Phantom Punch

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Alors qu'Eikichi posait le pied hors du ring, la voix d'Himiko s'éleva au-dessus des cris du public.

- DERRIÈRE TOI !

Mais Eikichi, épuisé par son dernier combat n'eut pas le temps d'esquiver et le voilà le visage contre le matelas.

" C'est quoi ce délire ? ", pensa-t-il.

Jusqu'à présent, ses adversaires se faisaient sentir avant de frapper. Ils exultaient tous cette sensation de danger, un désir de combat puissant. Mais cette fois, rien, pas la moindre envie de combat. La personne qui l'avait frappé était semblable à un fantôme.

Quand finalement, difficilement, il se retournait, son dos contre le matelas, il aperçut enfin la chose qui l'avait attaqué dans le dos. Un homme a la peau blanche et aux yeux bridés, bien plus que les siens ou de n'importe quel autre Japonais. Un crâne complètement chauve, un corps fin sur lequel il était impossible de trouver la moindre trace de graisse. Et par-dessus tout, une aura de sérénité, cet adversaire avait pu le surprendre, pas parce qu'il était rapide. Mais parce qu'il était serein, il n'y avait pas la moindre animosité dans son regard, il était parfaitement calme. Pour Eikichi qui vivait de manière flamboyante, cet homme était une curiosité. Il crut voir un cours d'eau, paisible, vierge de toute impureté.

Malgré ce calme, la frappe de l'homme avait eu plus d'impact que tous les assauts du géant encore au sol.

- Je peux voir qu'il vous reste de la force, levez vous jeune homme, je serais votre troisième adversaire.

Il n'était pas prêt, ses bras étaient bleus à force d'encaisser les coups, ses jambes peinaient à le porter, et pourtant, Eikichi, tant bien que mal, se releva. Il tremblait de tous ses membres, sa respiration était courte, il savait pertinemment qu'il avait atteint sa limite. Mais sa virilité, et sa fierté étaient en jeu. En son for intérieur, il avait pris la décision de combattre cet homme. Il ne fuirait pas.

- Eikichi ! Arrête tes conneries ! T'es pas en état ! On remettra ça à demain, t'as besoin de repos !

Himiko se surpris elle-même en prononçant ces mots. Elle se souvint de sa discussion avec Yokko. Elle craignait pour la vie d'Eikichi, et pour la première fois, elle se devait de l'arrêter, elle le suppliait de descendre du ring. Mais rien n'y faisait, le garçon était décidé.

- Restes en dehors de ça Himiko. Ce type est à moi. Le ring, est mon domaine. Observe bien, ce type, est un homme mort.

Ces quelques mots avaient profondément choqué la demoiselle. Bien sûr, elle l'avait déjà vu repousser ses propres limites malgré ses mises en garde. Mais jamais, il ne lui avait intimité de le laisser seul. Elle ne comprenait pas.

" Eikichi... Pourquoi tu fais ça ? Tu pourrais refuser le combat, alors pourquoi ? Faut-il être un homme pour comprendre ton raisonnement ? "

Elle ne pouvait que le regarder, et priés les dieux.

Pendant ce temps, Eikichi se battait contre son propre corps. Tenir debout relevait déjà de l'exploit, alors comment pourrait, il combattre ? Restait-il dans ses bras la moindre once de force ? Sûrement pas, et pourtant, il refusait de s'incliner.

- Approche, crane-d'oeuf.

Il n'en fallut pas beaucoup plus pour que " crâne-d'œuf " n'entre en action. Il était rapide, bien trop rapide. Il n'aurait pas le temps d'esquiver, tout ce qu'Eikichi pouvait faire, était de réduire l'impact des coups. Le duel était clairement en la faveur du drôle de guerrier. Le pauvre garçon se faisait malmener, et son adversaire était aussi précis que le scalpel d'un chirurgien. Exploitant les blessures causées par le dernier combat, l'homme cherchait à faire tomber la défense du gamin.

