Un gamin

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Huit heures, ça fait combien de temps que je suis debout ? Au moins deux heures, le temps de faire mes exercices, histoire de rester d'aplomb, et me voilà, assis sur ma chaise... Elle est confortable cette chaise, les yeux posés sur l'Arène.

Je me demande combien de temps ça fait qu'elle est construite, sûrement un moment. À force, sous le Koraku-En, une petite ville s'est formée. L'Arène, comme on pourrait s'y attendre, est faite en forme de cercle, et sur ses parois, courent des appartements, des chambres, et j'en passe. Il y a même un restaurant ici. Les invités d'honneur y ont tous leur propre lieu de domicile. Et les combattants ont également leur appartement. Dans nos clients les plus fidèles, on compte des politiciens, des acteurs, des écrivains, certains, venus pour le divertissement, d'autre pour l'inspiration. Au final, ici, c'est une mine d'or, et tout le monde en a pour son argent. Quand je venais d'arriver, Yusuke, m'a raconté que c'est de cet endroit que se serait inspiré Chuck Palahniuk pour son film Fight Club, vas savoir si c'est vrai ou pas, mais le fait que ce n'est pas impossible. En ce lieu, il n'existe qu'une, et une seule règle : en-dehors de l'Arène, l'Arène n'existe pas.

Panneaux publicitaires, écran géant, et même promoteurs, ici, tout est bon pour faire de l'argent, on se croirait au superbowl... Si le superbowl avait pris des hormones de croissance. Les lumières néons vous bombardent la rétine, et en tout point, ce lieu fait penser à un jeu sortis récemment : Cyberpunk 2077. Un monde assaillis de lumières violettes, bleus, de rouge et de vert, tout est prétexte à l'excès, tant dans les combats, que dans la couleur. Vraiment, ce lieu est surréaliste, et si je venais à en parler, en dehors d'ici les gens me prendraient sûrement pour un fou... Et ils n'auraient peut-être pas tort, il fait ressortir ce qu'il y a de pire dans le cœur des Hommes.

Planqué sous la Terre, au final, l'Arène, elle me fait penser au Temple, une prison pour des monstres que le monde des Hommes préférerait ne jamais revoir.

Elle me rend poétique aussi... Hehe, le temps du Lycée n'est pas si loin, à peine deux à trois ans, et pourtant, j'ai l'impression que ça en fait quinze. Ça me manque un peu... Ça me manque énormément en fait. Le moment ou mes seuls soucis, c'était d'éviter de m'exploser la main contre un sac de frappe remplis de cailloux... Le temps ont changé.

- Eikichi... Qu'est-ce que tu fais mon beau ?

Et merde... Kyoko, j'ai pas envie ce matin.

- Rien, j'attends qu'on m'apporte mon café, et le journal. Pas eu de nouvelles de la surface depuis que je suis ici, j'me demande comment ça se passe là haut.

Cette fille ne me lâche pas, depuis que je suis ici, elle est toujours sur mon dos. C'est assez fatigant franchement.

- Dis... Plutôt que de faire ça, tu voudrais pas venir t'amuser avec moi ? T'as pas encore fait ton lit, je suis sûre qu'un plus de bazar ne changera rien...

Et c'est parti.

- Non.

Avec elle, il faut être aussi sec possible, sinon, elle ne lâche jamais l'affaire...

- T'es froid... On m'a dit que quand t'as viré Yusuke, tu t'étais tapé ses filles favorites pour l'humilié, et tu me refuses moi ? C'est vexant, tu sais.

Et c'est parti...

- Je ne les ai pas touchées.

Lâche-moi putain !

- C'est pas c'qu'on m'a dit. Aller quoi, les gars ici sont tous sois des riches obèses qui bandent plus, sois des gars qui n'ont aucune idée de comment on traite une dame, fais un effort.

Bon, elle me gonfle.

