Chapitre 5

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Miaaaa ! Tabitha bondit sur place. Puis, en haletant, grogna :

— Oh, misère, mon pauvre cœur !

Grinéblan se figea.

A l’entrée du bureau, se tenait un jeune chat tabby, une casquette en tweed flanquée à la va-comme-je-te-pousse entre ses oreilles, une écharpe du plus beau rouge autour du cou, vêtu d’une veste d’ouvrier un peu trop grande, d’un pantalon retenu par ce qui ressemblait à des bretelles, et chaussé de solides godillots de cuir souple.

— Bah quoi ? ‘M’avez pas entendu monter ? Fit-il d’une voix gouailleuse. Pourtant, avec ces croquenots-là, j’en fais un boucan !

Grinéblan fut le premier à se reprendre.

— Ah, c’était donc cela, le couinement ?

— Mon soulier a tendance à grincer. C’est marrant de te trouver là, le Gris !

Tabitha gardait le dos résolument tourné au jeune intrus, vexée de s’être laissée surprendre. Elle leva une moustache.

— Couinement ? Parce que vous avez entendu quelque chose, vous ? S’indigna-t’elle. Et vous vous connaissez ?

Le nouveau venu ôta son couvre-chef et entra dans la pièce.

— J’suis Newton Lapathabile, m’dame. J’ai fait aussi vite que j’ai pu dès que j’ai eu le mot de Katy. Et oui, Grey et moi, on a déjà fait affaire, disons. Bien le bonjour !

Il avança une patte menue, rayée et noire sur le bout, en direction de Tabitha qui l’inspecta comme s’il avait attrapé la gale.

Grinéblan fut le premier à la secouer chaleureusement :

— Ravi de te revoir, Nioute. Tu m’as rendu de fiers services par le passé. Ce petit est sacrément futé, Lady T. , vous savez !

Elle leva le nez en l’air et du bout des coussinets effleura la patte sombre en disant :

— Je vous crois, mon cher. Enchantée. Katy m’a également vanté vos qualités, Newton.

Le jeune chat reçut très bien les compliments sans montrer de gêne mais sans fanfaronner non plus. Il se gratta le sommet de la tête en regardant autour de lui.

— Vous êtes tombés sur un fameux bazar, dites-moi ! Si j’peux vous aider…

Tabitha ne perdait pas le fil :

— J’ai une question, en effet.Vous êtes entré en criant : pépin de pomme ! Pourquoi ?

Les yeux verts du jeune chat s’éclairèrent.

— Bah, parce que c’en est un ! Mais oui, regardez ! Ça en a la forme, et ..

Il fit un pas en direction de Grinéblan et pointa de la patte :

— Là, vous voyez, accroché, il reste même un peu de fruit séché.

Tabitha s’approcha de Grinéblan. Tous deux louchèrent de concert. En effet, le petit avait raison. Elle renifla. Une odeur sucrée lui envahit la truffe. Elle comprenait d’où venait l’atroce odeur qu’elle avait sentie. Des fruits ! Il y avait eu des fruits, ici !

— Et bien, et bien, dit lentement Tabitha en relevant la tête, vous êtes perspicace.

Grinéblan émit une sorte de bruit indescriptible entre ses dents.

— Sacré coup d’oeil, Nioute ! Chapeau, mon vieux !

— De rien, Grey !

— Allons, tu sais bien que Grey, c’est mon père. Moi, c’est juste…

— D’acc’, mais Grinéblan, c’est trop long ! Gris ou Grey, ça te correspond mieux !

Les deux jeunes chats continuèrent à se chicaner tandis que Tabitha réfléchissait à ce pépin de pomme. Des fruits, ici ? Même si les fruits circulaient à Furrville, les félins n’en étaient pas les premiers consommateurs, préférant la viande et le poisson, admettant seulement quelques légumes comme les courgettes, par exemples. Les bananes les faisaient fuir, ainsi que le agrumes (cette puanteur!). La pomme les laissait indifférents. Bien entendu, il y avait des exceptions partout et, peut-être quelque part un ou deux matous étaient-ils friands de pommes, mais pas dans son entourage, non, certainement pas. Ce n’était guère commun, comme goût alimentaire. Tabitha en revenait à sa question principale : pourquoi donc Leroux aurait-il possédé une pomme dans son bureau ? A moins que cette chose n’ait été laissée là par les auteurs de ce capharnaüm ? Quand même, c’était un peu étrange de semer un indice derrière soi, non ? Exprès ?

Machinalement, elle leva le nez en direction de la pendule accrochée au mur de l’office : l’heure du deuxième petit déjeuner était déjà dépassée ! Leroux aurait dû se trouver ici, à présent, surtout avec un rendez-vous prévu.

— Ah, vous aussi, vous vous posez la question ? L’interpella alors Grinéblan, la faisant sursauter.

— Pardon ? A quel sujet ?

Il se lissa la moustache et indiqua l’horloge.

— L’heure de mon rendez-vous approche. Et maître Leroux n’est pas encore arrivé, vous vous demandez aussi où il …

— Comment, aucun de vous deux n’est au courant ? Le coupa Newton.

Un léger silence se fit avant que Tabitha et Grinéblan ne s’écrient en chœur :

— Au courant de quoi ?

Le jeune chat parut rétrécir. Sa mince figure trembla un peu.

— Je croyais que… Ah, non, vous ne m’avez pas fait venir ici pour ça, madame T ?

Tabitha grogna sourdement.

— Mais de quoi parlez-vous ? Ne jouez pas avec mes nerfs, coquin !

— C’est vrai, explique-toi, à la fin, Nioute !

Triturant sa casquette de plus belle, le jeune chat déglutit puis reprit du poil du félin, avant de déclarer, la mine sombre :

— Je l’ai appris dans la rue où je travaille, avant d’être prévenu par la note de Katy. On l’annonce partout : Maître Leroux a disparu. Les chadarmes n’ont retrouvé de lui qu’un ...pépin de pomme !

— Quoi ?!

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