Chapitre 38 : Une nuit au château 2/2 (Tom Ripley)

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28 janvier 2022, 23h - Château du Duc et de la Duchesse
À ce moment, la porte derrière nous s’ouvre. Karl et Mike entrent dans la pièce. Je me retourne et vois le visage déconfit de mon ami qui n’a pas l’air rassuré par ce qui est en train de se jouer devant lui.
— Vous auriez pu nous attendre, nous lance Karl, amusé, venant me caresser le dos.
L'énergie qui se dégage de sa main me glace le sang. Il me regarde droit dans les yeux, tel un aigle traquant sa proie, et retire déjà son nœud papillon. Mike se sent obligé de l'imiter. Le pauvre se retrouve rapidement en slip et s’approche timidement de moi, tandis que notre hôte vient embrasser son épouse qui a eu le temps d’essuyer les larmes de son visage, pour lui offrir un grand sourire, comme si de rien n’était. Il remarque les traces rougies de son cou, me jette un regard malsain et vient m’embrasser sans crier gare. Je réponds malgré moi à son baiser carnassier, mais ma respiration se bloque quelques secondes tellement je suis mal à l'aise. Cet homme me terrifie. Je n'ai qu'une envie, fuir. Je ne sais pas si Mike a senti ma peur mais c'est à ce moment-là qu'il décide de se coller contre moi, comme pour me protéger. Karl nous sourit en sortant de son slip kangourou, un sexe afreusement petit, dressé tel un champignon vénéneux.
— Tom, il faut qu’on se tire de là, me chuchotte Mike à l’oreille, m’enserrant nerveusement dans ses bras musclés. Ce mec est un sale tordu, je n'aime pas ça du tout.
Je place mes mains sur les siennes. La connexion de nos énergies se fait immédiatement, ce qui apaise notre appréhension, malgré les battements rapides de nos cœurs. Je lui réclame un baiser et en profite pour lui glisser à l’oreille :
— Je le sens pas non plus…Mais laisse-moi faire, dis-je dans un extrême murmure.
Mike vient déposer, dans un ultime effort, un baiser au coin de mes lèvres, avant de blottir sa tête dans le creux de mon cou, m’offrant ainsi un câlin maladroit. Je l’invite à s’allonger à côté de Sofia et viens m’allonger entre eux deux.
La lumière tamise la pièce d’une couleur orangée. Nous regardons Karl déshabiller sa femme qui se laisse faire. Mike panique et me serre la main. Je me mets face à lui, et entoure sa nuque de mes doigts. J’approche mon visage du sien. J'ai envie de l'embrasser pour nous donner du courage et lui dire que tout va bien se passer mais mes yeux mentiraient. Il entrouvre sa bouche prêt à répondre à mon appel, mais à la place, j’appose mon majeur à la base de son crâne. J’exerce une pression assez forte. Il me regarde, plissant des yeux, réprimant une douleur que je sais très inconfortable. Mais je n'ai trouvé que cette parade pour le protéger et éviter qu'il assiste au pire si cela devait arriver. En quelques secondes, il se met à bâiller. Son corps se détend mollement, telle une poupée de chiffon. Karl remonte les mains le long de ses cuisses et lui retire son slip, libérant un sexe imposant, même au repos.
— Que dirais-tu si je venais réveiller tout ça ? annonce-t-il, très excité.
Mike réussit à relever la tête et marmonne une phrase inaudible. Karl ne s’en formalise pas et commence à se caresser l'entrejambe. Alors que je regarde Mike, espérant de tout coeur que ma technique fonctionne, Sofia vient me surprendre en retirant mon caleçon, dévoilant mon sexe au repos qu'elle semble apprécier malgré tout.
— La journée a été rude ou quoi ? déplore Karl, un peu déçu de voir Mike sombrer lentement dans le sommeil.
— Heu… oui, on peut dire ça comme ça, dis-je, avec soulagement.
Karl tente en vain de cacher son mécontentement.
— Mike, hé, ho, regarde qui voilà ! dit-il en bombant le torse, dans un déhanchement des plus comiques.
Je réprime un fou-rire. Pourtant, je n'ai vraiment pas envie de m'amuser. Surtout quand j'aperçois sur son torse de longues anciennes balafres boursouflées. Il me lance un regard violent qui me terrifie. L’énergie impressionnante qu’il dégage est d’une noirceur absolue. Mais qui est donc ce mystérieux Duc ? Va-t-il se débarrasser de nous après avoir obtenu ce qu'il veut ?
— Allez, Tom, libère le dragon qui est en toi ! Je sais que tu en as envie. Son pouvoir est immense. Je peux t’apprendre à t’en servir si tu le désires. Mike aussi. Il peut être si puissant avec son tigre.
Mais qu’est-ce qu’il raconte ? Comment sait-il tout ça ? Je me sens soudain mis à nu, dans un état de vulnérabilité que je déteste. Jamais je n'aurais dû entraîner Mike dans ce piège grossier. Heureusement, à ce moment-là, il a la bonne idée de marmonner de nouveau.
— Oooh, vas-y, Louis, continue, c’est trop bon…
— Qu’est-ce qu’il a dit ? s’empresse de demander Karl, désarçonné.
