Chapitre 27 La laideur

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  • Laissez-moi entrer !

Je sursaute.

Une silhouette vient d’apparaître à ma fenêtre. Assise sur le rebord intérieur, la joue appuyée contre la vitre froide et humide de buée, j’observais la pluie tomber en lourdes gouttes, glisser contre le verre.

L’apparition soudaine me fait reculer d’un bond.

  • Putain !

L’exclamation m’échappe. Une main plaquée contre ma poitrine, debout, je tente de calmer les battements affolés de mon cœur.

La personne étrange m’observe, les yeux malins.

Quelques secondes plus tard, elle frappe à ma porte.

Je gémis. Je sais que je n’ai pas le choix. J’ai passé un pacte avec Imagination : en échange de son aide, je dois recevoir les visiteurs qu’elle m’envoie.

J’ouvre.

  • Oui ?
  • Laideur. À votre service.
  • Pardon ?
  • Aucune question ?

Je soupire, agacée, et me frotte les tempes.

  • Quelles questions tu veux que je te pose ?
  • J’en sais rien.
  • Super. On est deux.

Je me force à regarder la créature. Sa forme est instable, comme un écran pixellisé qu’on ferait défiler d’une chaîne à l’autre : la guerre et ses morts, le sang, les entrailles répandues, la famine et ses enfants à la peau collée aux os, des animaux mourants...

  • Quoi ?

L’être prend une forme humaine.

  • Plus simple pour discuter.
  • Concrètement, tu montres ce que je considère comme laid. Il y a des choses que tout le monde trouve laides.

Il clignote : une usine grisâtre sous un ciel saturé de fumée noire.

  • Et d’autres, plus subjectives.

Un visage. Une personne. Une âme.

Je me mordille la lèvre.

  • Non, mais objectivement—
  • Ttttttt.
  • Je—
  • Tais-toi. Je dois ajouter que tu as besoin de moi.

Laideur s’avance vers le canapé et s’y laisse tomber sans cérémonie, jambes croisées.

  • Toi qui aimes tant la beauté, comment pourrais-tu l’apprécier sans moi ? La beauté n’a de valeur que parce qu’elle n’est pas universelle.
  • Sérieux ? Pas ce genre d’argument, vraiment.
  • Si, si.
  • La pire des laideurs, c’est celle d’une âme dévoyée.
  • Ça, c’est ce que tu penses. Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Ce n’est qu’un avis. Je ne suis qu’un concept, issu du dégoût et du mépris humains, un contrepoint à Beauté.
  • Tu ne peux pas nier que beaucoup t’utilisent pour justifier leur haine ou leur violence.
  • C’est vrai. Mais je n’y suis pour rien. Blâme leur volonté.
  • Pfff... Free will...
  • Héhé. Vous, les humains, êtes si passionnants à observer. Un divertissement inépuisable.

Laideur se lève.

  • Bien. Je ne reste pas plus longtemps, écrivaine en herbe. Tu as de quoi écrire, n’est-ce pas ?
  • Tout à fait. Ne reviens pas.

Il éclate de rire.

  • Juste pour t’embêter... si.

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