Chapitre 42 Espoirs et Accords brisés
Pièce en un acte – Chambre de Lilia
(La scène s’ouvre sur une chambre en désordre. Posters de chanteurs et musiciens tapissent un mur. Une guitare repose dans un coin, un clavier sur une table. Les draps sont froissés. Un rayon de soleil traverse la fenêtre entrouverte, éclairant une jeune fille assise par terre, dos contre le lit, tête entre les mains. Ses manches longues cachent à peine des bracelets larges serrés à ses poignets.)
Monologue
(Voix tremblante, haletante.)
Je n’ai plus rien… plus aucune inspiration.
Il faut que je trouve une nouvelle musique, un nouveau titre… un single qui tienne debout. Matt m’a appelée trois fois hier. Il m’attend au studio. Ils attendent tous que je sorte quelque chose… ce mois-ci. Pas dans six mois. Maintenant.
(Pause. Elle enfouit son visage dans ses mains.)
Et moi… moi je suis vide.
(Voix brisée.)
Je croyais… je croyais qu’avec le contrat, les lumières, les fans… tout s’arrangerait. Que je pourrais respirer. Mais ça n’a duré que quelques semaines. Après… c’est revenu. Plus fort.
Ces voix. Ces cris qui m’arrachent la tête. Qui me poussent… à mal.
(Elle frotte nerveusement ses poignets sous les bracelets.)
(Trois coups secs à la porte. Toc, toc, toc.)
(Elle sursaute, se lève précipitamment, essuie ses larmes, ouvre en grand la fenêtre pour faire entrer l’air, ramasse les partitions éparpillées, secoue les draps. Puis elle ouvre la porte.)
Scène avec la mère
Lilia — (tendue) Maman. Qu’est-ce que tu veux ?
La mère — (sèche) On a besoin d’argent. Ton frère doit payer son semestre.
Lilia — (abasourdie) Mais maman… Je travaille déjà pour payer mes études. Pourquoi je devrais payer les siennes ?
(La mère entre sans attendre la permission. Robe de chambre élimée, bigoudis emmêlés, visage rougi par la fatigue et l’aigreur. Des savates usées traînent sur le parquet.)
La mère — C’est ton petit frère.
Lilia — Et je suis ta fille ! Pourquoi je—
(La mère lui assène une claque violente. Silence. Lilia porte la main à sa joue, tremblante, des larmes aux yeux.)
La mère — Je suis ta mère ! Tu ne me parles pas sur ce ton. Tu vis sous mon toit, tu respectes mes règles. Je t’ai mise au monde, je peux très bien… te le faire quitter.
(Long silence. Lilia baisse la tête, mord ses lèvres pour retenir les mots.)
Lilia — … Je ferai le virement pour Marc.
La mère — Bien. Tu vois ? Quand tu veux, tu peux être une fille acceptable. Et range-moi ce foutoir, on dirait une porcherie.
(La mère sort en claquant la porte. Lilia reste immobile, dos contre le battant, puis s’effondre en pleurs.)
Monologue
(Voix étranglée.)
Je n’en peux plus… Je vais… je vais craquer. Est-ce que je deviens folle ? Est-ce que je devrais simplement… partir ? Définitivement ?
(Elle sanglote, secoue la tête.)
Je ne sais pas si je vais tenir encore longtemps… Sa violence. Leur indifférence. Ma douleur. Tout ça… ça me dévore.
(Elle titube dans la chambre, trébuche sur une boîte de guitare, glisse sur des partitions froissées, se relève en boitant et rejoint la fenêtre. Elle regarde en bas.)
Cinq étages… Ça suffirait. Je volerais quelques secondes… et après, tout serait fini. Tout.
(Son regard glisse vers la guitare posée sur le lit. Elle s’en éloigne de la fenêtre et s’en empare.)
Mais… si je pars… j’abandonne ça.
La musique. Ma voix. Les mots que j’ai écrits. Les gens qui m’écoutent. Tout ce pour quoi je me suis battue. Est-ce que… je veux laisser tout ça derrière moi ?
(Elle pince quelques accords, tremblante. Les sons résonnent faiblement dans la chambre. Elle s’assied, prend un carnet et griffonne. Des murmures, puis une mélodie. Enfin, un chant doux, brisé, mais lumineux)
Chanson (naissance)
(Un murmure d’abord, puis un souffle qui s’élève.)
"Si je tombe, que le vent me porte,
Si je sombre, que la mer m’emporte,
Mais si ma voix peut toucher un cœur,
Alors je reste, malgré la peur."
(Elle referme doucement le carnet, un sourire fragile aux lèvres. Elle saisit son téléphone et compose un numéro.)
Lilia — (souffle) Matt… Je l’ai.
(Noir.)
"Si je reste"
Couplet 1
Je regarde en bas, le vide m’appelle
Cinq étages plus bas, tout s’achèverait
Mes mains tremblent encore sous les bracelets
Si je saute, est-ce que quelqu’un se rappellera ?
Pré-refrain
Les voix crient dans ma tête, elles ne se taisent jamais
Elles m’arrachent mes rêves, elles me disent : « Abandonne… »
Mais au milieu du bruit, un souffle s’élève
Un accord fragile, une lueur qui résonne.
Refrain
Si je tombe, que le vent me porte
Si je sombre, que la mer m’emporte
Mais si ma voix peut toucher un cœur
Alors je reste, malgré la peur.
Couplet 2
Je porte des sourires comme des armures
Mais personne ne voit les fissures sous mes murs
J’ai couru si longtemps derrière des promesses
Pour finir perdue face à ma faiblesse.
Pré-refrain
Les voix crient dans ma tête, elles ne se taisent jamais
Elles m’arrachent mes rêves, elles me disent : « Abandonne… »
Mais au milieu du bruit, un souffle s’élève
Un accord fragile, une lueur qui résonne.
Refrain
Si je tombe, que le vent me porte
Si je sombre, que la mer m’emporte
Mais si ma voix peut toucher un cœur
Alors je reste, malgré la peur.
Pont (brisé, murmuré)
Est-ce qu’un jour… quelqu’un m’entendra ?
Est-ce qu’un jour… je serai assez ?
Si mes mots… peuvent rallumer…
Une lumière dans l’obscurité…
Dernier Refrain (plus intense)
Si je tombe, que le vent me porte
Si je sombre, que la mer m’emporte
Mais si ma voix peut toucher un cœur
Alors je reste…
Alors je reste…
Malgré la peur.
(Dernier accord suspendu, silence.)
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