Chapitre X : Une autre fille et un cinéma

22 minutes de lecture

02 décembre, 16h23

Chez journal, comment te dire tout ce que je ressens ? Moi-même j’ai du mal à m’y faire. Depuis toujours, tu connais la signification du nom « Dan ». Tu connais mes sentiments, mes émotions mes réactions. Tu sais ce que ce prénom provoque en moi. Mais me croirais-tu si je te disais que ce n’est jamais son nom à lui qui a été le plus beau ?

Quand je t’ai expliqué pour mon contrat, j’avais le cœur qui battait si vite. Mais s’emballait-il vraiment pour Dan ? Ou pour quelqu’un d’autre ? J’ai peur que la réponse ait changé durant ces dernières vingt-quatre heures.

Quand je t’ai écrit qu’il était venu me voir à la bibliothèque, j’avais les joues rouges, le souffle rapide. Mais pourquoi ? Pour ces sentiments ou pour les bras de Finn autour de moi quand j’ai pleuré dans son t-shirt ?

Cher journal, j’ai bien peur que mes sentiments aient changé, qu’ils aient pris une tout autre ampleur depuis que je les ai compris, hier. Oublie tout ce que tu sais sur Dan, sur Finn. Parce que ma vision est erronée depuis si longtemps !

J’ai compris que j’en aimais un autre quand Finn m’a défendue, hier. Devant tout le lycée, tu te rends compte ? Tout le monde le regardait avec des grands yeux. Ils étaient tellement surpris que j’aurais pu trouver ça drôle si mon cœur ne battait pas aussi vite. Tu sais ce qui fait mal dans cette situation ? Comprendre que je me trompe depuis si longtemps. J’ai réussi à me berner moi-même et c’est un sentiment très étrange. D’autant plus que je fais semblant de sortir avec Finn. Mais, et si ça pouvait être vrai ?

Aujourd’hui, je lui ai demandé de me rejoindre devant l’école, sur le parking, à 17h. Là où tout a commencé. J’espère que ce sera aussi notre lieu de nouveau départ. Parce que je veux lui dire ce que je ressens. J’ai vu ce que c’était que de se terrer dans l’ignorance et le silence. Je ne veux pas recommencer. Encore moins avec la bonne personne.

Ce matin, j’ai mis ma plus belle tenue. Hannah et Lise m’ont aidé à choisir et elles m’ont même donné des conseils de coiffure et de maquillage depuis notre appel en face time. Pour être honnête, je ne me sens pas vraiment à l’aise, comme ça. Je ne me sens pas moi. Mais peut-être que Finn me préfèrera comme ça ?

En tout cas, ce que je peux dire, c’est que ça a bien plu à ma mère que je m’habille avec les vêtements qu’elle m’a acheté il y a si longtemps pour mon anniversaire. D’ailleurs, en parlant d’anniversaire, je vais bientôt avoir dix-huit ans. Dans une semaine à peine. Avec un peu de chance, pour une fois, je serais en couple le jour de mon anniversaire. À l’âge de la maturité, qui plus est. La tête de ma mère si elle me voyait avec Finn !

Bref. J’ai peur. Je stress depuis tout à l’heure. Parce que, qui sait, Lise et Hannah ont peut-être mal interpréter l’attitude de Finn ? Elles se sont peut-être trompées sur qui je suis pour lui. Et ça me terrifie. Mais je préfère ne pas y penser pour l’instant.

Il est passé 16h45, je suis assise à la bibliothèque. Je redoute le moment où je vais devoir me lever et aller sur le parking. Quand j’y pense, mon cœur bat plus fort, plus vite. Il essaie de s’échapper de ma cage thoracique, mais je le retiens. Pour l’instant, je suis la seule maîtresse de mon cœur. Mais peut-être que ça changera bientôt ?

Bon, je dois te laisser et y aller. Je te promets de tout te raconter plus tard, mais je refuse d’être en retard, cette fois-ci.

