Prologue
Nuit orageuse, au pied d’un immeuble de style osmanien qui se dessine vaguement dans le ciel gris d’un quartier chic de la ville. Sous une pluie battante, sur le trottoir, à la lueur d’un réverbère, un homme grand, un peu rondouillard et dégingandé est prostré seul dehors, les bras ballants, dégoulinant et immobile dans la nuit sombre. Il fixe une fenêtre allumée en haut du bâtiment. Alors qu’un éclair illumine la rue, on aperçoit son visage déconfis. Il pleure, ses larmes se mêlant à l’eau qui tombe en trombe du ciel, visiblement en plein désarroi, solitaire et meurtri.
STOP ! Arrêt sur image.
OKAY ! Reprenons depuis le début !
Le pauvre type tout trempé et désespéré... c’est moi.
J’me présente, j’m’appelle pas Henri, mais j’aimerai bien réussir ma vie quand même ! Moi c’est Bryan. Ouais je sais, c’est un prénom de Kassos. C’est pas faux d’un sens, vu que mes parents viennent de la cité. Mon père, ce grand Black très mince et drogué, dealer à ses heures perdues et plein d’autres choses pas très clean, a mis en cloque ma daronne à l’âge de 16 ans. Une jeune fille blonde très jolie mais pas très maline, même très naïve je dois dire, à qui mon abruti de géniteur n’a attiré que des emmerdes. Amoureuse, elle a marché dans toutes ses combines, et cela l’a détruite. A tel point que j’ai été placé à l’âge de 6 ans en famille d’accueil, à la suite d’une altercation entre bandes rivales dans laquelle je me suis retrouvé malgré moi à cause de mon daron, et qui m’a valu une belle balafre au coin de l’œil. Après ça, ma mère a commencé à se soûler, en tête à tête avec sa bouteille de vodka, et mon père a été incarcéré pour la deuxième fois déjà depuis ma naissance. Cela dit, j’ai vite appris à me débrouiller seul avec ces histoires. Aujourd’hui, je vois très rarement ma mère, qui passe plus de temps en cure de désintoxe que dans son logement. Et l’autre taré ? Il doit probablement se la couler douce en prison, au milieu de ses congénères, après une énième arrestation.
Quant à moi, que dire ? Vous devez penser que comme je suis métisse, je suis un beau mélange des races, comme dit le dicton. Et bah non. Je n’suis pas très beau au contraire, du style quelconque dirons-nous. Dans la moyenne basse, je dirais même. J’ai un pif écrasé comme celui des boxeurs professionnels et hérité des gènes africains de mon daron, des petits yeux de drogué aussi hérités de mon géniteur, des cheveux bruns bouclés et hirsutes que je peine à dompter (encore un héritage du paternel), une bouche trop grande pour mon visage et les dents du bonheur à c’qu’on dit. Ça, c’est du côté maternel en revanche. Mais à l’heure où je vous parle, le bonheur, il est hyper loin pour moi, vous l'aurez compris... En plus de ça, j’suis pas comme qui dirait musclé, mais plutôt costaud dans le sens rond. Je n’dis pas que je n’ai pas de force, hein ! Au contraire, même ! Mais disons que je protège mes muscles sous une couche de graisse raisonnable quoi. Pas la bedaine du vieux mec qui boit trop de bière, non. Je suis juste rond de partout. Je ne sais pas de qui j’ai hérité ça cependant... Et pour parfaire le tout, j’ai encore ma cicatrice à l’œil, qui me cisaille de l’arcade jusqu’au bord de la joue. Scar version loupé de peu. Bref, j’ai pas vraiment tout pour plaire.
C’que j’fous sous la pluie en pleine nuit à me lamenter comme un imbécile ? Ah, ça ! C’est une bonne question ! Pour que vous compreniez, il faut remonter un peu dans le temps.

Annotations
Versions