Chapitre 8

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J'entendis d'abord des sons étouffés puis, à mesure que j'émergeais, les bruits se firent plus distincts. Un placard qu'on referme. Une casserole. De l'eau qui coule. J'ouvris lentement les paupières et fronçai les sourcils. Il me fallut encore quelques secondes et la vision de cet affreux bahut pour me souvenir que j'étais chez mes parents. Un gros plaid était remonté sur moi. Je me dégageai, bien malgré moi, de sa douceur, afin de me redresser pour remettre un peu d'ordre dans mes idées.

Après que ma mère ait regagné sa chambre la veille au soir, Olympe et moi avions migré dans le salon. La gosse avait parcouru des doigts les rayonnages de la bibliothèque et dégoté de vieux albums photos. L'envie de les lui arracher des mains pour les remettre à leur place m'avait heurté un instant. Pourtant, je l'avais laissée faire mais avais fermé les yeux. J'espérais ainsi lui signifier que j'étais bien résolu à ne pas prendre part à cette incursion dans mon passé familial. A vrai dire, j'avais eu peur de me confronter à de nouveaux souvenirs. Je ne me sentais pas prêt.

Olympe tournait les pages en silence. Seuls le froissement des feuillets et le pendule de la comtoise troublaient ce semblant de calme. J'avais ouvert un œil pour voir où en était la gamine. Elle passait plusieurs secondes sur chaque cliché, comme pour être certaine de ne rien louper. Je l'avais vue froncer les sourcils avant de se tourner vers moi.

Elle avait hésité un instant puis murmuré « Tu dors ? »

Ce qui était sorti de ma gorge ressemblait plus à un grognement qu'à une quelconque réponse, pourtant ça ne l'avait pas découragée.

« Là, c'est toi, n'est-ce pas ? Et là qui est-ce ? »

Rave. Évidemment.

J'avais répondu avec détachement, comme je l'aurais fait avec n'importe quel autre enfant. Mais elle avait encore demandé : « C'est à elle le carnet ? » J'avais simplement soufflé « oui » et, à mon étonnement la gamine n'avait pas renchéri.

Je secouai la tête pour revenir au présent et me levai pour rejoindre ma mère à la cuisine.

  • Bonjour mon grand.

Je lui déposai un baiser sur le front.

  • Du café ?
  • Oui merci. T'as dormi un peu ? demandai-je.
  • Un peu oui. Il le faut bien.

Elle s'affairait comme à son habitude, me versa du café dans un bol, plongea deux tartines dans le grille-pain avant de ramasser les miettes tombées sur le plan de travail. Elle me donnait le tournis.

  • Tu veux pas t'arrêter deux minutes ?

Elle me considéra un instant avant de récupérer les tartines sur lesquelles elle étala de la confiture de prunes. Ma préférée. Elle me les tendit puis, enfin, s'assit. Elle lissa la nappe et fit glisser je ne sais quelle miette dans ses mains. Je compris alors que s'occuper l'empêchait de ressasser.

  • A quoi je pourrai t'aider aujourd'hui ?
  • Je ne sais pas, c'est dimanche, on ne peut pas faire grand chose avant demain tu sais.

J'aurais aimé avancer le temps. C'était bien la première fois.

  • Je vais aller à la messe de 10h, je pourrai peut-être déjà voir deux, trois choses avec Thérèse pour ce qui concerne la cérémonie religieuse.
  • Ok.

Olympe nous rejoignit et nous salua.

  • Bonjour Oly. Bien dormi ?

La gamine acquiesça.

  • Tu prends du café ? interrogea de nouveau ma mère en se relevant.

L'occasion pour elle de se remettre en mouvement.

  • Je voudrai qu'on dise quelques mots à l'enterrement. Tu peux t'en charger Hector ? Je ne pense pas être capable d'écrire quoique ce soit. Encore moins de le lire...

Je bottai en touche.

  • Papa n'était pas très bavard. Il n'aimait pas non plus être au centre de l'attention alors peut-être que..
  • Et bien moi je veux qu'il soit au centre de l'attention ! Je veux qu'on se rappelle de l'homme qu'il était !

Elle avait crié.

  • Tu peux le faire oui ou non ? demanda t-elle d'un ton las.
  • Je peux le faire moi, si vous voulez, proposa Olympe.

Nous la regardâmes, aussi surpris l'un que l'autre.

  • Je peux lire votre texte.

La gamine me regarda avant de rajouter.

  • Je peux vous aider à l'écrire aussi. Vous me direz ce que vous voulez mettre dans le texte et....on peut faire ça ensemble.
  • On...on peut...oui. Hector ?

Je me raclai la gorge.

  • Euh...oui.

Quelle âge elle avait déjà cette gamine ?


Je proposai à ma mère de faire la vaisselle pendant qu'elle se préparait pour l'office. Puis, quand elle fut prête, Olympe l'accompagna. J'en profitai pour faire un saut chez moi.

J'habitais à seulement cinq kilomètres de chez mes parents, dans la maison de mon grand-père. C'était un homme un peu bourru mais, moi je l'aimais bien. Derrière son air renfrogné et ses gestes rudes se cachait un homme bon, au cœur d'or. Il avait toujours vécu seul, ma grand-mère étant morte en mettant au monde mon père. La solitude ça rend parfois maladroit.

J'adorais venir lui rendre visite. Et je crois qu'il aimait bien que je vienne aussi. Je l'accompagnais dans son établi et je l'observais transformer toutes sortes d'objets. Il maniait aussi bien le bois que le métal. Il réparait tout et n'hésitait jamais à dépanner ses voisins, ceux qui avaient compris que le cœur d'un solitaire apporte toujours de beaux éclats de lumière.

Il avait toujours de belles histoires à me raconter, celles d'un passé qu'il se plaisait à magnifier. Il m' a partagé un peu de lui, un peu de mon père, un peu de leur vie.

C'est ce que je cherche chaque jour à retrouver à l'intérieur de cette maison.

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