Chapitre 10

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Emmitouflé dans la pénombre de ma chambre, j’ouvris l’album photo de mon téléphone pour découvrir la bonne dizaine de cartes postales qu’Olympe avait pris soin de dissimuler sous son matelas. Je devais d’ailleurs songer à changer de cachette.

Les clichés étaient plus ou moins flous, représentatifs de la précipitation dans laquelle je me trouvais à ce moment là. Je zoomai en pestant de ne pas parvenir à déchiffrer l’écriture qui s’étirait devant mes yeux. Je les plissai davantage, cherchant à travers ces lignes, les mots qui auraient pu être les premiers de toute cette correspondance. Je trouvai.

« Cher Francis,

Seul un père peut imaginer la douleur d’un autre quand celui-ci se trouve face à la mort. Je veux que vous sachiez que le reive n’a pas pris fin. »

Ce qui aurait pu être une horrible faute d’orthographe m’apparut en réalité comme une révélation habilement dissimulée. Même ma dyslexie n’était pas tombée dans le panneau. Le père de Rave avait voulu signifier au mien que sa petite protégée était toujours vivante. Pour quelle raison ? Une simple sensibilité à la douleur paternelle suffisait-elle à divulguer ce secret ? Et ma mère dans tout ça ? Était-il insensible à sa peine à elle ? Non, cet homme avait agi dans un but précis.

Évidemment, je ne disposais pas des réponses de mon père. Fais chier ! Ce sont ces lettres à lui qu’il m’aurait fallu trouver pour découvrir les informations que Rave retenait et connaître le fin mot de cette histoire. Était-il possible qu’Olympe les ait en sa possession ? Je doutais que Rave lui ait laissé ces courriers à portée de main.

Je décidai de poursuivre mon inspection des messages. Peut-être que l’un d’entre-eux rebondirait sur une phrase envoyée par mon père. Peut-être qu’il saurait me laisser entrevoir ce qui m’échappait. Peut-être qu’avec un peu de jugeote je saurai percer le mystère que voilaient ces lignes. Par d’habiles tournures de phrases, les autres messages rendaient compte de la vie paisible que semblait mener Rave auprès de son père. Ils mentionnaient même la naissance d’Olympe et l’enfant qu’elle devenait.

Ainsi mon père avait toujours su. Je ne pus réprimer la boule de rage qui enflait à l’intérieur de moi. Pourquoi ne nous avait-il jamais rien dit ? Pourquoi m’avait-il laissé me noyer dans mes souvenirs ? Pourquoi mes parents avaient toujours tant fait pour les autres sans se douter que j’avais moi aussi mes propres manques, mes propres souffrances… ?

Une larme se pointa au coin de mon œil. Elle ne coulerait pas ! J’avais appris à contenir ces perles de tristesse qui me rendaient vulnérable et pathétique. Je préférais les collectionner au creux de moi. Avec le temps, elle s’asséchaient et creuser un lit dans lequel endormir ma rage.

Je balayai du doigt les deux dernières photos. Elles devaient être les ultimes cartes de cette correspondance.

« Gardez à l’œil l’afreux corbeau. »

« Merci pour tout ce que vous avez fait au nom de ce reive que vous avez pris soin de préserver. »

Cette dernière phrase retint toute mon intention. J’avais l’intime conviction que mon père était allé plus loin que ne laissait entendre cette histoire. Mais jusqu’où ce simple souffleur de verre, avait-il pu aller pour protéger Rave ? Mon esprit en venait à noircir encore davantage les lignes que je lisais. J’imaginais mon père au coin d’une rue assombrie par la nuit, les mains enfouies dans les poches de sa parka kaki, le haut du regard dissimulé par le tissu de son béret, à guetter le corbeau, à le suivre et le traquer. Je l’imaginais revenir dans notre foyer, les mains ensanglantés, et pleurer. Du mal qu’il avait accompli, du bien qu’il avait cru réaliser.

Cette histoire me rendait fou. Chaque ligne que je découvrais ne m’apportait que des questionnements supplémentaires et me plongeait dans des délires incommensurables. J’avais pourtant espéré y trouver les réponses qui m’éviteraient de replonger dans le récit de Rave. Qui avait réellement envie d’aller lire une vérité qui foutrait sa vie en l’air ? Car c’était ce qu’elle m’avait promis : qu’après cela, mon monde s’écroulerait.

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