Je referme mon journal intime, range mon stylo et fourre le tout dans mon sac à dos que je referme et lance sur mon épaule. Ce journal intime, je l’ai depuis presque quatre ans. C’est ma psy qui m’avait conseillé d’en tenir un, mais je ne l’avais jamais écoutée. La première fois que j’ai écrit dedans, c’était ce jour-là. Celui où Carder et moi avons conclu notre contrat. Celui où on a commencé à faire semblant.

Depuis, j’écris régulièrement dedans. Que ce soit pour parler de ce qui me déplait, autant que pour raconter un moment qui m’a fait rire ou sourire. À chaque fois qu’une émotion est trop forte, je l’écris sur le papier. Je ne pensais pas que ça pourrait m’aider, mais, visiblement, je me suis trompée.

Ecrire dans ce journal intime, c’est comme avoir quelqu’un à qui parler, quelqu’un qui me conseille. Je m’adresse à ce journal comme je le ferais à un ami, et je crois que c’est pour ça que ça me fait de bien, parce que c’est comme si la personne face à moi était réelle.

— Oh, Jessie !

Je me retourne pour faire face à la bibliothécaire, Marie. C’est fou comme cette femme s’embellit de jour en jour. Elle s’avance vers moi, sourire aux lèvres.

— Tu ne devineras pas quoi !

— Qu’est-ce qu’il se passe ? je la questionne. Un problème.

— Oh non, au contraire ! Tu te souviens le livre que tu m’avais demandé de commander ?

J’acquiesce. Il s’agit d’une de mes autrices préférées qui vient de sortir un nouveau roman, mais je n’ai plus d’argent. C’est très frustrant de ne pas pouvoir lire Le livre que vous rêvez de tenir dans vos mains. Alors, oui, j’ai peut-être bien demandé à Marie de le commander pour l’école afin de pouvoir le lire gratuitement dès sa sortie.

— Eh bien, il vient d’arriver. Si tu veux, je peux te le passer.

J’acquiesce vigoureusement. Si je peux l’avoir maintenant, il m’est impossible de refuser ! Je vois Marie tourner les talons et se dépêcher d’aller dans la réserve de la bibliothèque. Elle en ressort une vingtaine de secondes plus tard, un livre bleu et or en main.

Elle revient à ma hauteur et me tend l’objet. C’est un format broché et magnifique, avec une couverture brillante et solide.

— Merci beaucoup Marie ! je m’exclame en passant mon doigt sur les lettres dorées du titre. Je te le ramène au plus vite.

— Prends ton temps, me répond-elle simplement en souriant.

Je la remercie une dernière fois avant de quitter la bibliothèque. Il est rare que je donne autant d’importance aux livres d’une autrice ou d’un auteur spécifique. Mais cette fois, c’est différent. Parce que l’autrice de ce livre, elle me ressemble tellement et je me vois à travers les yeux de ses personnages. C’est ce que je trouve fascinant chez elle, et c’est pour ça que je lis tous ses livres, absolument tous.

Je décide alors de rejoindre Finn sur le parking où nous nous sommes donné rendez-vous. A chaque pas en avant, c’est comme si mon cœur battait un peu plus vite. Ça ne m’étonnerait pas qu’il s’échappe de ma poitrine tellement mon pouls est rapide. Je l’entends se répercuter jusque dans mes oreilles et vibrer quand je marche et que je me racle la gorge.

Mais ce n’est pas grave, ce n’est jamais grave.

Je finis par quitter le lycée et, au loin, j’aperçois le banc sur lequel tout a commencé. C’est là-bas que je vais m’assoir. Je me pose sur ce siège et sors mon téléphone pour lire l’heure. 17h pile. Finn ne devrait plus tarder.

Je soupire, espérant qu’il va arriver au plus vite pour m’empêcher de faire une crise cardiaque – à nouveau ! Et c’est là que je le vois. Il passe les portes de l’école, ses cheveux bruns au vent. Comment j’ai fait pour ne pas remarquer plus tôt à quel point il est beau ? C’est vrai, rien que ses yeux. Le mélange de vert, de brun et de doré est si beau !