" Eikichi, sort de là, par pitié... Tombe, perds, mais ne reste pas comme ça, tu vas te faire tuer... "

Cette attitude semblait fatiguer le chauve, Eikichi était en tout point semblable à une torture, se défendant face aux assauts d'un félin. Impossible de contourner sa garde, il n'avait qu'une seule option : la brisée. Il avait le sentiment de cogner contre une montagne. Mais pour un homme ayant grandis au milieu de moines guerrier, brisé de la roche ne semblait pas être un effort insurmontable.

De son côté, Eikichi, lui était pris au piège, dos aux cordes, il n'avait plus d'options. Les coups de poings et de pieds volaient, il ne savait comment réagir. Dans un ultime effort, il balança son poing en avant, mais il ne fit jamais mouche, et subit une seconde frappe direct. Le monde tournait autour de lui, il était sonné. Son oreille interne avait été touchée, et il le sentait. Son équilibre était brisé, le garçon avait bien du mal à tenir debout, et l'idée de poser un pied devant l'autre lui semblait parfaitement fantaisiste. Chacun des coups portés par son adversaire semblait résonner à la manière d'une puissante onde de choc à travers chacune de ses cellules.

Sa vision était floue, tout lui semblait sombre, son œil droit refusait de s'ouvrir, pendant un instant, il crut voir l'homme qu'il avait combattu quelques mois auparavant, debout devant lui. Himiko au sol, en danger, et son corps refusant de lui obéir. La différence était que cette fois, son adversaire n'était pas une brute, celui-ci était un véritable combattant. Il frappait, reculer, et revenant à l'assaut à une vitesse folle.

Le publique hurlait, ils étaient surexcités, le gamin sortit de nul part qui avait mis Le Chirurgien, Kin au coteau, et La Boule, était en grande difficulté. Himiko ne semblait pas partager leur excitation. À genoux, priant tous les dieux à sa connaissance, les larmes aux yeux, elle ne savait quoi faire d'autres pour sauver son bien-aimé... Elle était forcée à le regarder subir sans broncher.

Crack !

Enfin, le silence qui régnait sur le ring et contrastait avec les gradins, fut brisé. Un bruit de fracture se fit entendre. Puis le bruit d'un corps qui touchait le sol. Eikichi vomissait du sang, de nombreux organes avaient été touché, et de nombreux os étaient brisés. Ses bras étaient bleus, son œil droit gonflé au point de refuser de s'ouvrir, et sur son torse, il était aisé de voir les impacts de coups qu'il avait subis. Malgré tout, le voilà, le bras tendu, immobile, son adversaire, au sol, la nuque brisée, sans vie. Eikichi avait pour la première fois, pris une vie, sans même s'en rendre compte. Bien sûr, sur ce ring, il n'était pas rare de voir des morts, mais personne ne comprit ce qui l'avait tué. Ce n'est que lorsque l'un des enregistrements fut visionné au ralenti qu'ils comprirent. Dans un dernier effort, Eikichi avait déterré le Phantom Punch , une frappe aussi rapide que l'éclair et puissante que le tonnerre.
Enfin vainqueur, Eikichi goûta à son tour au repos sur le matelas du ring. Il avait vaincu, mais à quel prix ? Il était à bout de forces, sa victoire était miraculeuse, mais sa Dame ne voyait pas les choses du même oeil. Paniquée, elle se jeta sur le ring, l'enlaçant de toutes ses maigres forces avant d'appeler une ambulance.
Le lendemain, Eikichi se réveillait dans un lit de l'hôpital Miyazutakeda. Son corps le faisait souffrir, mais il trouva le réconfort en voyant Himiko qui s'était assoupie sur sa chaise, proche de lui. Se faisant violence, il se décala légèrement avant de l'attirer à lui, le lit était petit, mais il suffirait.
" Dormir sur une chaise... Quelle idée, tu vas te réveiller avec le dos en vrac ", pensait-il.

Phantom Punch : Une frappe de Mohamed Ali contre Sonny Liston. Une droite d'une vitesse absurde qui a offert la victoire à Mohamed Ali durant le combat.

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