4. Bataille éclair

5 minutes de lecture

Téméraire

Quand le cuivre résonne, les dieux hurlent, la clameur s’élève et le sang bouillit pour le tumulte à venir. Les premiers tintements de l’acier en première ligne. Le sable se soulève. Un arrive à moi. Une solide armure. Une belle épée. J’esquive son premier coup, un chassé. J’envoie l’une de mes haches vers son visage. Toujours être létal. Son casque résonne, il chancelle, acier solide. Ma deuxième part vers son poitrail, déséquilibre. Il est habile, envoie un poing, je le mange dans la mâchoire. Il soulève sa grande lame, elle est lourde, je suis plus fragile mais plus rapide. Je plante ma hachette droite dans la faille entre l’épaulière et la mentonnière. Il gémit. Je ris. Des gerbes de sang, il crache, il tombe… Un autre s’approche, il se prend une flèche dans l'œil. Un autre encore plonge sa lance sur moi. Je me relève, une hachette en moins. Esquive, j’attrape la lance. Plonge ma hache sur son aine. Déjà deux combats, deux hurlements, la fatigue monte déjà.

Fourchu

Souvent, j’ai combattu aux côtés de mes hommes en première ligne. Mais la décence de l’âge et la découverte du monde stratégique m’obligent à prendre du recul sur le champ de bataille. De plus loin, j’ordonne, je guide. J’observe aussi… des fous se jettent de part et d'autre, du sang jaillit, des membres se découpent, des gars se chient dessus, hurlent comme des femelles. Beaucoup ne comprennent pas la peur avant d’avoir vécu la mêlée. Ils ne réalisent pas que la mort peut jaillir de n’importe où, d’un adversaire, d’une flèche perdue, même d’un allié maladroit. Je vois, au sommet d’une dune, sur un grand étalon, l’ennemi envahi. Le conte Garos, il me toise, il me connaît, j’ai déjà pillé son territoire. Il se fait vieux, tout comme moi. Un regard comme entendu entre deux monuments. Il est confiant, son suzerain lui a fourni le double de ses hommes… mais un des miens en vaut cinq des siens. Mon tour vient, je serre ma hache de mes deux mains, ma fidèle, et je m’élance dans la bataille. Un doute envahit un instant mon âme, je crois apercevoir dans le ciel un présage, un court instant où je vis mon frère.

Poète

Quelle foutre idée de m’envoyer en première ligne ! Je combats, certes, ma lame et mon bouclier connaissent peu d’égal, mais mon talent n’est pas la guerre, le duel à la limite… je ne comprends rien, trop d’informations. Je fais des moulinets archaïques et mon bouclier ne sert que d’exutoire aux adversaires, ou même alliés, un peu trop heureux de se rendre à la mort. Je ne veux pas mourir dans ce coin ! Pas juste après ce débarquement ! Je recule, discrètement, qui me verra dans cette cohue de toute manière ?

Un cavalier, un maudit cavalier, que fiche-t -il devant ? Il massacre deux de mes hommes. J’empoigne ma lame, la plonge vers le destrier, les pattes. Il hennit, m’emporte dans sa course. Je roule dans le sable trempé de sang. Le cavalier tombe, se fait recevoir par un coup de hache du grand Faraïak. Je me retourne sur le dos. On me marche dessus. Je protège mon visage, on me croit mort ? J’étouffe. Je cherche de la lumière. Du sable rentre de partout. Je me noie. Respirer… comment… une main… petit frère. Porkjiv me soulève, il a son visage rassurant. Il m’envoie des mots, je ne comprends pas. Je sens une pointe dans mon ventre. Ma respiration s’arrête. Porkjiv s’enlève, je m’écroule. Une dague, de l’ocre coule. Je la prends en main, bien réelle, comme la douleur. Vient il de ? Non, pas lui, pourquoi ?

Téméraire

La bataille tourne à l’avantage des Catarasiens. Nos camarades tombent comme la neige. Ils s’allongent sur le sable et ne se relèvent pas. Ils rejoignent le Sëkorkan, ces fiers guerriers. Nous reculons. Les archers nous couvrent. Ils tuent quelques ennemis, en blessent d’autres. Bientôt un Catarasien, puis deux… ils nous submergent. Ma hachette vole dans tous les sens. Je sens une lame se plonger dans mon épaule. J’hurle, je m’empare de la douleur, me fond dans la rage. J’attrape le bras porteur de la lame. Je lui broie le poignet, je boirais son sang à ce värg, ma hachette lui décalque le casque. Je m’empare de sa lame. J’ai deux fois plus d’armes, je suis deux fois plus féroce. L’autre se jette sur moi, protège son gars, il ne peut rien face à mon adresse. Ma martialité l’emporte, les deux au sol. Je faiblis, le contrecoup. Je recule encore. Je tourne la tête, Père se tient avec nous.

Fourchu

C’est un massacre. Leur préparation est exemplaire. Le conte Garos doit être satisfait. Ils vont nous massacrer, feront ils des prisonniers ? Je viens de signer la fin de ma dynastie. J’ai envoyé mes enfants à la mort, ou plutôt au Sëkorkan. Je combattrai dignement jusqu’au bout. Je sors de la ligne, on racontera mes dernières glorieuses minutes. J'abat ma hache sur un pecno, j’en attrape un deuxième. Au sol, j'abat mon poing. Mes vieux os se fracassent contre l’acier de son casque. Une piqûre sur mes côtes, profonde. Du froid atteint mes entrailles. La glace se répand. Des vagues aigus dans les oreilles, la tête qui tourne, tout noir, odeur de la mort.

Téméraire

Et soudain, je deviens dirigeante. Déjà que mes hommes meurent d’angoisse, pas tous ne partagent mon zèle. Me rendre ? Continuer à combattre ? Le choix est rapide, limpide. Faraïak se transforme, comme lors de la bataille de Fjardä, il se lance dans la ligne ennemie, en abat cinq. Il paraît immortel : c’est le moment.

“ Formatiooooooon !”

Que j’hurle, vite repris par les Väräm alentours. Körk lui-même devrait entendre les terribles rugissements que nous poussons à ce moment. Nos lanciers passèrent leurs armes entre nous, en première ligne. Les archers encochèrent et décochèrent dans les airs en synchronisation parfaite, éliminant les arrières Catarasiennes. Nous avançons, sans peur. La foi nous guide, les Hvorsorm subsisteront, j’en fais le serment devant Herkya. Nous perdons beaucoup de frères, cependant le rythme imposé par l’ennemi se trouve brisé. Mieux, ils reculent.

“ En avaaaaaaaaant !”

Tactique de massacre. Des Väräm assoiffés de chairs accourent comme des bêtes enragées sur les piteux de Cataras. Ils chialent, ils hurlent, ils pleurent et supplient. Le Conte Garos s’élance sur son cheval, deuxième vague. L’impossible se produit, les lignes tiennent bon, mes frères prennent les ailes, les enferment. J’entends des hurlements de joie, le conte a dû tomber. C’est la fin. Certains déposent les armes. Une victoire éclair.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire C.K Renault ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0