Troisième voyage (1) — Esprit à tout faire

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Hélène Gretel


 Mes paupières s’ouvrent lentement, dévoilant un plafond de bois. Mon corps me semble lourd, j’ai du mal à bouger les jambes. J’ai beau lever mes mains, elles ne vont guère au-delà de trois centimètres au-dessus du sol. Une couette épaisse me recouvre, ma tête est posée sur un oreiller embrassant les formes de mon crâne. Quel est cet endroit ? Pourquoi suis-je si faible ? Ma vision se brouille, je sens le sommeil me saisir. Je ne peux pas dormir, pas maintenant. Je dois… le retrouver au… plus… vite.


*** 

 J’ouvre une nouvelle fois les yeux, réveillée par une douce fragrance. Une odeur fleurie embaume l’air. Étrangement, mon corps me semble moins douloureux. Je peux bouger les jambes, mes paumes se tendent sans peine vers le plafond. Je me relève avec énergie, analysant la pièce du regard. Je me trouve actuellement dans une petite chambre à la décoration japonaise. Le sol est couvert de tatamis, les murs faits de bois et de papiers. Une porte coulissante se trouve face au lit dans lequel j’étais allongée. Il n’y a qu’un maigre matelas séparant mon corps du sol. À ma droite se trouve une petite lampe tamisée, à ma gauche repose un plateau portant une tasse de thé. 

 Je saisis le récipient puis hume son contenu. Pas de doute, voilà d’où venait l’odeur fleurie. Ce parfum est si bon, il me rappelle la lavande. Cependant, aussi attirant que puisse être ce liquide, je ne compte pas en boire. J’ignore tout de l’endroit où je me trouve. Qui plus est, mon premier réveil était étrange. Comment ai-je pu me sentir aussi faible ? Si mes souvenirs sont bons, j’ai tenté de voyager sans navigateur. Et voilà que je me retrouve dans une pièce japonaise. Je ne suis pas revenue sur Terre, par hasard ? Possible, ma destination était purement aléatoire. Difficile de chercher quelqu’un de cette manière, malheureusement je n’ai que ce moyen. 

 Toujours est-il que je ne dois pas relâcher ma vigilance. Je doute que mon voyage m’est menée dans cette chambre, précisément dans un lit. Ce qui veut dire que quelqu’un m’a vu et transporté jusqu’ici. La tasse sur le plateau est une preuve, je ne suis pas seule. Peut-être que cette eau fleurie contient du poison, peut-être même que mon état était si faible à cause de cette mystérieuse compagnie. Pour en être sûre, il n’y a qu’un seul moyen : sortir. Une fois que je me serais assurée de ma sécurité, j’entamerais mes recherches. Quitte à avancer à l’aveuglette, je dois savoir si Gangrène se trouve ici ou non. Cette tâche promet d’être difficile. Après tout un monde est immense, retrouver une personne seule dans un espace aussi grand n’est pas chose aisée. 

 Je m’approche prudemment de la porte en papier puis commence à la coulisser. Cela fonctionne, personne ne m’a enfermée dans cette pièce, et c’est au moins une bonne chose. Enfin même si c’était le cas, je serais sûrement sortie en fracassant le mur. Nul ne pourra me retenir dans ma recherche, dieu ou humain, je retrouverais le Désastre ! 

 Je continue de coulisser la porte, et constate le paysage présent derrière ce mur de papier. Visiblement, il n’y a pas que ma chambre qui soit du style japonais. Un jardin est ornementé à l’oriental, possédant en son centre un arbre au feuillage rougissant. Les toitures, ainsi que les chemins boisés me donnent l’impression d’être arrivée au pays du soleil levant. Je referme doucement la porte derrière moi et jette un œil prudent aux alentours. Le jardin est encerclé par deux routes recouverte par un toit. Seule la cour est à l’air libre. À droite de ma position se trouve d’autres salles, peut-être des chambres comme la mienne ? Les mêmes détails sont présents sur le chemin d’en face.

 Un son régulier attire mon attention. Quelqu’un est en train de balayer les feuilles mortes. Ou du moins, on pourrait croire. Cette personne ne fait que nettoyer inlassablement une même zone avec son balai. Toutes les débris végétaux sont juste derrière lui. Vraiment, cette vision me perturbe. Cet homme ne voit pas le tas dans son dos ? Il faut dire qu’il porte d’étranges lunettes rondes aux verres fumés sur le nez. Serait-il possible que cette personne soit aveugle ? Dans ce cas, quel intérêt de lui laisser balayer la cour ? C’est insensé !