- Dégage, ça ne se passera pas. Non seulement, j'n'en ai pas envie, mais en plus, même si je le voulais, mon corps le refuserais, je n'ai pas baisé les " filles " de Yusuke parce que mon corps s'y refuse. Il faut croire qu'il ne répond qu'aux avances d'une seule dame.

Aller, dégage.

- Donc, si je pige bien, tu arrives pas à te taper une autre fille que celle que tu aimes, en gros ?

- T'as pigé l'idée, maintenant bouge.

Et la voilà qui se marre comme une baleine...

- Suffit que tu tombes sous mon charme dans ce cas ! Tu vas voir ! Bientôt, tu seras mien ! À plus tard !

Elle a un vrai problème cette fille...

                      ****

Un café pour Boss Kudo... C'est devenu son rituel du matin, il me demande un café, se plaint qu'il est amer, je lui réponds que le café est amer, il me demande du lait, vide la bouteille, puis me dit que je peux aller faire ce que je veux. Ce petit me fait de la peine. Il ne doit pas avoir plus de vingt ans, c'est facile à voir, il a encore des traits, et des manières d'adolescents. Comment il a bien pu se retrouver ici ? À la tête d'une arène de combat illégal ? À quel moment, sa vie qui vient à peine de commencer, a t'elle pus prendre un tournant pareil ?

- Boss Kudo, votre café est là. Avec votre bouteille de lait et le journal, également, voulez vous que je verse la bouteille maintenant ?

Le garçonnet remue vivement la tête, il doit vouloir faire l'homme, agir comme s'il était capable de boire son café noir... Boss Kudo, je ne vous connais pas depuis bien longtemps, mais vous êtes bien trop expressif pour berner qui que ce soit.

- Je vais le boire comme ça ! Je suis largement assez costaud pour boire mon café sans lait !

