Jo s’invite dans un rêve

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Ce texte m’a perturbé et a tourné dans ma tête durant plusieurs jours jusqu’à ce qu’une nuit entre rêve et réalité, je ne sais pas, Jo est venue me tourmenter.

J’ai la tête lourde, la nuit est longue, trop longue. Je n’en peux plus de me réveiller sans cesse. Quelle heure peut-il bien être ? Je vais me lever et aller voir l’horloge à la cuisine. Oh ! Non ! J’ai la flemme. Je sais ce que je vais faire, une vieille astuce qui marche toujours, faire semblant de bailler. J’ouvre la bouche, je prends une inspiration, je baille, super, je baille, je baille… ba… lle… pouf ! Ça y est, je dors…

Je flotte au-dessus du lit, je suis bien ! Je monte, monte. Je vais traverser le plafond. Non, je rebondis et repars dans l’autre sens. J’ai l’impression d’être une bulle de savon qui va éclater dès qu’elle touchera le sol. Je descends et atterris sans encombre. Je m’étale de tout mon long, je suis une flaque d’eau ou une méduse. Je suis bien, je ne veux plus bouger. Je vais rester là et finir ma nuit.

Tiens, c’est quoi ça ? Une douleur se diffuse au creux de mes reins provoquée par un objet pointu que l’on enfonce doucement. Mais d’où vient cette douleur à la fin ? Je m’écarte, me retourne et me trouve le nez collé à une masse noire, une masse grillagée. Je touche, c’est mou. Je recule pour y voir un peu plus clair. Le paysage s’éclaircit, je recule encore un peu, ça se précise.

C’est un bas de femme, un bas résille qui n’en finit pas, noir comme la nuit et qui habille un mollet bien galbé aux courbes délicieuses. Je tends la main pour suivre cette ondulation envoûtante mais je suis arrêté par un escarpin à talon aiguille, rouge écarlate, qui s’approche de mon visage et menaçant, dodeline son appendice.

Il frôle le bout de mon nez, effectue un mouvement de recul et d’un coup sec, plonge dans la masse graisseuse de mon ventre. J’ai le souffle coupé, je me recroqueville et relève la tête.

Mon regard suit la courbe de ce bas, une maille file le long du mollet, continue sur la cuisse et finit sa course sur une culotte à dentelle rouge écarlate également.

Le spectacle est sublime, grandiose. Je dois être au beau milieu d’un rêve érotique. C’est sûr, je rêve et je ne veux pas me réveiller.

Je suis emporté dans un tourbillon, maintenant… Où suis-je ?

Au-dessus de moi, ce n’est plus le plafond qui me surplombe mais un ciel étoilé. Ce rêve est dingue ! Le ciel disparaît pour laisser la place à un visage. De belles lèvres pulpeuses couleur rouge sang descendent vers moi.

— Lève-toi, gros pervers ! T’as l’air malin, couché comme un bébé ! Tu veux peut-être que je te lange ?

Je jette un coup d’œil autour de moi, je ne suis plus couché au sol mais dans un immense landau et je suis nu comme un ver. C’est un cauchemar ! J’essaie de récupérer un drap, très haut sur le lit qui est encore là. Je tends le bras, il s’étire, s’étire. J’attrape le drap et m’emmaillote. Je ressemble maintenant à un empereur romain sortant de son bain.

Je me lève et tente de me donner une contenance. Je toise les lèvres pulpeuses et découvre un corps, superbe, un visage d’ange, des cheveux bleu nuit tombant sur des épaules nues, des seins, de magnifiques petits seins à peine cachés par une chemise en soie vert pomme, une jupe légère rouge qu’un vent doux soulève révélant de longues jambes et enfin des pieds, menus, doucement logés dans des talons aiguilles.

Déstabilisé par cette belle inconnue, j’essaie néanmoins de conserver une attitude altière. Elle me pousse et je me retrouve assis sur mon lit. C’est elle maintenant qui me toise, elle plante son talon sur mon ventre et me tient ainsi prostré. Je n’ose plus bouger.

— Qui êtes-vous ? Et qu’est-ce qui vous prend de me traiter ainsi ? Qu’est-ce que je vous ai fait, bon sang ? lui dis-je.

— Je vais te dire ce que tu as fait. Tu as commis un crime, un assassinat, un massacre !

Comment ça ?

— Pire, un génocide ! Je suis née sous les traits de ta plume, le temps de ton humeur et ensuite, tu m’as abandonnée, oubliée, tuée quoi !

— C’est quoi ce charabia, je ne comprends rien à ce que vous dites. Mais qui êtes-vous à la fin ?

— Tu devrais le savoir, gros naze. Regarde mon bas, d’ailleurs j’ai vu que t’as pas regardé que ça, vieux cochon. Tu l’as fait filer mon bas, dans ton histoire pourrie.