Je n’attends qu’une seule chose : que son magnifique regard croise le mien et qu’il s’approche de moi, son irrésistible sourire en coin plaqué sur les lèvres.

Pourtant, ce n’est pas ce qu’il fait. Ses sourcils se froncent, puis il sourit. C’est un petit sourire complètement craquant. Mais ce n’est pas pour moi. En effet, le regard de Finn est tourné vers quelque chose – ou quelqu’un – qui se trouve à ma droite.

Il s’en approche et quand je tourne la tête, je constate avec horreur qu’il se dirige vers une fille. Elle est belle – un peu trop, d’ailleurs. Ses cheveux blonds descendent en de douces ondulations sur sa poitrine. Elle regarde Finn, et ce n’est pas de l’amitié qu’on peut lire dans ses yeux. Non, au contraire. Dans le bleu de son iris, je vois cette étincelle. Celle-là même que Hannah et Lise ont pu discerner dans mon regard. Ce n’est pas bon. Pas bon du tout.

Au début de notre fausse relation, Finn m’a assuré qu’il ne sortirait jamais avec une autre fille pendant notre contrat. Mais peut-être qu’il a changé d’avis, que je ne lui suffis pas. Il doit me trouver trop ennuyeuse, trop moche. C’est pour ça qu’il est parti chercher du réconfort dans les bras d’une jolie fille qui l’aime vraiment. Une fille avec qui il y a quelque chose de réciproque.

Hannah et Lise ont dû se tromper. Jamais Finn Carder ne pourrait tomber amoureux d’une fille comme moi. Par-là, j’entends une fille avec des kilos en trop, un ventre absolument pas plat, des cheveux roux impossibles à coiffer, ou encore un style vestimentaire pitoyable.

Cette fille est mon opposé, avec des cheveux d’un or soyeux, fine et élancée, elle s’habille avec ces vêtements à la mode et qui épousent parfaitement son corps de rêve. Je ne serai jamais comme elle. Jamais. Pas plus que je ne ressemblerai un jour à Cheryl. Je suis condamnée à rester seule et à regarder les gens que j’aime, tomber amoureux de standards de beauté.

J’observe Finn parler à cette fille. Leur discussion parait animée et cette garce arrive à arracher un sourire au garçon que j’aime. Pas un petit sourire timide, pas non plus celui en coin. Non, il sourit jusqu’aux oreilles, visiblement heureux de ce qu’il vient d’entendre.

Je décide de détourner les yeux, préférant ne pas les voir s’embrasser juste devant mon regard. Je ne veux pas non plus que Finn comprenne ma jalousie.

Si tu continues comme ça, tu vas finir par perdre à ton propre jeu, Grenouille.

Merde, il a raison. J’ai perdu à mon propre jeu. Et je refuse qu’il le comprenne. Encore moins s’il sort avec cette nana trop canon pour moi.

Mes yeux cherchent le sol et, quand ils le trouvent, ils ne le quittent pas. J’attends comme ça une minute. Puis deux. Puis trois. Puis quatre.

Enfin, je sens quelqu’un s’assoir à côté de moi. Je tourne la tête vers Finn qui me regarde, sérieux. Je scrute un moment son visage à la recherche de la moindre trace de rouge à lèvres, mais il a dû tout effacer avant de venir me rejoindre car son visage ne présente pas la moindre parcelle de maquillage.

— Désolé du retard, Morgan. J’étais… occupé.

Morgan. J’ai oublié Carder, moi. Apparemment, lui est bloqué dans le passé. Dans ce passé où on se déteste. Il a laissé tomber les « Grenouille », les « Jessie ». Il est revenu sur Morgan, sur mon nom de famille. J’essaie de ne pas m’en formaliser, mais au fond de moi, une voix me crie que c’est de la faute de cette autre fille. Celle avec qui il parlait alors que je lui avais donné rendez-vous.

