Au coeur de la fournaise

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Ce soir, alors qu'Eikichi montait à nouveau sur le ring, il semblait être une personne différente. Son regard était perçant, il s'était trouvé une nouvelle motivation. Ce matin, hormis sa partie de jambes en l'air passionnée et intense avec Himiko, Eikichi avait découvert un nouvel objectif dans les paroles de la demoiselle.

" Peut-être même qu'on pourra se prendre un appartement juste pour nous. Même si c'est un truc tout petit, avec une seule pièce. "

Là où d'habitude, le garçon exultait d'une chaleur douce, réconfortante, aujourd'hui, il brûlait d'une flamme féroce. Son objectif était parfaitement visible, et plus vite il l'aurait accompli, plus vite, il pourrait commencer cette vie qu'il désirait.

Posant enfin le pied sur le ring, sous les applaudissements du publique, son adversaire se dessinait devant lui. Il était grotesque. Cette simple vue fit bouillir le sang d'Eikichi. L'homme était mortellement obèse, il défiait et se riait de tous les principes que suivait le jeune homme. Le garçon d'Ise avait passé sa vie à travailler son corps et s'entraîner pour être le meilleur, et face à lui, un homme ridiculement gras se dressait. Un sourire narquois sur les lèvres, il se ferait un plaisir de briser ce petit beau gosse. L'homme avait foi en sa force, et son poids. Eikichi le savait, malgré tout le mépris qu'il ressentait pour cet opposant, une seule droite pourrait signifier la fin de son combat. L'homme devait mesurer un mètre quatre-vingts pour cent cinquante kilos, un véritable monstre. Cette vue le dégoûtait, mais le garçon ne cessait de s'imaginer le plaisir procuré par la chute d'un tel adversaire. Oui, à coup sûr, il le ferait tomber. Cette seule perspective suffisait à faire naître un mélange de fureur et d'excitation chez Eikichi qui fulminait sous les yeux des spectateurs.

- Approche-le mignonnet, je vais te broyer le crâne.

Eikichi ne répondit pas, il était complètement absorbé par ses pensées. Comment ferait-il tomber ce monstre ? En général, quitte à frapper dans le mur, il se disait " autant frapper fort ". Mais ce mur semblait être fait de gélatine, qu'importe à quel point il frapperait fort, pouvait il traversait un mètre de gras ? Il devait trouver d'autres endroits. La tempe était un coup sûr, mais il n'aurait pas l'allonge nécessaire pour l'atteindre. Le foie était caché sous une armure de graisse. Il ne pouvait pas mettre d'uppercut sur un homme dont le cou semblait ne faire qu'un avec le reste de son corps. Eikichi était dans une impasse, la cloche n'avait pas sonné, mais il sentait que ce combat ne se passerait pas comme le précédent. Sa meilleure chance de vaincre cet adversaire était malheureusement l'une de ses plus grandes faiblesses. L'esquive. Eikichi jusqu'à présent s'était sorti de tous ses combats en encaissant les coups, il était rare qu'il eût besoin d'esquiver les coups. Aujourd'hui, il devrait se surpasser.

La voilà, la cloche sonne. Eikichi était en position, prêt à tout donner dans cette bataille... Mais son adversaire ne fit pas le moindre mouvement. Il était parfaitement immobile...

" Pourquoi ? Il s'attend à ce que je fonce tête baissé ? ", Eikichi se retournait les méninges pour trouver une solution à ce problème. Il analysait son adversaire, détaillant chacun de ses bourrelets, sa multitude de mentons, comment allait-il en venir à bout ? Il se sentait comme David contre Goliath, il devait trouver une astuce.

L'homme ne bougerait pas, il le savait, un corps comme ça consomme une quantité folle d'énergie, il attendrait qu'Eikichi bouge. Et il comptait bien le faire. Fondant sur son adversaire, Eikichi vint enfoncer son poing dans le gras de celui-ci. Comme il le pensait, rien à faire. Il lui fallait énerver son adversaire. Il savait quoi faire. Alors que celui-ci balayait d'un de ses énormes bras en essayant d'attraper le jeune combattant, ce dernier avait déjà mis de la distance.
Il sourit, puis, revint à l'assaut. Cet adversaire n'était pas invincible, même le plus solide des murs pouvait être abattu. Il lui fallait juste frapper plus fort, plus vite. Il n'était pas fait de pierre, il était fait de gelée, difficile à percer, mais il pouvait cogner sans retenue, il ne serait pas blessé par un adversaire si lent et si mou. Et le voilà parti dans une guerre d'usure.
Alors qu'Eikichi se démenait sur le ring, la température montait à une vitesse ahurissante. Les coups fusaient, le géant brassait l'air de ses énormes bras, et Eikichi le harcelait. Mais rien ne semblait avoir de réel effet. Excédé par l'inefficacité de ses coups, le jeune homme tenta une nouvelle approche.
D'un bond, le garçon posa un de ses pieds sur le ventre de son adversaire, ainsi, d'une nouvelle poussée, il se retrouvait à la bonne hauteur. D'une droite descendante, Eikichi vint écraser son poing en pleins sur le nez de son adversaire... Mais ce ne fut pas suffisant, et maintenant, le jeune homme était en position de faiblesse. Encore dans les airs, il ne put esquiver le coup qui arrivait.
Eikichi fut propulsé à la manière d'une poupée de chiffon. Son corps entier le torturait comme s'il venait de recevoir un puissant choc électrique. Il tremblait, contre toute attente, aucun de ses os n'avait été brisé, pour l'instant, mais la douleur resterait un moment.
" C'est l'pied ! ", pensa-t-il. Cet adversaire était un monstre. Il était acculé, et alors qu'il se relevait difficilement, le voilà, coincé, entre son adversaire, et le coin du ring. Incapable d'esquiver les assauts qui suivraient, Eikichi se mit en garde. Il ne lui restait qu'une option, un contre-croisé, mais l'ennemi était trop haut pour cela. Il n'avait plus une seule solution.
Malgré tout, il n'abandonnait pas, au plus profond de lui, le brasier était toujours puissant. Au milieu de cet ouragan de coups, Eikichi soufflait sur les braises. Il avait beau être pris sous une pluie de frappes rendant ridicule toutes celles qu'il ait pu subir par le passé. Le garçon souriait.
Le dernier coup arrivait, il menaçait de s'abattre sur le garçon, mettant fin au combat. Mais il ne porta jamais. Le regard du garçon se planta dans celui du géant. À cet instant, celui-ci trembla. Il eut le sentiment d'être pris au milieu d'une fournaise. La chaleur était absurde. Et il le ressentait enfin. Il était enfin temps pour Eikichi de frapper à son tour. Cette idée terrorisait le géant au point qu'il lui était absolument impossible de bouger. Si ce coup venait à connecter, tout était terminé.
Il prit une longue inspiration, puis en expirant, il vint abattre son poing. Celui-ci, à cet instant précis, sembla s'abattre sur le géant à la manière d'une comète. La chaleur, et la peur causée par le garçon furent telles que l'homme se sentit fondre en l'espace d'une seconde. La main d'Eikichi vint percer le mur de gras à la manière d'un tison dans du beurre.
Alors qu'il retirait son poing, Eikichi posa le regard sur son adversaire. Il gisait au sol, inconscient. Et sous les yeux ébahis du publique, d'Eikichi, et d'Himiko, l'homme semblait avoir minci. La chaleur était telle qu'il semblait avoir perdu une cinquantaine de kilos.

Le garçon était à bout de souffle, il n'en pouvait plus, mais il l'avait emporté. A nouveau, il se tenait debout.
- Plus qu'un.

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