 Machinalement, mon regard se concentre sur la route planchée. J’aperçois des ombres mouvantes, comme si des gens marchaient à côté de moi. Comment une telle chose est-elle possible ? Le soleil se trouve pile au-dessus du jardin, et les toits recouvrent les chemins. Un homme qui balaye une zone propre et des ombres sans lumières, où suis-je arrivée exactement ?! Cet endroit n’est pas la Terre, non ? Auquel cas, le Japon est vraiment un pays étrange ! Non, non, je ne dois pas penser qu’il s’agit de mon monde. Tout est possible dans l’Univers !

 Que puis-je faire ? Le balayeur est concentré sur son coin propre, et les ombres semblent m’éviter. Il faut impérativement que je me renseigne sur le lieu, le tout en restant prudente bien sûr ! J’espère qu’aucune personne n’en veut à ma vie ici. Entre l’aubergiste et l'Évolution, j’ai l’impression que chaque individu que je rencontre dans un monde souhaite me donner la mort. Je lâche un soupir, quelle malchance. Qui aurait-cru que je me trouverais dans une telle situation ? Non… Qu’est-ce que je raconte encore ? Le temps n’est pas à la réflexion, je dois trouver le Désastre. Pour cela, je n’ai pas le choix de parler aux indigènes. Discuter avec ces ombres me semble être un plan perdu d’avance, autant interpeller le balayeur.

 Je m’approche avec prudence de la cour, évitant soigneusement l’obscurité sur mon passage. Cette distance réduite me permet de constater le physique de cet homme. Ses cheveux courts sont aussi roux que les poils d’un renard. Une petite barbe entoure sa mâchoire inférieure. Son corps semble doté d'une bonne musculature. Et enfin ses lunettes rondes sur son nez. Sa tête est baissée vers le balai qu’il tient dans ses mains. Peut-être qu’il ne me voit pas ? Je m’approche davantage, posant pied dans le jardin. Mon pas suffit à faire bruisser quelques herbes. Le balayeur continue de nettoyer, sans même porter attention à ma personne.

 Pour être honnête, je me sens troublée face à un tel comportement. Je n’ai vraiment pas envie de parler à ce type, mais il le faut pour le bien de mon partenaire !

  • Euh…

Mince, que suis-je sensée dire ? J’ai l’impression que si je le salue normalement, il m’ignora ! Et si je l’interpellais sur ce qu’il est en train de faire ? C’est impoli, mais son comportement n’est pas mieux.

  • Hum… Cet endroit est déjà propre, commencé-je d’un ton hésitant. Ne vaudrait-il mieux pas nettoyer le tas derrière vous ?

Inconsciemment j’essaye de le vouvoyer pour rattraper mon manque de politesse. Je n’ai vraiment pas envie de me faire d’ennemis ici ! Enfin je dis ça mais, il y a des chances que cet homme soit effectivement aveugle. Oh non, je commence à regretter mes paroles, j’aurais dû réfléchir davantage.

  • Je sais, répond-il entre deux coups de balai. Les feuilles mortes sont une vraie calamité, elles tombent quand on a le dos tourné. Donc pour ne pas me faire avoir, je balaye cette zone. Comme ça, je suis sûre qu’aucune feuille ne tombera ici.

Hein ? C’est une plaisanterie ? Cette réponse manque terriblement de bon sens !

  • Mais... ce serait plus pratique de retirer le tas derrière. L’arbre ne perdra pas ses feuilles éternellement.
  • Les feuilles mortes sont une vraie calamité, elles tombent…
  • J’avais compris cette partie ! Cet endroit précis est-il plus important que le tas derrière ?
  • Oui, il est essentiel.
  • Et pourquoi ?
  • Parce que je m’y trouve.

Ma main se pose brutalement sur mon front, je lâche un soupir exaspéré. Comment ai-je pu perdre mon temps avec un tel idiot ? Tant pis, je vais explorer davantage cet endroit. Gangrène m’attends quelque part, je dois le retrouver. Oui, je ne dois penser qu’à ça, c’est mon objectif. Je ne m’autoriserai aucun répit tant que je n’aurais pas rejoint le Désastre !

 Je tourne les talons en me dirigeant vers l’un des chemins de bois. Soudainement, les coups de balais s’arrêtent.

  • Heureux de voir que vous êtes capable de marcher et de vous énerver, reprend furtivement l’homme.

Que… Qu’est-ce qu’il vient de dire ?! Je pivote, faisant face au balayeur. Un léger sourire anime ses lèvres.

  • C’est vous ? Vous êtes la personne qui m’a emmenée dans cette chambre ?
  • Oui.
  • Pourquoi l’avoir fait ? Nous sommes des inconnus !

Le balayeur dirige son regard vers le ciel, un léger soupir jaillit de ses lèvres.