Dois-je lui dire que mes yeux ont vu les sourires échangés ? Que je sais qu’il « me trompe » ? Enfin, peut-on seulement appeler ça de la tromperie ? Le jour de notre contrat, on n’a jamais parlé d’une interdiction d’entretenir une relation – une vraie – avec quelqu’un d’autre. Ça m’est passé au-dessus de la tête et, visiblement, il lui a semblé préférable de ne pas me le rappeler.

— Ce n’est rien, je m’entends dire. Je t’ai vu aller parler à cette fille.

J’hésite presque à m’enfuir en courant. Qu’est-ce qu’il m’a pris de dire ça ? En plus, à en juger par la teinte rouge que prennent ses joues, il aurait préféré que je ne le sache pas. Mais maintenant que j’ai balancé ça, je préfère en avoir le cœur net parce que je ne suis pas sûre qu’on abordera encore le sujet. Alors je lui demande :

— C’était qui ? Elle était vraiment belle. Vous sortez ensemble ?

J’espère que la jalousie ne se fait pas entendre dans ma voix. J’espère vraiment. Parce que s’il ne s’entend pas, le poison est bien là. Au fond de moi.

Finn rougit encore un peu et je préfère le stopper avant qu’il ne me réponde. Je refuse qu’on me brise le cœur.

— Tu sais quoi ? Oublie, ça ne me regarde pas. Je n’aurais pas dû te poser la question. C’était idiot de ma part.

— Non, me reprend Finn. C’est normal que tu te poses la question. Et je vais te répondre.

— Vraiment, ce n’est rien. Ne te sent pas obligé.

— Je ne me sens pas obligé, j’ai envie de te donner cette réponse. Shayla et moi, on n’est pas ensemble. Et, au risque de me répéter, ça ne fait pas partie de mes projets du moment. On n’est ensemble, Grenouille. Que ça te plaise ou non. Ce contrat, bien que personne ne l’ait signé, c’est important pour moi. Et je refuse de le trahir.

Oh. Donc… Qui est cette fille, alors ? Oui, je sais, je pourrais me focaliser sur le positif. Je pourrais juste me rappeler qu’il vient de me dire que ce contrat était important pour lui. POUR MOI AUSSI MÊME SI JE PRÉFÈRERAIS QUE CE SOIT POUR DE VRAI ! j’ai envie de lui répondre.

Mais à la place, je me concentre sur l’identité de cette fille parce que ça me perturbe. J’ai cherché des traits communs sur leurs visages en pensant qu’ils avaient un lien de parenté, mais rien. Et vu la façon dont elle le regardait, cette Shayla en pinçait pour lui, et pas qu’un peu ! Evidemment, je me sens obligée de lui faire part de mon ressenti.

— Elle n’a pas l’air de ton avis, pourtant.

Il explose de rire – d’un rire sincère – avant de plonger ses yeux noisette dans les miens. Immédiatement, je me sens déstabilisée.

— Quoi qu’elle en pense, crois-moi qu’elle n’est rien de plus qu’une amie à mes yeux. Et encore. Pour l’histoire, on était dans la même classe au collège et après les cours, ça lui arrivait souvent de venir jouer au basket avec les gars et moi. On avait trouvé un filait dans mon garage et on avait décidé de l’accrocher sur un mur, derrière l’école. On y allait souvent, d’ailleurs.

Là, ce n’est plus la jalousie – encore moins la colère – qui prend possession de mon corps. Non, c’est la culpabilité. Parce que je m’en veux d’avoir eu un avis aussi hâtif sur la situation. J’aurais dû l’interroger au lieu de m’imaginer mille scénarios.

— Oh. Je vois.

Il me sourit. Et cette fois-ci, je reconnais son petit sourire en coin qui est si habituel et si naturel chez lui !

— Tu n’as pas à être jalouse comme ça, tu sais, plaisante-t-il.

Mes joues virent au rouge.

— Moi ? Mais je ne suis absolument pas jalouse ! Pas du tout, même.

Tout laisse croire le contraire, mais ça semble l’amuser, donc je ne me reprends pas. J’ai l’air d’une psychopathe, mais il trouve ça drôle. Sûrement pense-t-il que je fais exprès de rire de la situation. J’espère.

