Chapitre 7

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« J’ai tenté de sauver ma mère, de la tirer des flammes qui s'approchaient de son corps mais elle était déjà morte…

En revenant à la maison quelques jours plus tôt, j’avais compris que l’héroïne avait gagné la partie, que ce n’était qu’une question de temps avant que son regard cerné de noir, déjà vide d’espérance, ne s’éteigne pour de bon. J’avais quand même eu l’infime espoir que mon retour la tire du gouffre dans lequel elle était tombée. Il fallait qu’on parte toutes les deux, le plus loin possible. Partir, pour recommencer à zéro. La drogue, plus offensive que moi, ne m’en a pas laissée l’occasion.

Près d’elle, une amie – sa petite amie du moment – gisait, morte elle aussi. Elles s’étaient offert leur dernier bad trip. Je suis restée quelques secondes, agenouillée près d’elles, ne sachant quoi faire. Je sentais le souffle chaud des flammes sur ma peau, et j’attendais que des larmes coulent sur mes joues pour me soulager, à la fois, de cette brûlure et de la peur qui m’étouffait le coeur. Car cet incendie n’avait pas été causé par la simple négligence de deux junkies. Il avait été allumé pour m’atteindre moi. Pour être sûr que mon corps soit aussi mort que l’était mon âme.

Seulement, il y avait en moi, plus de vie que dans n’importe quel autre coeur qui bat.

Et c’est au nom de cette vie que j’ai fait croire à ma mort ! J’ai retiré mon bracelet et l’ai passé autour du poignet de cette pauvre fille endormie près de ma mère. Puis, j’ai quitté la maison. Une chance qu’elle fusse isolée, en bordure de forêt. J’ai couru aussi vite que j’ai pu, sentant ma respiration s’ asphyxier par l’angoisse qui m’étreignait. Enfoncée au plus profond de la forêt, je me suis écroulée au pied d’un arbre au tronc cabossé. Là, enfin, j’ai pleuré. De douleur, de rancoeur, de terreur. Je me revoyais, toute petite, observant les ombres de la nuit qui tapissaient les murs de ma chambre et semblaient avancer vers moi pour m’avaler. Je l’appelais : « Papa ! Papa ! » mais Papa n’était pas là. J’ai pensé à Francis qui ces derniers jours, avait tout fait pour le remplacer, allant même jusqu’à s’exposer. Il n’avait pas hésité à être ce père prêt à tout pour me protéger. Mais, il ne méritait pas que ma vie de malheur ne s’abatte sur lui. Marianne et toi non plus. Le flash d’une enveloppe sur laquelle figurait l’adresse de mon père m’a ramenée à la réalité. Je me suis redressée. J’ai repris ma course pour le rejoindre, pour qu’il me protège du monstre à mes trousses. Pour qu’il protège aussi l’enfant que je portais. »

J’entrai lentement dans le passé de Rave tout en gardant un pied sur le seuil du secret qui l’avait poussée à s’en aller. Qu’est-ce qui la terrorisait à ce point ? Qui était ce monstre ? Que lui voulait-il ? Il me semblait que jamais je ne saurais qui c’était. Rave m’avait promis de m’expliquer contre quoi je me battais, pas contre qui. Au milieu de ces interrogations, un point confirmait l’information reçue de ma mère : mon père, lui, savait.

J’enfouis les feuillets et l’enveloppe sous mon matelas et sortis de ma chambre à pas de loup. Dans la nuit sombre, qu’une lune, pleine et ronde, éclairait, je traversais la cour pour me rendre dans l’atelier de mon père. Nous n’avions jamais touché à rien, laissant son âme errer autour des pâtes de verre et réchauffer la pièce qu’un foyer en fusion attisait autrefois. S’il avait caché quoi que ce soit en rapport avec cette histoire, c’est là que je le trouverais.

La lumière m’agressa lorsque je l’allumai. Aussi, préférai-je l’éteindre au profit de la lampe à pétrole posée sur le vieil établi. Une fois la mèche embrasée, sa lueur dessina un halo jaune autour de moi, suffisant pour éclairer l’endroit où je me trouvais. Je fis un tour sur moi même, pour juger des différents endroits où chercher. De nombreuses caisses d’outils en tous genres encombraient un coin de l’atelier. Il y avait aussi de longs casiers, semblables à des vestiaires industriels, et bien sûr les tiroirs de l’établi. C’est par là que je commençais. Des croquis, des notices, des factures à demi effacées jonchaient l’intérieur des tiroirs. Rien qui ne vaille un coup d’oeil plus poussé.

— Qu’est-ce que tu fais ?

Je sursautai.

— Putain, Olympe ! Tu m’as foutu la trouille !

— Désolée.

Elle haussa les épaules et s’approcha de moi.

— Qu’est-ce que tu cherches ?

— Un bidon d’essence.

Elle plissa les yeux.

— Dans un tiroir ? À une heure du mat’ ?

Putain ! Pourquoi j’avais pas hérité d’une gamine de cinq ans ?

— Je sais que le bidon n’est pas dans le tiroir. Je voulais juste le numéro du gars…

— Quel gars ?

— Celui qui a la tondeuse !

— Tu peux pas être plus clair ?

— Et toi, t’es obligée d’être aussi curieuse ?

Un partout. Balle au centre.

— Je sais que tu mens, me lança t-elle. Francis savait quelque chose et tu fouilles pour trouver. Pas vrai ?

Je réfléchis un instant à la réponse que j’allais lui donner et lui répondit en la regardant droit dans les yeux.

— Francis ne savait rien. Et je ne fouille pas.

— Tu veux juste le numéro du gars…

— Voilà.

— Celui qui a la tondeuse...

— C’est ça.

— Pour qu’il te retrouve ton bidon.

— Tu m’emmerdes Olympe.

Elle sourit, satisfaite d’elle.

— Et toi, t’en es où dans tes fouilles ?

Elle mit quelques secondes à me répondre comme si, elle aussi réfléchissait à la réponse qu’elle allait me donner.

— Nulle part.

Elle mentait. Une lueur venait de s’allumer au creux de ses yeux.

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