  • Dans une autre cour, un peu plus loin dans ce bâtiment se trouve un étang. Il est plutôt profond, des carpes koï s’y trouvent et sautent avec élégance. Elles aiment beaucoup que je les nourrisse, elles sont si mignonnes et…
  • Abrégez !
  • Dans une autre cours, un peu plus loin dans ce bâtiment se trouve un étang.

Je pose ma main sur mon front et soupire bruyamment. J’ai l’impression de revenir à mon adolescence animée par les jeux-vidéos. Ce type me rappelle ces donneurs de quête qui répètent inlassablement leur texte.

  • Il est plutôt profond, des carpes koï s’y trouvent et sautent avec élégance. Du moins, habituellement. Ce jour-là, elles ont bien sauté puisque vous êtes tombées du ciel et aviez plongée dans l’eau. C’était un si beau plongeon.

Il a changé son texte ! Je pensais qu’il répétait son script par pure idiotie, mais visiblement cet homme cherche à m’agacer. Enfin bref, je dois me concentrer sur l’essentiel. Il a bien dit que j’avais sauté dans l’étang ? En écoutant son récit, j’ai du mal à croire que je sois encore vivante à l’heure actuelle.

  • Vous m’avez trouvé dans l’eau, et ensuite ?

Il faut impérativement que je mette cette histoire au clair. De cette manière, je pourrais m’assurer de la menace que pourrait présenter cette personne. L’homme reprend ses coups de balais, son regard fixe à nouveau le sol. Un petit temps s’écoule sans qu’il ne dise rien. Vraiment, ce type le fait exprès !

  • Répondez à ma question, continué-je avec irritation.
  • Après avoir remis toutes les carpes à l’eau, je vous ai sorti de l’étang.

Donc je passe après les carpes ?!

  • Ensuite, continue-t-il d’un ton pensif, je vous ai déshabillé. Je vous ai mise dans une chambre vide. Une fois vos vêtements lavés, j’ai demandé à une servante de vous les remettre. Je vous ai rendu plusieurs fois visite, en vous faisant ingérer des médicaments. Votre corps était sérieusement blessé. Heureusement, nous sommes fiers de notre médecine.

Si son histoire est la stricte vérité, alors je comprends mieux mon état de faiblesse. Néanmoins, quelque chose m’interpelle dans ses intentions :

  • Pourquoi avez-vous fait ça ?
  • Parce que vous n’êtes pas mon genre.
  • Je parlais de mon sauvetage et du soin que vous m’avez donné !

Je lâche un autre soupir, j’ai vraiment du mal à cerner cette personne. Il le fait exprès, j’en suis sûre ! Mais pour quelle raison ?

  • Prendre soin des autres est mon travail.

Tiens donc, voilà une information intéressante.

  • Votre travail ? Que faites-vous exactement ?
  • Je prends soin des au…
  • Décrivez-moi avec plus de précision votre travail.
  • Il fallait le dire tout de suite.

Ben tiens ! Je ne m’exprime pas assez bien peut-être ? Plus je parle avec ce balayeur et plus j’en ai assez !

  • Je travaille dans cette auberge, je prends soin des clients du mieux que je peux. Je suis un esprit à tout faire.

Grâce à cette réponse, je sais enfin quel est ce bâtiment. Par contre, esprit à tout faire ? C’est la première fois que j’entends cette expression.

  • Vous ne serez pas plutôt un homme à tout faire ?

Un petit ricanement s’échappe de ses lèvres. L’instant d’après, une expression stoïque reprend place sur son visage.

  • Je suis bien plus qu’un homme.

Je plisse des yeux à l’écoute de cette réponse. Mieux vaut ne pas contester ses paroles ni chercher plus loin. Je ne sais pas à quoi m’attendre avec ce type. Et puis, cela me fait du mal de l’admettre, mais je lui dois la vie. S’il n’avait pas été là, je ne serais sûrement plus ici à m’énerver.

  • Merci de m’avoir sauvé, je vous en suis reconnaissante, monsieur… ?
  • Gaston. Et vous êtes ? demande-t-il en arrêtant de balayer.

Que dois-je lui répondre ? J’avais l’habitude de me présenter sous le nom de Hedera helix, mais maintenant que je n’ai plus mon navigateur et qu’une Source m’a « virée », je ne suis plus très sûre de porter ce pseudonyme.

  • Je m’appelle... Hélène.
  • Hélène comment ?
  • Hélène Gretel, pourquoi…
  • Vous mentez, réplique sèchement l’esprit à tout faire.
  • C’est la vérité ! J’appartiens aux Gretel !
  • Le dernier représentant de cette lignée est stérile, il ne peut pas avoir d’enfant.

