre sur son chemin François qui préfère se laisser tomber avant la collision. Il commence à en avoir l’habitude. Dans son élan, il bute sur Nathalie qui lui envoie un juron bien gratiné que Florent prend pour lui et qui lui répond par une mandale.

Mais c’est qu’elle va me rattraper la morue ! Putain, j’arrive pas à avancer avec ces groles. La prochaine fois, je ferai le tapin avec des tennis ! Allez ! Je les enlève. Merde ! Elle est sur moi la salope. Elle me tire la tignasse ! Dommage pour toi, poufiasse, c’est une perruque !

Emportée par son élan, Jeanne s’écrase au sol comme une merde, avec dans sa main, pour seul trophée, une énorme touffe de cheveux blond-vénitien. Le reste du groupe et les gens aux fenêtres, à quelques encablures de là, sont pliés de rire.

Je suis loin maintenant. Tiens des clients. Oups ! J’ai eu du succès ! Y’a du monde ! Va falloir que je donne des tickets.

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