— Mais pourquoi tu ne veux pas de petite amie pour le moment ? je lui demande en me rappelant ses mots. Je veux dire, nous deux, c’est une alternative, non ?

Pourquoi j’ai dit ça ? Parce que j’espère qu’il va réagir, me dire que s’il ne cherche personne c’est parce qu’il m’a moi. Je me donne de faux espoirs, je le sais, mais ce n’est rien.

— Je ne sais pas trop. C’est juste que… Non, en fait, je ne sais pas. C’est pas dans mes projets, c’est tout.

J’acquiesce, comme si je comprenais – ce qui n’est absolument pas le cas, bien évidemment.

— Tu voulais me parler d’un truc, me rappelle alors Finn pour détourner le sujet.

Je réponds quoi ? Je lui dis ? Ou je ne lui dis pas ?

Hannah et Lise m’ont dit qu’il m’aimait autant que je l’aimais. Il y a cette connexion entre nous. Il m’appelle Jessie. Ce contrat lui tient à cœur. Je suis son fond d’écran. Oui, je peux le faire, j’en suis capable.

Il m’a aussi appelée Morgan. Il ne veut pas de copine, il vient de me dire. Je n’ai jamais vu d’étincelles dans ses yeux. Non, je ne peux pas le faire, je n’y arriverai jamais.

Alors, la lâche que je suis décide de ne pas donner la vérité complète.

— Je crois que… Enfin… Je sais que ça va te sembler insensé, mais je pense que je n’aime plus Dan. Enfin, je pense même que je ne l’ai jamais vraiment aimé.

Je ne sais pas comment mettre des mots sur ce sentiment. Et maintenant, Finn me dévisage. Il doit penser que je me moque de lui depuis le début. Pourtant, dans ses traits, je ne discerne pas de la moindre once de colère, mais plutôt de l’incompréhension.

— Pourquoi tu m’as demandé qu’on soit ensemble, alors ?

J’ai envie de déformer la réalité et de lui dire que j’ai toujours voulu être près de lui. Mais ce serait ridicule, de la jalousie, de la lâcheté. On ne fait pas semblant de sortir avec quelqu’un pour se rapprocher de cette personne. C’est idiot.

— Parce qu’à ce moment-là j’y croyais encore.

La vérité est parfois douloureuse. Comment exprimer ce sentiment ? Je me sens moi-même trompée par mes propres émotions. Mon corps me poussait vers lui alors que mon cœur appartenait à un autre garçon.

— Et qu’est-ce qui a changé entre temps ? me questionne Finn.

Il semble attendre une réponse précise. Il espère entendre une réponse précise. Je ne sais pas ce qu’il veut de moi, mais je ne suis pas prête à lui dire la vérité. Je croyais que si, mais finalement, je pense que je me suis trompée. Je n’ai pas le courage de le lui dire, je ne l’ai jamais eu. Je suis lâche. Tellement lâche.

— Hannah et Lise m’ont fait comprendre que ce n’était pas de vrais sentiments, que je ne faisais que me voiler la face. Et elles m’ont dit qu’elles ne voyaient pas ces étincelles dans mon regard quand j’étais avec lui.

Finn acquiesce, pensif, et je comprends que je viens de faire une grosse bêtise. Parce que maintenant, il va vouloir mettre fin à ce contrat. Et il aurait raison car celui-ci n’a plus aucun intérêt. Pour qui est-il avantageux, maintenant ? Personne.

Je baisse la tête. Parce qu’en plus d’être lâche, je suis bête. Comment j’ai fait pour que ma vie soit un tel désastre ? Je pensais que je m’y étais bien prise, mais je suis occupée à briser une des rares choses bien de ma vie.

Des mots de confidence me brûlent les lèvres, mais ils n’arrivent pas à les franchir. Je me sens minable.

— Tu souhaitais me le dire pour rompre le contrat, hein ? demande Finn d’une voix amère.

