Le rétroviseur
— Hōru Arekusandà
Dans le rétroviseur.
On n’a pas vu venir la distance,
 mais elle s’est installée comme un silence.
Aimer dans la nuit,
 c’était tout ce que je savais faire.
 Quand le monde dormait,
 je vivais pour toi.
J’ai bu tes silences
 comme un dernier verre de nuit.
 En pensant :
 ça passera,
 ça guérira,
 ça changera.
Mais ce n’est pas de l’amour
 quand je dois m’éteindre
 pour que tu brilles.
 Et moi, je roulais sans phare —
 juste ton fantôme pour éclairer la route.
Je revois ton profil,
 dans la lumière rouge d’un feu arrière.
 C’était pas une fuite,
 juste une absence prolongée.
 Mais elle m’a blessé pareil.
Je me suis effacé dans ton ombre,
 pour ne pas te perdre.
 Mais je m’y suis perdu tout entier.
Et pourtant —
 Aimer dans la nuit,
 je l’ai fait jusqu’à l’aube
 qui m’a recraché.
Je ne peux plus parler à la place de ton absence.
 Je ne peux plus me plier à ton silence.
 J’ai attendu un mot,
 un geste,
 un regard qui sécurise.
 Mais tu étais ailleurs,
 même quand tu dormais près de moi.
Et moi,
 j’ai roulé sans phare —
 jusqu’à ce que la nuit me crève.
Je t’ai cherché
 dans les regards où j’espérais.
 J’ai mis ton nom
 sur chaque battement
 qui ne revenait plus.
Et maintenant…
 Je pars.
 Sans bruit.
 Sans retour.
Ce n’est même plus un cri.
 C’est une lumière qui s’éteint doucement dans le noir.
Adieu la nuit.
 J’ai trop aimé dans l’ombre.
 Trop cru que les silences faisaient office de preuve.
 J’ai déposé mes questions sur les draps vides,
 et tu les as laissées froissées,
 sans les lire.
Je veux croire
 qu’au bout de cette fatigue,
 quelque chose fleurira.
Et moi,
 je roulais sans phare —
 juste ton fantôme pour éclairer la route.
Ce n’est plus une supplique.
 C’est une page qu’on tourne
 sans effacer l’encre,
 mais sans relire.
Et ça ira mieux.
 Pas ce soir,
 peut-être pas demain.
 Mais un matin,
 quand je ne chercherai plus ton ombre sur mon oreiller.
Adieu la nuit.
 Adieu, cette nuit-là.
 Je plierai ta mémoire
 dans un coin du passé.
Et si jamais tu regardes en arrière,
 juste une seconde…
 sache que j’ai aimé pour deux.
 Et que maintenant,
 je me choisis —
 même dans le noir.
Montréal, 2025
© Hōru Arekusandà — Tous droits réservés.
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