J'ai froid

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Ça fait une semaine que je gamberge... Yokko rejette tous mes appels, la dernière chose qu'elle m'a dit, c'est :

" Tant que tu ne présentes pas des excuses à Haru, on ne se parlera pas. "

Tu parles d'une amie. Les gars ont une expression du genre " Les potes avant les putes ", nous aussi, on devrait avoir un truc du genre, du style " les copines avant les connards " ? Ça fonctionne pas des masses...

Masash aussi refuse de me parler, il passe ses journées avec l'autre, il n'arrête pas de dire qu'il va s'entraîner avec aniki... Ils se comportent tous comme si c'était de ma faute cette histoire. Même quand on mange, il ne me parle pas, en ce moment, c'est du genre " Papa, tu peux demander à ta fille de me filer le sel s'il te plaît ? "... Bonjour l'ambiance à la maison. Dire que ça gonfle papa serait de l'ordre de l'euphémisme. Le pauvre fait de son mieux pour me soutenir, mais malgré tout, il est perdu dans cette histoire. Il ne comprend pas, toute cette histoire lui échappe complètement, il semble simplement déçus. Lui qui se faisait une joie que sa petite fille se soit trouvée quelqu'un de correct et qui " lui fera un jour des enfants forts et en bonne santé "... C'est raté papa, désolé.

" Il s'est passé quoi ma chérie ? Je n'y comprends plus rien, toi qui te faisais une hâte de le revoir, te voilà dans cet état après l'avoir repoussé."

Les paroles de Yokko continuent de me hanter. On se connaît depuis longtemps, et je sais qu'avec Haru, c'est une historie qui commence à remonter, mais de là à se montrer si... Virulente ? C'est une première... C'est la première fois que je suis si seule. J'ai le sentiment que plus personne ne s'intéresse à moi. Ça fait mal.

- Papa, je sors, à ce soir.

Je dois tirer tout ça au clair. Akio ne m'aurait jamais menti, je le sais... Je lui fais confiance.

" Il est dingue de toi, s'il peut éliminer un de ses rivaux, il le fera."

C'est ce que m'a dit Masashi. C'est un jeune adolescent, il n'y comprend rien. Akio n'en a pas après moi, sinon je l'aurais remarqué. Connaissant Akio, il aurait tenté des trucs, pas un lâche.

Ma veste sur le dos, je sors de la maison et...Brr... Ça caille ! Il est presque midi et ça caille violemment ! On n'est pourtant pas encore en décembre... Alors pourquoi ? Il a toujours fait aussi froid en cette saison ? Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été assez frileuse. Mais cette fois, c'est tout autre chose !

Je traverse la ville, des frissons parcourant mon échine... Tous ces endroits me rappellent sa chaleur... J'ai froid... Des couples sont assis sur les bancs du parc, ils semblent si heureux. Bande de... Je n'ai pas d'insulte en stock. J'ai la respiration lourde. Il a toujours vécu aussi loin Akio ?

Ça doit bien faire trois quarts d'heure que je marche dans la ville, et sans que je ne m'en rende compte, mes jambes m'avaient emmenée devant cette ruelle. Qu'est-ce vous me faites putain ? Vous pensez vraiment que me faire revoir cette foutue ruelle me fera changer d'avis ? À l'époque, j'étais faible, aujourd'hui ce n'est plus le cas ! Il m'a trompée, je n'ai pas besoin de lui !

Reprenez la route et ne me cassez pas les ovaires !

Je marche, encore, et encore, et à nouveau, mes pas me joues des tours...

C'est une blague... Je n'ai pas envie aujourd'hui...

Cette maison, cette foutue maison, le temps que j'ai pu y passer... Elle a toujours été aussi grande ? Je me sens ridicule face à elle. Comme écrasée, sa présence me repousse, m'effraie. Moi qui m'opposais il n'y a pas si longtemps à des gangsters et autres types dangereux, me voilà parcourue de sueur froide à cause d'un amas de briques. On dit que tout peut avoir une âme, qui sait, peut être cette maison est devenue un Tsukumogami ? Ce serait du jamais vus, mais avec lui, ça ne me parait pas complètement saugrenue comme idée. Une maison qui prend vie et repousse ceux qui ont blessé son habitant. Eikichi était bordélique, mais soigneux, combien de craquelures, combien de lézardes a-t-il comblé dans cette vieille maison ?

- Pardonne-moi d'être à nouveau devant toi. Tu dois me détester, pas vrai ?

Ma main glisse sur le portail en fer, lui aussi, il est gelé, j'ai le sentiment de me trouver face au Manoir des Pics Blancs. J'ai beaucoup joué à ce Zelda ici, cette porte qui pourtant sembler m'appeler auparavant... Elle me hurle de fuir, de retourner me cacher dans mon trou, et de continuer cette vie que je mène depuis une semaine, seule, isolée.

Peut-être qu'elles ont raison. Je vais voir Akio, je vais tirer tout ça au clair, et après... On verra.

Respire Himiko. Respire et retire ta main de ce portail, tu n'es plus la bienvenue ici. Cette maison n'est plus la tienne... Masashi m'a bien dit qu'Eikichi voulait reprendre son double, et pourtant, ce sale gosse me l'a laissé, il m'a raconté qu'il lui dirait que le double avait été balancé dans le golfe de Tokyo. Qu'il n'avait plus de soucis à se faire pour ça... Mais il est encore dans ma poche... Et j'ai le sentiment qu'il me somme d'avancer, d'essayer d'ouvrir la porte. Je pourrais peut-être, comme pour faire mon deuil, y jeter un dernier coup d'œil ?

Il ne semble pas là, tout est éteint, lui qui détestait être dans le noir, les volets sont fermé, je peux bien m'offrir un dernier passage ici.

Le portail grince, je fais marche vers la porte. Elle semble me dévisager, me regarder de haut, ces bêtises me rendent parano. La clé entre sans le moindre problème, il n'a pas changé la serrure depuis le temps, il est toujours aussi insouciant. Je tourne... Ou plutôt, essaye de tourner la clé, mais rien ne se passe. J'ai beau forcer, vérifier qu'il s'agisse bien de la bonne, ça ne vient pas. Je dois être devenue folle, mais je jurerais qu'elle m'observe, avec mépris, un regard moqueur, comme si elle me disait " tu n'es plus chez toi ici ".

- Tu as raison.

Je m'incline avec respect, et comme il l'a demandé, laisse la clé dans la boite aux lettres. Et je repars... En fait, je crois que je vais rentrer...

J'ai froid.

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