Bizarrement, ça semble le déranger. J’ai envie de lui rétorquer que ce contrat pourrait rester d’actualité jusqu’à la fin de l’année si ça peut me permettre de rester près de lui. Mais encore une fois, je suis incapable de prononcer cette douce vérité.

— Je… Je ne sais pas. Si tu en as besoin on peut continuer, tu sais.

Je tords mes doigts si fort que j’ai peur qu’ils deviennent bleus. Mais dans l’immédiat, ce n’est pas le plus important. Pour l’instant, je dois me concentrer sur la discussion, sur la réponse que Finn va me fournir.

J’attends.

Encore.

Mais rien ne vient.

Finn reste silencieux à mes côtés, comme si me répondre relevait de l’impossible. Je ne sais pas combien de temps nous restons ainsi dans le silence, mais ça me parait interminable. Une année entière semble s’être écoulée quand il daigne enfin rompre ce silence embarrassant qui plane au-dessus de nous.

— Jessie, je ne sais pas comment te le dire. Je me doute que rester auprès de moi te poserait problème, mais… Enfin, je suis pas mal dans la merde, en ce moment. Je commence à reprendre mon niveau, en basket, mais je suis souvent distrait et le coach Terrence m’en tient pas mal rigueur. Il met ça sur le fait qu’on est ensemble, mais ce serait différent si on se sépare.

Il prend une grande inspiration et se passe une main dans les cheveux.

— Je comprendrais que tu refuses de continuer parce que ça ne t’arrange clairement pas. Je sais que je suis égoïste, aussi. Je pourrais me trouver une autre copine, si je le voulais, mais je commence à t’apprécier, et je ne sais pas si j’aimerais jouer un rôle avec une fille. Enfin, tu vois. Entre nous, c’est devenu naturel, une habitude.

Je sens mon cœur s’emballer dans ma cage thoracique. Moi qui croyais que c’était fini par ma faute ! En fait, grâce à moi, Finn vient de me dire qu’il m’apprécie. Il ne me dit pas qu’il m’aime, mais il m’apprécie. Et pour moi, c’est déjà tellement ! Si je m’écoutais, j’exploserais de joie. Mais j’essaie de paraitre naturelle, sérieuse, quand je lui réponds.

— Ne t’en fais pas, ça ne me pose pas de problème. Et…

TU PEUX LE FAIRE JESS !

— Moi aussi je commence à t’apprécier.

Mes joues rougissent d’elles-mêmes, alors je détourne le regard et fixe le sol.

— Tu es sûre que ça ne te dérange pas ? s’enquit-il.

— Certaine. Et puis, c’est un peu égoïste, mais ça m’a rassurée quand tu m’as défendue, la dernière fois.

J’entends son sourire quand il me répond.

— C’est normal, Grenouille. Et s’il le faut, je recommencerai.

Moi aussi je souris, maintenant. Comment j’ai fait pour ignorer toutes les qualités de Finn ? Comment j’ai fait pour ne voir que le négatif alors qu’il est la personne la plus gentille que je connaisse ?

— En parlant de ça… Je ne t’ai même pas remerciée. Je suis partie en courant, et je m’en excuse.

— Tu n’as pas à t’excuser.

— Si, j’insiste.

Je relève la tête parce que mes joues ne me brûlent plus autant qu’avant. Maintenant, je pose mes yeux sur Finn qui semble réfléchir. Son sourire en coin est réapparu sur ses lèvres.

— Eh bien, on peut considérer qu’on rétablit notre contrat, alors, non ?

J’acquiesce, sans comprendre où il veut en venir.

— Tu te souviens de mes règles ? Tu devais lire mes livres préférés, regarder mes films préférés. Eh bien le moment est venu, Grenouille. Aujourd’hui, il y a une rediffusion de Joker au cinéma.

J’hausse les sourcils. Pour me faire pardonner, je dois aller au cinéma pour regarder un film de psychopathe ? Je ne comprends pas pourquoi, mais après tout, ça ne doit pas être si terrible…

— Bon, d’accord, j’accepte. Mais tu me raccompagnes chez moi après, n’est-ce pas ?

