Visite à l'hopital

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L'hôpital. Depuis que j'suis à Tokyo, j'ai l'impression d'y passer ma vie. Quand c'est pas pour moi, c'est pour les autres. C'est chiant. Ça emmerderait les dieux de me laisser tranquille une semaine ? Avec leurs conneries, je vais finir par prendre un abonnement à l'hôpital.

- Boss ! La voiture est prête, on attend plus que vous.

- J'arrive.

Encore une étrangère. Mon frère roulait dans une étrangère, et maintenant, c'est à moi. Les gens du crime semblent être attachés à ces marques, allez savoir pourquoi.

- On peut y aller, boss ?

Je lui fais un geste de la main, distrait, Haru, qu'est-ce qui t'es arrivé ? Pourquoi Vincent t'aurais flingué ? Ça n'a pas de sens. Ce type est un fumier, mais il est supposé être notre allié, pas l'inverse. C'est pas logique. D'un autre côté, plus difficile à comprendre que lui, il n'y en a pas beaucoup. Il y a toujours quelque chose dans sa voix, un sous-entendu, un non-dit, une chose qui en annonce une autre, et une mauvaise surtout. Ce type est traître, je le sens, il sert Kentaro, cela ne fait aucun doute, je suis certain qu'il lui est fidèle, mais je sais qu'il est son allié à lui, et à lui seul, pas le mien, pas celui d'Haru, pas celui de qui que ce soit d'autre. Malgré tout, je ne vois pas ce que flinguer Haru pourrait lui apporter. C'est bien trop soudain, pourquoi maintenant ? Est-ce qu'Haru aurait découvert une chose qu'il n'aurait pas dû découvrir ? Est-ce qu'il aurait cherché à le faire taire ?

Toutes ces idées qui fusent dans ma tête, c'est le bazar, impossible d'y mettre de l'ordre. Cette histoire me turlupine, et si en général, j'apprécie les lumières de la ville, tout semble sombre aujourd'hui. Ils ont oublié d'allumer ? Une coupure de courant généralisé peut-être ? En pleins Tokyo ? Ça parait surnaturel. Mais on dirait bien que c'est le cas. Dehors, il fait sombre, si sombre. Pourquoi ?

- Dis-moi, t'es né à Tokyo toi, non ?

Il semble surpris par cette question, est-ce vraiment si inhabituel de ma part de m'intéresser aux gens ?

- Oui, Boss, je suis né et ai grandi à Tokyo, je suis un Tokyoïte pur jus. Pourquoi cette question ?

- Dis-moi, cette ville, elle a toujours été ainsi ? Je ne suis ici que depuis deux à trois ans, et deux de ces années se sont passé sur une montagne loin d'ici. Tokyo a t'elle toujours été aussi sale ? Aussi corrompue ? Aussi fausse. Ce que j'ai vu sous le Koraku-en, c'est ça, le vrai Tokyo, n'est ce pas ? Une ville rongée de l'intérieur par le désir de voir le sang coulé, de voir ses enfants s'entre-tuer. J'ai vu sous cette ville, un monde bien plus violent que n'importe quel Yokai de la campagne, est-ce que c'est ça, le vrai Tokyo ?

Un silence, il ne répond pas. Pas tout de suite en tout cas, il semble chercher ses mots, quelle est cette chose si terrible que tu n'oses pas en parler de haute voix ? Dis-moi tout, je veux savoir. Je veux savoir pour qui je me battrais dans le futur, si ces gens de la ville méritent qu'on combatte pour eux, ou si mon peuple réside réellement, entièrement, dans les campagnes.

- Tokyo est... Compliquée. Il faut la voir comme une femme. Des fois aussi douces et agréables que le pétale d'un Sakura, d'autres fois aussi violente et hargneuse que les épines d'un Euphorbia Milii*. Elle est si complexe. Même pour moi, qui pourtant devrais la connaître sur le bout des doigts, il y a souvent des choses qui m'échappent. En marchant ici, en demandant votre route à quelqu'un, vous seriez agréablement surpris de le voir vous accompagner jusqu'à votre destination même si celle-ci lui fait faire un détour... Et pourtant, en creusant, en cherchant dans les profondeurs de cette belle cité, vous pourrez apercevoir les pires créatures que le Japon ait à offrir. Vous savez, Boss, ne prenez pas ce que je vais dire comme un manque de respect, mais vous êtes peut être encore trop jeune pour comprendre cette ville... Je vous l'ai dit, mais moi-même, je ne la comprends pas encore... Je me demande même si qui que ce soit la comprend.

