Chapitre 16 (1) : Antonio mio

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Dimanche 17 juillet 1988. Début de soirée. Café Le Petit Marcel.

Lucas encaissait les clients d’une table de la terrasse du Petit Marcel, lorsqu’une 2CV Citroën déboucha dans la rue. Elle stoppa net devant la place, et klaxonna joyeusement trois coups. Il leva la main pour saluer ses trois occupants. La voiture mit ses clignotants. Tom et Paul se dégourdirent les jambes sur le trottoir, tandis que Tristan s’alluma une cigarette.

— Mais vous êtes tous bronzés, même toi Tristan ! dit Lucas, heureux de les voir, en embrassant chacun d’entre eux. L'étreinte qu’il donna à Tristan dura de longues secondes.

— Tu m’as terriblement manqué Antonio mio, je te le confirme, lui chuchota-t-il à l’oreille. Tristan le regarda droit dans les yeux, rassuré par l’attitude joyeuse et habituelle du serveur.

— Moi aussi, idiot ! répondit-il, soulagé.

Tristan récupéra son gros sac à dos et le sac de sa toile de tente dans le coffre de la voiture. Ses amis, impatients de prendre une douche, remontèrent derechef dans la 2CV, klaxonnant de nouveau avant de repartir.

— Alors ce week-end ? demanda Lucas.

— Nickel, ça m’a trop fait du bien. Ils m’ont même forcé à me baigner à poil, s’exclama-t-il.

— Mon pauvre, la vie est dure. Désolé, mais on m’appelle, répondit Lucas, reprenant déjà du service auprès d’une table qui l’attendait.

— Je monte prendre une douche et je repasse prendre une mousse. À tout à l’heure ! lui cria Tristan.

Lucas enregistra l’information et les commandes d’un groupe de touristes qui arrivait. Il se faufila parmi les tables, passa derrière le bar pour préparer rapidement les consommations.

— Ça n’arrête pas aujourd’hui, vivement ce soir, dit-il à Marie.

Elle hocha de la tête confirmant qu’elle était bien du même avis. Elle emporta son plateau, manquant de le renverser en évitant de justesse un couple qui venait de faire son entrée.

— Désolé messieurs-dames, dit-elle.

— Excusez-nous mademoiselle, passez, passez ! Bonjour jeune homme, nous revoilà !

— Je suis à vous tout de suite, répondit Lucas, en train d’encaisser un client.

— Mais, prenez votre temps, nous avons tout le nôtre.

— Ah c’est vous ! Comment allez-vous ?

— Très bien, merci. Par contre, vous, vous avez une petite mine ! ne put s’empêcher de lâcher tout haut Marie-France.

— Oh oui, vous avez raison. C’était soirée brésilienne, hier soir, au Petit Marcel. Nous avons fini tard, répondit Lucas, sans se formaliser plus que ça de sa remarque.

— Oh, Jean, et dire que nous avons raté ça ! Ah, la samba, la bossa-nova, toute la jeunesse de notre couple, avec mon mari !

— Marie-France, je t'en prie. Tu vois bien que monsieur a autre chose à faire que de t’écouter, coupa Jean, un peu gêné.

— Et votre voiture, elle est réparée ? demanda Lucas, pour éviter toute possibilité de friction entre eux.

Monsieur et madame Lapierre étaient aux anges.

— Alphonse a été for-mi-dable ! Et rapide en plus. Nous avons pu la récupérer hier, en fin d’après-midi, lui expliqua Marie-France.

— On y voit que du feu. Il travaille remarquablement bien. Dommage qu’il ne soit pas mon garagiste, je peux vous le dire ! ajouta Jean, satisfait du résultat, lui aussi.

— Nous voulions vous remercier une fois de plus pour votre coup de téléphone. Et venir prendre un dernier verre par la même occasion.

— Oh, mais ce n’était vraiment pas grand-chose. Quand on peut rendre service vous savez. Alphonse, rien ne lui résiste ! Allez vous asseoir à la table d’à côté, là en face du bar, je suis à vous tout de suite.

Le couple Lapierre s’installa, regarda autour de lui, détendu, savourant la fin de son séjour.

— Que puis-je vous servir ?

— Une fois n’est pas coutume, la bière de votre choix pour moi, déclara Jean avec un ton enjoué, s’autorisant à se laisser surprendre.

— Et le cocktail de votre choix également, confirma Marie-France sur le même ton.

— Faites-moi confiance, je vous apporte ça.

— Nous avons toute confiance en vous ! ajouta Marie-France, tout sourire.

Lucas revint avec une bière ambrée et un cocktail coloré rafraîchissant. Il attendit leur verdict.

— Mmmmmh, c’est dé-li-cieux, complimenta Marie-France.

— Très très bonne, je dois bien avouer mon ignorance quant à cette bière. Merci beaucoup, très bon choix.

Lucas trouvait que le courant passait bien avec ce couple bien plus détendu qu’à leur arrivée quelques jours plus tôt.

— Oh, mais c’est avec plaisir, content que cela vous plaise. Alors c’est votre dernière soirée en ville, si je me souviens bien. Vous n’avez pas eu trop chaud durant votre séjour ? Et la surprise à votre fils ? se permit-il.

— Oh, très bien, malgré la chaleur, ce séjour nous a fait énormément de bien. Nous avions besoin de nous reposer. Le parc de la ville est si agréable ! Mais dites-nous, vous avez bonne mémoire ! Nous pouvons vous le dire après tout. Avant de repartir demain matin, nous tentons notre dernière chance chez notre fils, qui n’était apparemment pas chez lui du week-end ! s’empressa d'annoncer Marie-France, excitée.

— Excusez ma femme, elle ne peut pas vraiment pas s’empêcher de raconter sa vie !

— Mais, enfin Jean, arrête. Je ne raconte pas ma vie, je discute ! Et puis, je ne suis finalement pas la seule à être contente d’aller rendre visite à Tristan, je me trompe ?

— Qu’est-ce-que je vous disais ? plaisanta Jean, dépité.

Lucas les regarda, stupéfait.

— Qu’est-ce que vous avez ? Vous êtes tout pâle ! osa Marie-France, surprise.

— Excusez-moi messieurs-dames, mais il faut que je file, d’autres clients m’attendent.

— Mais bien sûr jeune homme, filez, filez. Excusez-nous de vous avoir accaparé de la sorte ! acheva Jean, qui ne comprit pas pourquoi ce serveur avait détalé comme un lapin.

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