— Bien évidemment, très chère.

Il m’adresse un clin d’œil et je lui réponds par un sourire sincère en essayant de camoufler l’effet qu’il a sur moi.

Nous arrivons au cinéma et Finn me demande si je veux boire ou manger quelque chose. Il m’a également prévenu qu’il payait tout – les encas autant que les places pour le film. Je lui ai assuré que je pouvais payer ma partie, mais il a insisté et a finit par ne pas me laisser le choix.

— Tu aimes le popcorn ? me demande-t-il en me voyant hésiter.

J’acquiesce. En manger me rappelle mon enfance, quand j’allais encore au cinéma avec mes parents. C’était avant qu’on déménage, avant Salie. C’était quand tout allait bien entre nous.

— Parfait, alors. On va prendre un gros pot pour nous deux. Tu veux boire quelque chose ?

— Un fuze tea pêche, s’il-te-plait.

Il me sourit et passe la commande en prenant deux exemplaire de la boisson. Il me tend une des deux bouteilles et nous nous dirigeons vers la salle dans laquelle est projeté Joker.

La salle n’est pas très remplie, mais nous décidons de nous installer dans le fond, au milieu de la rangée. Les sièges ne sont pas très confortables, mais je ne fais aucun commentaire. De là où nous sommes, nous avons une assez bonne vue sur l’écran sans être collés aux autres spectateurs.

— J’espère qu’après la séance tu me verras toujours de la même manière, me sourit Finn.

— J’espère aussi, je lui réponds amusée.

La salle s’obscurcit, les murmurent disparaissent et l’écran s’allume, accompagné d’une mélodie qui annonce le début des bandes annonces. On en regarde quelques-unes puis c’est au tour des pubs de montrer le bout de leur nez.

Je déteste les pubs alors j’en profite pour piquer quelques popcorns dans le pot que Finn tient entre ses mains. Instantanément, il me tend le pot, mais je lui assure qu’il peut le garder.

Après quelques minutes encore, le noir revient et le film commence. Je m’enfonce un peu plus dans mon siège et mon concentre sur l’écran face à moi.

Les minutes passent, puis une demi-heure arrive. Une heure. Une heure trente. Je me sens un peu plus mal à l’aise à chaque seconde qui passe et, étrangement, je comprends pourquoi c’est un des films préférés de Finn. Parce que ce Joker n’est pas une personne méchante, juste un homme atteint d’un handicap et qui survit aux étapes douloureuses de la vie. Il me fait pitié.

Je veux prendre une nouvelle poignée de popcorns, mais ce n’est pas l’encas que ma main trouve. Non, ce sont d’autres doigts. Finn serre sa main dans la mienne et je l’imite. Je ne sais absolument pas ce qui se passe, mais ça me plait alors je ne fais rien. Je reste immobile, de peur de briser ce qui est en train de se produire entre nous. Je profite de l’instant parce que je crains que ça ne se reproduise plus jamais.

Je ne sais pas qui de nous deux a pris l’initiative mais, quoi qu’il en soit, notre rapprochement n’a pas l’air de le déranger.

Je tourne la tête vers Finn et je suis étonnée de voir qu’il m’observe déjà. Ses lèvres sont retroussées en un petit sourire timide et il presse sa main un peu plus fort contre la mienne. Je l’imite et son sourire s’élargit.

Mais son visage se fait plus sérieux, soudain. Je ne sais pas quand il le fait, mais son visage se rapproche du mien jusqu’à ce qu’on ne soit séparés que par quelques centimètres. Je peux sentir son souffle sur mes joues qui rosissent à ce constat.

— Jessie, chuchote Finn. Est-ce que je peux t’embrasser ?

Sans réfléchir, j’hoche la tête.

— Oui. S’il-te-plaît.

Il m’offre le plus beau des sourires avant de se pencher un peu plus jusqu’à réduire complètement l’espace entre nous deux. Il pose ses lèvres sur les miennes, m’embrasse et je lui rends ses baisers. Une fois. Deux fois. Trois fois. Je finis par en perdre le compte.