C'est toujours pareil, c'est un peu devenu la routine du matin. Vraiment, ce garçon est un phénomène. J'ai servi Monsieur Fudo pendant plusieurs années, c'était un homme secret, il était difficile à lire. Ce gamin apporte un vrai changement. Il est plein de vie, il a un pouvoir étrange, on s'attache vite à lui. Il est bruyant, il parle fort, et en fait toujours des caisses, mais dans son regard, c'est si facile de lire ce qu'il ressent, et depuis qu'il est ici, je ne crois pas avoir lu la joie, le bonheur, une seule fois. Il semble si, si triste, comme un oiseau sans ses ailes.
- Eurk... C'est amer... Je veux bien le lait.
Il est si prévisible également.
- Voici la bouteille, Boss.
Et le voilà à nouveau qui prend une gorgée de café pour quatre de lait. Un garçon qui s'efforce d'être un homme. Voilà ce que je vois, le Boss, celui que toute l'Arène craint et respecte, n'est en réalité, devant moi, qu'un adolescent qui veut jouer les adultes.
- Voyons voir ce que disent les journaux... Eurk... J'ai encore le goût dans la bouche...
Boire du café, lire le journal, tu fais bien trop d'effort, normalement, à ton âge, on doit être en stress à cause des examens qui arrivent, pas se demander comment le monde de la surface survit...
- Vous savez, Boss, si vous le désirez, vous pouvez toujours remonter à la surface, vous êtes trop jeune pour moisir ici.
Il sourit, encore, encore et toujours, c'est à se demander si ce gamin est capable de faire autre chose.
- Hehe, et si je me casse, à qui tu vas apporter le café le matin ? C'est plus possible pour moi de partir d'ici... Pas sans une bonne raison en tout cas. Pas tant que j'aurais une piste, pas tant que je ne saurais pas ou il se pl-... Fujiki Haru, retrouver blessé par balle, entre la vie et la mort, il a été emmener en urgence à l'Hôpital de l'Université de Tokyo, section soin intensif. La police recherche le coupable de cette attaque. Ils soupçonneraient l'implication d'un homme issu de l'immigration Française, un certain... Vincent Duran. D'après la compagne du jeune homme, et des témoins, la dernière personne avec laquelle Monsieur Fujiki aurait été aperçus serait cet homme. Fils héritier des Entreprises Duran, il aurait rejoint le Japon après ses études pour assurer aux entreprises Duran un pied-à-terre sur le territoire Nippon. L'homme a été interpellé, mais les interrogatoires ne semblent mener nulle part. Pour le moment, l'affaire n'avance pas... Vincent... J'ai changé d'avis. Kimura, je remonte, fais préparer l'ascenseur.
Boss Kudo... Ce monsieur Fujiki doit être un de ses amis, pour qu'il se mette dans cet état... Il s'agit bien d'un adolescent finalement. Jeune homme, je souhaite que vous alliez bien, que vous vous rétablissiez... Mais je vous remercie, votre mésaventure aura peut-être sauvé la jeunesse du Boss Kudo. Grâce à vous, voilà un garçon qui s'apprête à retrouver la lumière du jour. Grâce à vous, peut-être que bientôt, il pourra enfin se comporter comme un gamin.
- Tout de suite, Boss.
Je me demande ce qui l'attend là haut. Je l'ai déjà entendu marmonner des noms devant sa fenêtre, chacun d'entre eux semblait lui inspirer différentes émotions. Celui qui revenait le plus souvent " Himiko ", peut être sa petite amie, à son âge, rien de plus normal. Allez la retrouver, Boss, allez voir votre ami, puis retrouver là, je vous en conjure. Ne gaspillez pas le temps qui vous ait offert. Ne faites pas la même erreur que tant d'autres hommes avant vous.
Mes pas s'accélèrent, combien de temps est-ce que cela fait que je n'ai pas courus de la sorte ? Combien de temps, est-ce que cela fait, que je n'ai pas ressentis une telle excitation ? Un tel désir de voir quelqu'un partir ? À force de vivre loin de la lumière du soleil, on oublie ce qu'on ressent quand on est bénis par sa chaleur.
À force d'être sous terre, je pense m'être un peu encrassé. Mais aujourd'hui, j'ai l'impression que le monde change, que la terre bouge à nouveau. Oui, le temps a repris son cours, cela ne fait aucun doute.
Boss Kudo, quand vous êtes arrivés, je lisais la haine dans votre regard, une rage inextinguible, une soif de combat qui semblait être impossible à étancher. Puis, à force de combat, je l'ai vue changer, la lassitude, c'est installer, vous cherchiez à oublier, mais rien n'y faisait, alors, vous avez décidé de vivre pour cette Arène. Vous trouvez un nouveau but, peut-être. Et à force de vous suivre, le mien, était devenu de vous voir grandir. Vous me rappelez un peu mon fils. Aujourd'hui, vous retrouvez la lumière, je souhaite que vous ne la perdiez plus jamais. Je souhaite, que ma dernière requête ne soit pas celle de trop.
- Préparez l'ascenseur ! Boss Kudo monte ! Vite !
Vous voilà, le pas assuré, le regard empli de colère, de rage, et pourtant, ce n'est pas la même qu'a votre arrivée. Quand vous aviez mis le pied ici, cette haine était froide, dénuée de tout désir autre que celui du combat. Cette fois, il s'agit d'une flamme, une flamme puissante, une flamme qui menace de dévorer le monde entier si elle venait a s'échapper. Cette fois, cette colère est celle d'un homme qui aime, qui désire, celle d'un garçon qui veut protéger son ami. Par pitié, Boss, acceptez ma requête.
- Boss Kudo !
Je m'incline, aussi bas qu'il m'est possible de le faire.
- Qu'y a-t-il, Kimura ?
Je tremble. Mon corps est vieux, du haut de mes cinquante années, je ne peux rien faire de plus.
- Permettez-moi de vous suivre ! Boss !
Il soupire, puis échappe un rire, et quelques pas se font entendre. Puis plus rien, pas de porte qui se ferme, pas d'au revoir, rien. Le silence.
- Qu'est-ce que t'attends ? J'ai pas la journée.
Boss !

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