— Oh, oui, vas-y, continue, c’est trop bon, lui répond Sofia, qui j’en suis sûr a bien entendu le prénom de Louis. Elle aussi a peur de lui et le redoute. Cet homme est habitué à ce que l'on lui obéisse, c'est évident.
Encouragé, ce dernier continue de s’adonner à son plaisir solitaire, sans pour autant me lâcher du regard, déclenchant sans prévenir une douleur fulgurante entre mes sourcils, au niveau du troisième œil, jusqu'à se diffuser dans mes yeux. La douleur est insupportable. Je me sens complètement paralysé du visage, incapable d'hurler la détresse qui s'empare de moi. Karl prend un malin plaisir à me torturer, comme s'il cherchait aussi me punir de quelque chose.
Je tente de lutter contre cette emprise mentale redoutable en contrant son énergie malfaisante avec la projection de mon wei chi protecteur, mais je n’y arrive absolument pas. Soudain, un téléphone portable sonne.
— Et merde ! lâche Karl, énervé, arrêtant son ridicule spectacle, me libérant par la même occasion de son sort. Il attrape son portable dans la poche de son pantalon.
— Oui, c’est pourquoi ? … Bande d'incapables, fait chier ! hurle-t-il en raccrochant. Rhabille-toi, Sofia, on s'en va.
— Qu’est-ce qui se passe, mon doudou ?
— Des invités indésirables. Dépêche-toi, et plus vite que ça ! ordonne-t-il.
Sofia, se lève dans la précipitation, se rhabille maladroitement, me jetant un dernier regard en signe d’excuses, avant de disparaître à la suite de son mari. La porte se referme dans un claquement lourd. La lumière du lustre faiblit aussitôt et nous plonge en quelques secondes dans une quasi pénombre. Soulagé, mon corps s'affaisse brutalement. J'ai le sentiment d'avoir échappé à une mort certaine. Je reprends doucement mes esprits, regardant Mike qui continue de dormir profondément. Je suis content de lui avoir épargné ça. Le pendentif de Céline qu'il porte autour du cou semble vouloir le protéger lui aussi. En effet, je ne sais pas si c'est mon imagination ou bien ma fatigue qui me jouent des tours, mais ce camée si cher à notre amie se met alors à briller doucement, telle une petite étoile dorée, perdue dans le ciel de la nuit. Mon cœur palpite, je sens Céline près de nous, connectée, comme si elle ressentait elle aussi le danger auquel nous avons échappé de justesse. Mon pouls revient à la normale, ma respiration aussi. Il ne me reste qu'à essayer de dormir.
*
29 janvier 2022, 9h - Parc du Château
Nous voilà, caché derrière une rangée d’arbres qui borde la propriété. Décidément, je déteste les fuites de ce genre.
— Et bien, il s'en est fallu de peu ! réussis-je à dire, essoufflé.
— C’est clair, on a eu chaud !
— On fait quoi, maintenant ?
Nous regardons autour de nous. Sur le côté, à quelques mètres, un bruissement se fait entendre. Soudain, une tête connue et réconfortante apparaît.
— Venez vite mes amis, il n’y a plus une minute à perdre, s’empresse de nous prévenir Liang.
— Mais qu’est-ce que vous faites là ? demande Mike.
— Tom vous expliquera !
Mon ami se retourne aussitôt vers moi. Je hausse les épaules.
— Heu, sincèrement, j’en sais absolument rien. Excusez-nous, Liang, mais…
Celui-ci nous sourit.
— À votre avis, qui vous a sauvés in extremis des griffes du Duc pour le reste de la nuit ?
— Comment ça ? demande Mike en nous regardant l’un après l’autre.
— C’était donc vous les invités indésirables ?
Liang plisse joyeusement les yeux avant de nous conjurer de le suivre sans plus tarder. Ce que nous faisons sans demander notre reste.
*
Nos déguisements ne manquent pas de déconcerter le personnel de la réception de l’hôtel. Aussi, nous nous engouffrons rapidement dans l’ascenseur afin de rejoindre notre chambre.
— Bon, alors, vas-tu enfin m'expliquer ce qui s’est passé hier soir dans la chambre. On a quand même pas… enfin, tu vois ce que je veux dire.
— Tu as été tout simplement merveilleux, mon cher Mike.
Mon partenaire écarquille les yeux.
— Je sais que je suis merveilleux, mais j’ai besoin d’explications plus terre à terre.
— Oui, moi aussi. Si tu te décidais à me montrer la lettre que tu caches depuis tout à l’heure, on arriverait peut-être à y voir plus clair dans cette histoire.
—Pas de problème, tiens la voilà. Tu n'as qu'à nous la lire.
Je l'ouvre et lui partage son contenu :
« Nous espérons que vous avez apprécié votre soirée, c’était peut-être la dernière pour vous. En attendant Céline est entre de bonnes mains et n’a plus besoin de vous ».
Nous nous sourions.
— Sérieux ? J'ai comme l'impression que nous avons déjoué leur plan et qu'ils ne vont pas être contents, répond Mike, avec satisfaction.
— Je suis bien d'accord avec toi. Ils n'ont réussi, au contraire, qu'à renforcer notre détermination !

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