— Mais de quoi parlez-vous ?

— Jamais, je te dis bien jamais, j’ai eu mes bas dans cet état. J’ai trop de respect pour mes clients, figure-toi. Je suis une fille des rues, mais j’ai toujours le souci d’être parfaitement fringuée, aguichante mais jamais vulgaire. Qu’est-ce que t’en penses ?

— C’est vrai, vous êtes parfaite. Je ne comprends pas ! Mais qui êtes-vous à la fin ?

— Josépha ! Putain, le prénom ringard que tu m’as donné ! T’étais pas inspiré ce jour-là ! Jo pour les intimes ! Merde ! Tu te souviens plus de ce que tu écris ?

— Non, non ! Attendez ! Le bas qui file, Jo, Jeanne et les autres ! Ce n’est pas possible ! « Ma rue, ma bataille » le texte que j’ai écrit la semaine dernière. Tu es Josépha, c’est ça ! Pince-moi, je veux savoir si je rêve ! Aïe ! Je ne rêve pas, merci, ça suffit. Mais comment est-ce possible ?

— Je suis là et j’ai des choses à te dire.

— Non, ce n’est pas possible, je rêve. Tu es le fruit de mon imagination, c’est tout !

— Tiens, prends ça dans ton imagination !

Le talon s’enfonce maintenant dans mon ventre. Je me tords de douleur.

— Aïe aïe aïe ! Ça va, j’ai compris, dis-moi, dis-moi !

— C’est bien, tu me tutoies, je préfère. Je dois te dire que, quand j’ai vu ce que tu as fait à mes bas, mon sang n’a fait qu’un tour. Et puis j’ai réfléchi à ton histoire et j’ai décidé de venir t’en parler.

Le talon lâche sa prise, la douleur s’atténue.

— Parler de quoi ?

— De ton texte, pardi. Il est mignon, ton texte, plaisant, un peu vulgaire, non très vulgaire. Mais passons, c’est pas le sujet. Écoute, dans ton histoire, moi, je suis dans le noir complet. Par exemple, la rue, elle est comment ? Elle est large, étroite, longue, courte ? C’est du pavé au sol, de la terre battue, du goudron ? Les maisons sont hautes, basses ? Et les murs, ils sont en pierre, en brique ? Les volets…

— Ah, d’accord, je vois ! Mais, tu sais, ce n’était pas prévu que j’en écrive autant. C’était une petite histoire sans plus, ensuite je suis passé à autre chose.

Son talon semble s’énerver. Je sens la douleur revenir.

— Ah non là, ça ne va pas, je suis pas d’accord !

— Je n’en ai rien à faire que tu ne sois pas d’accord. C’est moi qui écris et je fais ce que je veux !

— Tatata ! Tu vas pas t’en sortir comme ça. Je suis pas seule dans l’histoire, tu le sais ça ! Y’a Flo, il est beau Flo, y’a François, un peu étourdi et maladroit, mais adorable. Même Jeanne, tu vois, la bourge, on a beau se foutre sur la gueule, si elle était pas si coincée, j’en ferais bien ma copine.

— Je comprends ce que tu veux dire mais j’ai d’autres idées de récit qui me viennent. Ce petit récit n’avait pas la prétention de grandir, ce ne devait être qu’une agréable parenthèse.

— Ça me fait tout drôle d’être une « agréable parenthèse ». Eh bien, monsieur qui fait d’« agréables parenthèses », tu vas faire une pause et m’écouter. D’abord je veux que tu me décrives cette rue, ma rue, ta rue en fin de compte, celle de ton enfance apparemment. Raconte !

Le talon lâche son emprise. Jo s’assoit à mes côtés. Son genou frôle le mien. Ce rêve est vraiment très particulier, tellement réel. Je me lance.

— D’abord, je vois un quartier populaire des années 60, des pavés bien sûr, des maisons en pierre, à deux, trois étages au maximum, des balcons fleuris, une ou deux épaves de voitures abandonnées et beaucoup d’enfants.

Je vois le marchand de lait qui passe avec son tube déposer ses bouteilles sur le rebord des fenêtres, le charbonnier avec sa charrette tirée par un cheval.

— Ouais, le charbonnier, je vois. C’est chouette !

— Et le poivrot qui, son casier à la main, va chercher ses quotidiennes bibines de Castelvin, six pour être exact.

— C’est du vécu tout ça, non ?

— Tout à fait ! Enfin, les flics qui poursuivent les malfrats ou tout simplement des gamins qui ont piqué deux ou trois pommes à l’étal de l’épicerie du coin. Je vois aussi un marché avec ses charrettes, la poissonnière criant « Elle est fraîche, ma morue ». Ça te va comme ça ?