Hehe, c'est drôle, elle me fait un peu pensé à une fille... Comment c'était son nom déjà ? Une fille aussi jolie qu'une fleur de Sakura, mais aussi piquante que les épines d'une rose...

- Arrête de faire de la philosophie, Kimura, Boss Eikichi est déjà assez déprimé comme ça ! Tu sais, Eikichi, si tu veux, on peut faire une petite pause là où je dormais avant d'entrer dans l'Arène, t'as l'air super fatigué ! Je suis sûre de pouvoir t'aider à te relaxer.

Kyoko, elle me gonfle... Mais en même temps, je vois qu'elle se fait du souci pour moi, elle fait des efforts, beaucoup d'efforts, je lui en suis assez reconnaissant. J'aimerais juste qu'elle arrête de me harceler pour que je la saute.

- Ça va aller, de toute façons on est presque arrivé, l'hôpital est juste en face, je m'occupe de tout ça, et après, j'aurais besoin d'aller voir quelqu'un.

Nous y voilà enfin, la route ne m'a jamais parus si longue. Je m'extirpe difficilement de la voiture, j'ai presque l'impression qu'elle me retient, comme si elle ne voulait pas que j'aille le voir, si elle avait un mauvais pressentiment... Lâche moi, bout d'feraille.

- Kimura, laisse tourner le moteur et attends moi, j'arrive de suite. Kyo-... Reste la putain ! Tu vas pas me suivre partout comme un cabot !

Elle rigole, cette fille est insupportable.

- Je sais que tu es plus chien que chat, si tu veux, je peux aboyer pour toi.

Tuez-moi putain.

- Tu m'saoules...

Entre elle, et mon envie négative de rentrer dans l'hopital... Ça va pas l'faire tout ça...

- Bonjour Monsieur, Madame, en quoi puis-je vous aider ?

Mignonne.

- Pourriez-vous me donner le numéro de la chambre de Fujiki Haru ? Je suis un ami, et j'ai entendu parler de ses malheurs, j'aimerais bien voir comment il se tient.

Elle hésite, un problème ? Elle tient un truc dans ses mains, on dirait une photo, j'aime pas ça.

- Je... Ne suis pas sûre que vous ayez le droit d'y aller, Monsieur Fujiki doit recevoir le moins de visite possible, et une de ses amies l'a déjà rejoint...

- S'il vous plaît, mademoiselle, je ne reste pas longtemps, j'aimerais juste voir mon ami avant de devoir quitter la ville, ne vous en faite pas, ce sera bref.

Elle retourne la photo et la pose... Pourquoi tu la regardes maintenant ? Tu pouvais pas la regarder y a cinq minutes ? Où y à une heure ?

