Chapitre 7 : Le retour de l'homme

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Vendredi 15 juillet 1988. 10h. Café Le Petit Marcel.

Il était tout juste dix heures du matin quand l’homme arriva sur la place du Petit Marcel. Elle n’avait bien sûr pas pu changer depuis cet hiver où il y avait mis les pieds pour la dernière fois. Et pourtant, c’était comme s’il y venait pour la première fois. L’entrée du café était grande ouverte. Il était ému, plus qu’il ne l’aurait imaginé. Surtout lorsqu’il aperçut une tête familière, celle de Marie, qui servait un client accoudé au bar. Il prit une grande respiration, ajusta la bandoulière de son sac sur son épaule, prêt à franchir le seuil du café.

Il s’assit discrètement au fond de l’établissement. Il éprouva une sensation à la fois étrange et rassurante. La décoration, l’atmosphère, le bruit du percolateur, les odeurs familières de ce café lui avaient manqué. Il capta le regard de Marie qui lui offrit un bonjour étonné. Il osa lui sourire. Ses yeux se posèrent sur une affiche épinglée au mur : “L’homme et la mer — photographies de Marc Ducan — du 14 juillet au 31 août 1986”. Le pincement au cœur qu’il ressentit réveilla une douleur vive. Il prit une nouvelle grande respiration.

— Si je m’attendais à te revoir ici ! Comment vas-tu Marc ? demanda Marie d’une voix douce.

— Et moi donc ! Mieux. Aujourd’hui, je peux dire que je vais beaucoup mieux. Pour être honnête, cela me fait tout de même quelque chose de revenir ici.

Marie lui sourit, compatissante.

— Qu’est-ce que je te sers ?

— Un café s’il te plaît, merci.

— Je t’apporte ça tout de suite, dit-elle en tournant les talons comme si de rien n’était.

Il sortit de son sac son appareil photo, enleva le cache, fit la mise au point de son objectif. Il ne savait toujours pas si c’était une bonne idée d’être revenu ici.

Marie revint lui déposer son café.

— Alors, tu as décidé de t’y remettre ? dit-elle.

— Oui, enfin j’espère le pouvoir. Si tu savais comme je suis désolé…

Marie posa sa main sur son bras.

— Arrête Marc. C’est du passé. Je suis contente de te revoir ici. Et s’il y a bien un café dans cette ville, où les deuxièmes chances existent, c’est ici, non ?

— Tu es gentille avec moi, voire charitable. Je ne suis pas certain que tout le monde ici soit du même avis. Lucas travaille toujours ici ?

— Il est devenu co-propriétaire depuis juin, lui dit-elle fièrement.

— C’est bien, je suis content pour vous deux. C’est un mec bien, lui répondit-il sincèrement.

— Il n’a pas changé tu sais, dit-elle, laissant sa phrase en suspens.

Pour cacher son émotion, il souleva sa tasse, goûta une première gorgée avant de la reposer.

— Tu pourras lui dire que je suis passé ?

— Bien sûr Marc, je n’y manquerai pas.

— Je te remercie, dit-il avec un frémissement dans sa voix.

Il but son café lentement, savourant son arôme. Une quinzaine de minutes s’écoula durant laquelle Marc observa un couple de femmes, à une table voisine, dans une discussion animée et joyeuse. Arriva alors un homme, visiblement attendu, qui, après les avoir cherché du regard à l’entrée, vint les embrasser, dans une étreinte chaleureuse. L'émotion ressentie face à cette simple scène d’amitié ravivait chez lui des souvenirs confus, au goût encore amer. Il ferma les yeux, songeur. Pourtant, il n’était peut-être pas trop tard pour lui d’en éprouver de nouveaux. Et seulement des beaux cette fois-ci.

— Je te sers un autre café ? demanda Marie.

— Oui, avec plaisir, merci. Heu…dis-moi Marie, ça te dérangerait si je te prenais en photo en train de travailler ?

— C'est-à-dire que…non, mais pourquoi moi ?

— J’ai un projet en tête, dit-il sur un ton hésitant.

Marie le regarda baisser la tête, comme presque honteux d’avoir formulé une telle demande. Cet homme semble si différent quand on le regarde aujourd’hui se dit-elle, attendrie.

— Je ne suis pas photogénique, tu sais ! Mais si tu y tiens, je veux bien, dit-elle en plaisantant.

Marc lui sourit tendrement. Elle finit par le quitter, appelée par un client au comptoir. Marc reprit son appareil photo, fit les derniers réglages avant d’immortaliser Marie en train de servir un café.

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