— Ouais, c’est plus sympa. J’étais dans le noir complet dans ton histoire. Là c’est mieux.

— C’est tout ?

— Non, j’ai une proposition à te faire.

— Une proposition ?

— Ouais, puisque tu es un scribouillard et pas un très bon, je vais t’aider.

— Comment ça ?

— C’est pas compliqué, mon équipe et moi, on va te résoudre des énigmes, des crimes ou des vols. Ça peut se passer dans le quartier ou ailleurs, dans les années soixante, si tu veux, ou à une autre époque, mais toujours avec la même bande de copains. Qu’est-ce que t’en penses ?

— Oui, faut voir ! Le problème c’est qu’en ce moment, côté inspiration...

— Je sais mais t’inquiète, je m’occupe de tout. T’as qu’à taper sur ton ordi et remplir des pages. Tu verras, ça viendra tout seul, je serai dans ta tête.

— Si tu le dis ! Qu’est-ce que je risque après tout, un bide ? J’ai l’habitude. Alors si c’est toi qui écris à ma place, c’est le pied. Vu que tu n’existes pas, personne ne saura que ce n’est pas moi l’auteur de l’histoire !

— Très bien, allez, rendors-toi. Demain, t’as du pain sur la planche et surtout laisse tomber tes autres récits.

Le lendemain matin, je me réveille la tête lourde. J’ai l’impression de ne pas avoir dormi. J’ai mille et une images qui me viennent à l’esprit mais une seule s’impose à moi. Un superbe visage, celui de Jo, mon héroïne. Jo qui semble me parler à voix basse et qui me demande de me souvenir du roman que je dois écrire avec elle.

Il faut que j’appelle Nadia, que je lui en parle. Sûr qu’elle va me prendre pour un fou. Tant pis, voyons-voir mon portable. Plus de batterie, merde, le chargeur, où est ce satané chargeur ? Ce n’est pas grave, il y a le fixe, très bien. Son numéro de téléphone, il est dans le portable et bien sûr, pas la peine de chercher un bottin, ça fait longtemps que je n’en utilise plus. Attends, attends, j’ai un petit calepin où j’ai noté tous les numéros de mes contacts. Il est dans le tiroir de la table de nuit.

Ce n’est pas possible, je suis maudit, il n’y est pas. Pourtant je suis sûr de l’avoir laissé là. Au diable ce calepin, je vais prendre mon petit déjeuner et me mettre au travail, je verrai Nadia plus tard.

Et je me suis mis à écrire guidée par Jo, cet autre moi-même féminin. J’ai raconté un thriller « La proie à la bordelaise ».

Tous mes personnages ont trouvé leur place dans cette histoire. D’autres se sont agrégés. Un en particulier, Stéphane qui est devenu l’élément catalyseur. Il est un militaire démobilisé pour blessure de guerre et a perdu en partie la mémoire.

D’autres, haut en couleur ont vu aussi le jour : Marc, un commissaire, dépassé par les évènements, deux prêtres aux pratiques religieuses opposées, voir antagonistes, des enfants des rues, un chien, André, dit André le fou.

Et surtout, TIARE, une IA (intelligence artificielle), susceptible et pointilleuse qui mènera tout ce beau monde à la baguette. Elle est le pendant informatique des panneaux, dans les commissariats, sur lesquels les enquêteurs affichent des photos, des post-it et tracent des lignes de concordance.

J’ai respecté le cadre demandé par Jo : le quartier et la rue de mon enfance. J’ai situé l’histoire dans un avenir proche (2068) avec cependant des conditions de vie proches de celles des années soixante du siècle dernier.

Le pitch de l’histoire

Fin de l’hiver 2068, un quartier populaire de Bordeaux. Stéphane, militaire démobilisé, rentre chez lui. Il trouve une rue dévastée, presque vidée de ses habitants. Dans ce décor de désolation, il croise Jeanne, une bourgeoise tirée à quatre épingles, assise sur une chaise, à même le trottoir, tricotant une interminable écharpe.

Dans la grande bâtisse où il aménage, il fait la connaissance d’un voisin, François, dépanneur et de Juju une clocharde qui vient d’élire domicile.

Deux jours après son installation, une femme poursuivie par trois individus masqués, déboule dans la cour. C’est Jo. Aidé de François et de Jeanne, Stéphane se porte à son secours et les met en déroute.

Jo décide alors de retrouver ses agresseurs, contre l’avis du commissaire du quartier, Marc, son ami d’enfance. La bande se constitue immédiatement autour d’elle et mène l’enquête.

Le soir de la fête de la Saint-Jean c’est un prêtre qui est assassiné. Les deux agressions semblent être le fait d’une secte.

Pour la bande c’est une nouvelle enquête qui commence.

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