Chapitre 19 Combien de réalités vais-je encore devoir détruire ?

4 minutes de lecture

Réalité 409

Combien de réalités vais-je encore devoir détruire ? Plus le temps passe, et moins je sais où et quand je me trouve. J’ai perdu ma pince papillon. Dans la… 305b, la réalité aux zombies qui m’ont arraché la tête. Brrr. Sans elle, je suis perdue, je ne sais plus rien. J’ai trouvé ce carnet par terre, dans la petite cabane au bord du lac dans laquelle je me suis éveillée en « mourant » dans la 408c. Un virus, j’ai vomi mes tripes, bref, rien de très joyeux jusqu’ici. J’en ai arraché la première page. Quelqu’un y avait dessiné un « help », un cri d’appel à l’encre de leur sang. Je ne sais combien de niveaux je dois encore traverser pour retrouver ma réalité, le niveau où je suis née, où j’ai grandi, où sont tous ceux que j’aime. Le seul souci, c’est que je ne sais plus. J’ai oublié à quoi je ressemble, je ne sais pas mon âge. Je sais qu’il y a des gens que j’aime – je fais des cauchemars dans lesquels ils m’appellent, mais je ne parviens pas à voir leurs visages – mais je ne sais même pas leurs noms. J’ai juste peur de « mourir » vraiment. Meurt-on ? Ou descend-on à un autre niveau de réalité ? Est-ce le principe de la réincarnation ? Quitter une réalité et se réveiller dans une autre ? Attends… et si j’étais une anomalie ? Putain ! Donnez-moi des réponses avant que je… S’il vous plaît.

Réalité 412b

Je n’ai pas eu le temps d’écrire depuis longtemps. Enfin... le temps. Bref, depuis plusieurs morts. Rapides, d’ailleurs, ces dernières. J’ai appelé cette réalité 412b, parce qu’elle est vraiment très semblable à la dernière que j’ai traversée. En fait... je me posais une question. Si ça se trouve, je suis juste couchée sur un lit d’hôpital, branchée dans tous les sens, dans le coma. Les gens qui m’aiment viennent me voir et posent des fleurs sur la table de chevet. Ma mère... j’ai une mère ? J’ai mal à la tête. J’ai du mal à trouver à manger. Je suis morte tellement de fois en ingérant des poisons. J’ai tellement de questions. Dis... je sais pas si c’est juste un idiot qui s’amuse à jouer avec moi et me faire passer par les pires crises existentielles du monde, mais si je le trouve, il va passer un sale quart d’heure. Je suis étonnée que les créatures que je rencontre trouvent toujours plus de façons de me tuer. Ils pourraient pas m’enfermer, ou j’en sais rien. Non, vraiment, je suis une menace, je risque de provoquer l’extinction de leur race. Ou pas. La pire jusqu’ici ? Je dirais que c’est être empalée. Affreux. Bon... je dois dire que je deviens plus résistante. La plupart des tortures de base ne me font rien. Wait a minute... Stupide. Je peux parler anglais et savoir que c’est de l’anglais, mais je ne sais pas qui je suis. Je me disais donc... C’est ça, l’enfer ? La souffrance éternelle ? Croire que la mort va me permettre d’échapper, et hop, ça recommence ?

Réalité 513

Le truc vraiment dingue, c’est que, qu’importe où je me réveille, j’ai toujours ce vieux carnet bleu avec moi. J’ai tenté de le jeter, de le brûler, de le plonger dans l’acide. Rien n’y fait. C’est comme si un vieux savant fou, la barbe blanche mal taillée et le crâne luisant, avec un sourire dément, s’amusait avec moi, mais attendait de moi un compte-rendu de mon ressenti de l’expérience. Putain. Arrête ça, connard. Salope. Je veux que ça s’arrête ! Même quand j’essaie d’aider, d’être gentille avec les autochtones, eh bah... ils me tuent. Il y a les classiques : les pierres et autres projectiles. Quand ce sont des créatures humanoïdes. Être dévorée vivante devient une habitude, prise dans un filet et mordue par une araignée géante aussi. Ce ne sont pas les animaux les pires. Ce sont les espèces « intelligentes », enfin humanoïdes quoi. Parce qu’il faut m’observer avant de me tuer, faire des prélèvements, des tests, des expériences. Je ne suis pas une souris de laboratoire. Enfin... je ne suis plus sûre de rien. Je comprends le carnet. C’est le seul moyen de garder un minimum de lucidité. Enfin... j’espère. Je suis peut-être complètement folle et je vis dans un brouillard uniquement dans ma tête. Je dois être dans un asile de fous, dans une grande pièce blanche couverte de coussins, et on me pique avec des médicaments super forts pour que je ne sois pas violente. Sérieusement, si c’est le cas, ben... tuez-moi. Euthanasiez-moi. C’est pas ça, vivre !

Réalité 18

J’ai perdu le compte. J’ai dû recommencer dès le début. J’ai perdu des feuilles du carnet. Je commence vraiment à fatiguer. Je ne prends même plus la peine d’essayer de communiquer, de me soigner, de manger. J’attends juste de mourir. Ou qu’on me trouve et qu’on me tue.

Réalité 516b

J’ai retrouvé mon compte. On m’a laissé le carnet. C’est bizarre, je ne suis pas encore morte et ils n’ont pas commencé les tests. Ou la torture. D’habitude, ça va plus vite que ça. Ils m’ont même donné à manger. Je n’ai même pas goûté, je n’ai pas faim du tout. Si, pour une fois... Foutu espoir à la con. Pandore et sa boîte, je vais me la faire, cette connasse. Ah oui, la mythologie me revient à l’esprit, bizarrement. Combien de réalités vais-je encore devoir détruire ? Quand vais-je enfin pouvoir me reposer ? Quand cet enfer va-t-il enfin se terminer ? S’il se termine un jour... Pitié. Aidez-moi.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Papillon Bleu ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0