                     ****

Hihi, Boss Eikichi finit toujours par gagner ! Je n'ai jamais douté de lui !
- Allez, y, la chambre est la quarante-quatre, quatrième étage... Mais par pitié, faites vite.
Qu'est-ce qui lui arrive à celle-là ? Elle est un peu en train d'insulter le Boss Eikichi là, non ? Tu vas voir toi !
- Merci Mademoiselle, je vous promets de régler rapidement cette histoire et de repartir aussi vite.
Quel homme ! Il ne fait même pas attention à son insulte et part en direction de la chambre, quelle classe ! C'est pour ça qu'il n'y a que lui qui peut me mériter !
- Kyoko, j'y vais, reste la, j'aimerais lui parler seul à seul.
Boss Eikichi ! Tu ne peux pas me laisser seule comme ça ! C'est dur !
- D'accord... Mais fais vite !
Écoutons ce qu'ils ont à se dire !
- Yo, Haru. Ça fait un moment.
Il a l'air tout tristounet quand il le dit... Ça me fait de la peine. Laisse-moi te réconforter !
- Eikichi ? ! Tu fous quoi ici ? ! T'as vu, Yokko, j'te l'avais dit qu'il était en vie ! Mon pote ne peut pas mourir comme ça !
Mort ? ! Qui le pensait mort ? !
- Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne nouvelle, cela dit... Qu'est-ce que tu fous là, Kudo, tu ne penses pas avoir assez causé de problème à Haru comme ça ? Et l'autre débile de réceptionniste, dans le doute, je lui avais donné ta photo pour qu'elle t'interdise l'accès... Incroyable ça !
Retiens bien sa voix Kyokko, cette fille va mourir.
- Si, justement, tu as raison Yokko, comme toujours. C'est pour ça que je suis là. À l'époque, déjà, tu avais raison, entre Himiko, et Haru, j'me rends bien compte que je n'ai été bon pour aucun des deux. C'est pour ça que je suis venu te voir, Haru. Pour m'excuser. A cause de moi, tu as gâché deux ans de ta vie, et tu as failli te faire buter par Vincent, je suis le responsable de tout ça. Mais bientôt, tout ça, ce sera fini.
Boss Eikichi ! T'as rien à te reprocher, cette fille est une connasse ! Je la ferais disparaître si tu veux !
- Qu'est-ce que tu racontes, vieux, ce n'est pas de ta faute si tout ça est arrivé, n'écoute pas Yokko, tu sais comment elle est, elle a toujours été un peu comme la maman du groupe, alors forcément, quand il se passe un truc, elle trouve quelqu'un à blâmer. Et vus que t'es le dernier arrivé, bah, c'est de ta faute. Et puis je n'ai pas perdu deux ans, j'ai beaucoup grandi grâce à ça, et je t'ai suivi parce que j'en avais envie, c'était mon choix, t'as rien à voir là dedans.
Toi, je ne sais pas qui tu es, mais tu es quelqu'un de bien !
- Quand bien même. Aujourd'hui, tout ça, ça s'arrête. Je continuerais mes recherches de mon frère. Mais toi, Himiko, Kentaro et les autres, vous resterez ici, vous ne pouvez pas courir encore d'autres risques à cause de moi. C'est hors de question. Donc, je pars sans vous. Pardonne-moi, Haru, mais je me casse.
Boss Eikichi ! T'es trop classe putain ! T'en fais pas ! Tu ne seras pas seul, je serais toujours avec toi !
- Qu'est-ce que tu racontes comme connerie ? T'as déjà essayé de te barrer sans nous je te rappel, t'as pas réussis, arrête de la jouer solitaire, ça ne te va pas.
Boss Eikichi n'est pas seul ! T'inquiètes pas pour lui.
- Cette fois, c'est différent, il n'y a pas d'autre solution. Au revoir, Haru.
Cette détermination ! Rien que ça voit me rend toute chose !
- Alors, c'est ainsi... Je vois... Pas moyens de te faire changer d'avis... Mais je me dois de te le dire. On peut te pardonner beaucoup de choses. Mais si tu continues sur cette voie, oublie nous, moi, Kentaro et les autres, tu seras en effet, seul. Si tu refuses qu'on parte avec toi, ne reviens pas, même une fois ta quête terminée. On ne sera plus là.
- Heh... Qu'il en soit ainsi. Je préfère vous savoir vivant, mais loin de moi, que proche, mais mort. À plus, Haru.
Merde, il sort ! Sois naturelle !
- On y va, j'espère que tu as bien tout enregistrer, maintenant, il n'y a plus que toi, Kimura, et moi.
Zut, il savait.
- On te suivra jusqu'en enfer !
Il rigole, et marche. Ses pas, lourds, déterminer qui résonne dans les couloirs, je les ai tellement écouté, anticipé, que je pourrais les reconnaître entre mille... Hum ? C'est qui cette fille ? Elle est jolie... Pourquoi tu devisage le Boss Eikichi toi ? ! Tu veux mourir ?
- Eikichi ? C'est t-...
Il ne s'arrête pas, il passe à côté d'elle.
- Boss, c'est qui ?
- Avance. Kimura nous attend.

Elle est belle... Bordel, je suis jalouse ! Qui tu es, toi ? ! Pourquoi tu connais le Boss ? C'est dingue, elle me fait penser à une fleur de cerisier... Boss Eikichi ?

* Euphorbia Milii = Fleur rouge, surnommée Couronne du Christ, ou épine du Christ en raison de ses nombreuses épines et de sa couleur rouge.

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