Cette remarque suffit à me surprendre. Comment ce balayeur peut-il être au courant ?

  • Comment…
  • Je vous expliquerai si vous parvenez à vous justifier, me coupe-t-il.

Je trouvais ce type agaçant concernant son comportement, mais ce changement soudain n’a rien d’agréable non plus. Pourquoi ai-je l’impression de parler à une toute autre personne ?

  • J’ai été adoptée, vous êtes satisfait ? Maintenant répondez moi, comment êtes-vous au courant ?

Le balayeur adosse son outil contre l’arbre avant de le lâcher des mains. Son regard dissimulé derrière ses lunettes aux verres fumés semble se poser sur moi.

  • Vous n’êtes pas la première voyageuse. Un autre est venu ici, quelqu’un d’assez proche de votre chef. Il m’a appris pas mal de choses sur votre organisation.

Cela explique mieux la situation. Ce qui veut dire que cet homme savait que j’étais voyageuse dès mon arrivée ici. Cela se complique, l’anonymat est une bonne barrière pour la manipulation, il m’aurait été très utile face à cet « esprit à tout faire ». Quoi que, je commence à avoir des doutes sur sa véritable personnalité.

 Toujours est-il que je m’intéresse à cette personne soi-disant proche du chef. Qui était ce voyageur ?

  • Vous rappelez vous de son nom ?
  • Il utilisait un pseudonyme compliqué, je crois que c’était… Quercus ?

Quercus robur ! Je vois qui est cette personne ! Il s’agit du bras droit du père des voyageurs, et parallèlement mon professeur. Son expérience et ses compétences ont été reconnues parmi les miens. Il a donc eu le droit à sa propre retraite en échange de s’occuper de la formation des novices. Ce qui veut dire que sa visite ici date un peu, même s’il est impossible d’évaluer le temps qui s’est écoulé depuis.

 Quoi qu’il en soit, si ce balayeur répond à mes questions, c’est une bonne chose . Le sujet des Gretel a renforcé son côté sérieux, il m’a l’air moins distrait. Je devrais lui poser la question, c’est pourquoi je suis venue ici après tout.

  • J’ai une autre chose à vous demander. Aurez-vous vu une personne borgne, aux cheveux sombres avec le corps couvert de bandages ? Il porte aussi une forte odeur de décomposition.
  • Ah, c’est son odeur ? s’interroge le balayeur. Lorsque je vous ai trouvé dans l’étang, j’étais persuadé que c’était la vôtre.

L’enflure ! Comment ça je pue le cadavre ? Gangrène n’a pas pu déteindre son odeur sur moi ! Quoique, j’ai eu pas mal de contact physiques avec lui lors de notre deuxième voyage. Cependant, je pensais que la douche avait corrigé le parfum pestilentiel qu’il dégage. Quelle erreur de penser que deux séances de lavages corrigeraient entièrement son défaut.

  • J’ai posé une question pour avoir une réponse, pas pour me faire insulter, déclaré-je irritée.
  • Ce physique ne me dit rien, mais je pourrais faire des recherches. Je connais une personne influente, elle saura me répondre.

Le soulagement expulse un soupir de mes lèvres. Ce Gaston est peut-être une personne énervante, et pourtant son aide m’est toujours proposée. Quelle étrange personne.

  • En attendant, il serait temps pour vous de prendre votre repas, continue l’esprit à tout faire.
  • Hein ? m’écrié-je étonnée. Je vous remercie, mais tout va bien, je n’ai pas faim.
  • Inutile de le cacher, votre ventre crie famine. Je l’ai entendu pendant que je vous déshabillais.

Il était obligé de remettre cette situation sur le tapis ?

  • V-Vraiment, dis-je en cachant ma gêne, je vais b…

J’interromps mes paroles, surprise par la réaction du balayeur. Sa main me saisi le poignet droit avec ferveur, serrant légèrement mes os.

  • C’est impoli envers votre sauveur, acceptez le repas que je vous donne, il n’y a pas de poison. C’est pour votre bien.
  • Et me serrer le poignet, c’est pour mon bien aussi ? répliqué-je avec peur et colère.

L’étreinte se resserre, je lâche un petit cri de douleur.

  • Regardez-vous et contemplez votre faiblesse. Dans cet état, vous n’arriverez à rien. Prenez le chemin qui mène à votre droite, puis entrez dans une salle à deux doubles portes sur la gauche. On vous donnera votre repas et vous le mangerez, ordonne Gaston.

Le balayeur retire sa main, saisit son outil puis quitte la cour. Ses pas l’amènent vers la destination qu’il m’a sommé d’entreprendre. Je le regarde s’éloigner, sans dire un mot, les muscles tremblants.

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