Chapitre 4

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Cette fois, c’était presque certain ! Il était arrivé quelque chose ! Car jamais maître Leroux ne laissait la porte d’entrée ouverte, et encore moins à une heure aussi matinale, avant même le deuxième petit déjeuner ! Même s’il lui arrivait de venir à l’agence de bonne heure, il fermait aussitôt derrière lui, ne voulant pas être dérangé par des intrus. Leroux savait bien que si Tabitha désirait entrer, elle le faisait avec son propre double de clés. Décidément, ça ne tenait pas sur ses pattes, cette histoire. Tabitha savait quand le mystère pointait son nez.

Elle se tourna vers le jeune chat gris qui l’avait rejointe.

— Vous aviez rendez-vous à quelle heure, vous ? Fit-elle, avec un petit geste du menton.

Il ne se formalisa pas de son ton qu’elle savait sec.

— Oh, plus tard dans la matinée, après le second petit-déjeuner, vers neuf heures trente, dit-il en sortant une épatante montre-gousset chromée de sa poche intérieure. Il n’est pas tout à fait huit heures.

Cette fois, lady T. sentit son cœur s’accélérer.

— Et ...pourtant, j’aperçois de la lumière, murmura-t’elle tout en ôtant ses gants avant de les ranger dans son sac.

D’un coup net, elle propulsa ses griffes antérieures.

— La porte ne devrait pas être ouverte, n’est-ce pas ? S’enquit le jeune Grinéblan sur le même ton.

Furtivement, Tabitha lui lança un coup d’œil. Il avait retroussé les manches de sa redingote. Elle vit ses griffes sortir. Bien : il était prudent.

— Non, et je ne pense pas que maître Leroux soit déjà arrivé, chuchota-t’elle.

— Un cambriolage ?

Lady Tabitha fronça le museau.

— Possible… Je renifle des senteurs inconnues. Heurk ! Je vais passer devant. Son bureau personnel est à l’étage.

Grinéblan opina et la laissa faire. Tout en douceur, elle ouvrit la porte et se faufila dans l’entrée sombre. Elle fit pivoter ses oreilles afin de saisir le moindre bruit. Elle se concentra.

Rien.

Elle regarda sur sa droite immédiate où se trouvait l’accueil des clients. La pièce se trouvait plongée dans la pénombre. Les sens en alerte, elle chercha à deviner le moindre mouvement. Mais…

— Il n’y a personne.

Le jeune chat restait aux aguets juste derrière elle. Elle devina son profil sous son chapeau incliné bas.

— Je ne perçois rien ici. Ni même à l’étage, souffla-t’il.

Tabitha pointa à nouveau ses oreilles. Aucun écho. Ce jeune Grinéblan plus jeune qu’elle, avait les sens affûtés, même s’il ne possédait pas toute son expérience. Si lui non plus n’entendait rien ni personne…

— Ils ont dû déguerpir… Car je renifle toujours ces horribles senteurs ! Ah, quelle horreur !

— Il y en a plusieurs, confirma Grinéblan. Mais comme je connais mal celle de maître Leroux, je ne …

Tabitha se tourna brutalement vers lui, lui coupant la parole :

— Vous l’avez déjà rencontré ?

Il eut un mouvement de recul.

— Heu.. oui. C’est vrai que je n’ai pas eu le temps de vous en parler.

— Et bien, faites ! Ordonna-t’elle. Maintenant !

— Je me trouvais chez le marchand de papier. Pour mon art. Nous avons discuté. C’est là qu’il m’a fixé le rendez-vous.

Elle le détailla. Sous le bord de son chapeau, elle trouva qu’il avait vraiment un très long nez pour un chat. On aurait dit un renard ! Ce ne devait pas être facile d’arborer un tel faciès dans un monde où les nez courts et aplatis étaient à la mode. Sauf chez les siamois, mais ceux-ci étaient des félins à part, des privilégiés. Et ce Grinéblan ne faisait pas partie de leur caste, avec un tel pelage. A moins que le comte Grey ait … Oh, assez ! Elle se concentra à nouveau sur l’affaire en cours. Pourquoi donc se laissait-elle distraire par ce jeune dandy, son rendez-vous et ses occupations ?

— Montons voir ! Grinça-telle entre ses dents.

Elle grimpa l’escalier du bout des pattes. Une fois sur le palier, elle plissa la truffe : encore ce parfum désagréable ! Mais qui était venu ici, par Bastet ?!

— Il y a une odeur un peu… commença Grinéblan en grimaçant légèrement.

Elle le fit taire d’un coup de pattes.

— Je sais, siffla-t’elle. C’est immonde. Suivez-moi, la porte de son bureau est aussi ouverte.

La patte prudente, les griffes en évidence, Tabitha avança. Mais, très vite, elle réalisa qu’il ne lui servirait à rien de se camoufler. Le bureau de maître Leroux était abondamment éclairé par toutes les lampes qu’il contenait. Et il était vide. Complètement.

Mais en parfait désordre. Le plus ignoble et dégoûtant des désordres.

— Ah ça ! Dit Grinéblan. Quel beau foutoir, si vous me passez l’expression, Lady T. !

— C’est le cas de le dire ! Et bien, venez, entrez : inutile de jouer la discrétion ! Les gens qui ont semé la pagaille ne sont plus ici !

Mais une inquiétude commençait à grandir en elle : où était donc maître Leroux ? Et si la disparition dont avait parlé le laitier avait quelque chose à voir avec lui ?

Pendant qu’elle se battait avec ses émotions négatives, Grinéblan inspectait déjà les lieux. Elle le suivait du coin des yeux et remarqua qu’il se montrait fort méticuleux, ne dérangeant rien, détaillant chaque recoin, passant en revue aussi l’ensemble avant de noter quelque chose dans un petit carnet qu’il avait tiré d’une des poches de sa redingote. Tiens, se sentait-il l’âme d’un détective soudain ? D’ailleurs, pourquoi son associé voulait-il s’entretenir avec ce jeune gandin gris ?

Lady Tabitha allait lui poser la question de but en blanc quand, après s’être baissée près du fauteuil renversé de maître Leroux, Grinéblan se releva, un minuscule objet coincé entre ses griffes.

— Qu’avez-vous trouvé ? S’exclama-t’elle, sortant brusquement de ses interrogations intérieures.

— Une étrange chose, dit-il, l’air perplexe.

Il l’approcha de son long nez, repoussa son chapeau. Tabitha s’approcha en hâte, tout en faisant attention à ne rien déranger. Elle aurait besoin de fouiller cette pièce avec ordre tout à l’heure.

— C’est très bizarre, je crois que…

— Mais dites, enfin dites !

Il fixait le petit objet avec intensité, ses yeux verts-dorés se rejoignant au milieu. Tabitha contourna un tas de papier, des dossiers de clients épars. De là où elle se trouvait, elle n’arrivait pas à déterminer la nature de l’indice. De plus, sa vue n’était plus ce qu’elle était, elle devait l’admettre.

— Mais qu’est-ce donc, Grinéblan ?

— Je penche pour…

Une jeune voix claironna derrière elle :

— Un pépin de pomme !

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