Finn se débarrasse du pot de popcorns qu’il pose à côté de lui pour tenir mon visage entre ses mains. Ses doigts glissent dans mes cheveux qu’il entortille autour de son indexe.

Nous finissons par nous séparer pour reprendre notre souffle. Finn pose son front contre le mien et je souris. Nous sourions tous les deux. Je ne sais pas si je dois parler, dire quelque chose. Mais de toute façon, Finn ne m’en laisse pas le temps.

Comme s’il n’en avait pas eu assez, il se penche un peu plus et dépose des baisers dans mon cou. J’attrape ses cheveux entre mes doigts et commence à jouer avec alors que je penche ma tête en arrière.

Les baisers de Finn remonte sur ma mâchoire, mes joues, puis retrouvent ma bouche. C’est comme un soulagement pour moi. Je ne sais pas si Finn ressent quelque chose à mon égard, mais je sais que ça me fait du bien.

L’embrasser aujourd’hui est différent de la dernière fois, dans les couloirs du lycée. Cette fois, ce moment n’appartient qu’à nous et à nous seuls. Et puis, aujourd’hui, ce n’est pas un chaste baiser qu’il dépose sur ma bouche.

Nous nous écartons à nouveau et cette fois, Finn cherche mes yeux. Quand nos regards se croisent, je cherche des sentiments sur son visage. Des sentiments pour moi, pour nous. Mais je ne vois rien. Peut-être qu’il avait juste besoin d’embrasser quelqu’un ? Peut-être qu’il en avait marre de ne plus pouvoir le faire. Mais je préfère ne pas y penser. Parce que je viens d’embrasser Finn Carder !

— Tu… ça va ? murmure Finn.

J’acquiesce, encore perturbée par ce qu’il vient de se passer.

— Oui. Oui, ça va. Et toi ?

— Oui, ça va aussi, me répond-il en souriant.

Puis il se détourne pour continuer à regarder le film. Et quand je crois qu’il m’a oubliée, il me prend à nouveau la main. Malgré la climatisation de la salle de cinéma, j’ai soudain très chaud.

Quand le film est terminé, nous quittons la salle de cinéma et rejoignons la voiture de Finn. Le trajet se fait en silence, comme si nous avions tous les deux besoin d’analyser ce qu’il s’est passé entre nous.

Finn finit par se garer devant chez moi et, avant que je ne sorte de la voiture, je me tourne vers lui et déclare :

— J’ai passé un très bon moment avec toi, Finn.

— Moi aussi j’ai passé un très bon moment avec toi, Jessie.

Nous échangeons un dernier sourire, un dernier regard, puis je rentre chez moi et m’enferme dans ma chambre. Là, je me laisse tomber sur mon lit et sors mon téléphone, un sourire idiot au coin des lèvres. J’ouvre la discussion avec Lise et Hannah et je tape un message avant d’éteindre mon écran et de sortir la veste de Finn. Je me laisse aller sous les couvertures et serre le vêtement contre mon visage.

« Finn m’a embrassée au cinéma. »

___

J’ai été pas mal occupée avec les cours ces deux dernières semaines, mais je reviens avec ce chapitre 10 ! J’espère qu’il vous aura plus, n’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, et je vous rappelle aussi que je suis sur Wattpad sous le pseudo Lyiis0.

Encore une fois, j’espère que ce chapitre vous aura plus.

Comme je suis en vacances, j’essaierai de vous sortir le chapitre 11 pour la semaine prochaine.

En vérifiant mon plan de l’histoire, je me suis rendu compte que j’avais rajouté des choses inutiles, donc je change les infos : il y aura 14 chapitres (et non 15) + 1 épilogue.

Je viens également de me rendre compte qu’il y avait eu des problèmes avec la publication. Je ne sais pas ce qu’il ne passe, mais il y a des bugs et des mots ont changé, il y a des fautes d’orthographes. J’espère que ça n’aura pas impacté votre lecture, en tout cas.

Saluuut !

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