5 - Onze mois avant - Début du Commencement

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Alice m’envoie des SMS tous les jours désormais. Elle semble visiblement ravie de notre première soirée, et compte bien renouveler l’expérience, apparemment. Moi, je freine un peu. J’avoue que j’appréhende le moment fatidique. Et si elle souhaite aller plus loin ? J’parle de… Bref. Vous m’avez compris. Mais, ce jour-là… Est-ce qu’on finira chez elle ou chez moi ? Enfin… Mon prétendu chez-moi, du coup… Je suis face à un sacré dilemme, moi qui ne rêve que d’elle depuis mes 15 ans. Pour une fois que j’ai une opportunité avec une bombasse pareille ! J’espère ne pas tout gâcher avec ma connerie…

#

Ce midi, Samia et moi on déjeune ensemble dans le square, comme tous les vendredis. Enfin… Déjeuner, c’est un bien grand mot pour nous. Disons sandwichs et chips, à la va-vite. Elle n’a que 30 minutes de pause, et moi j’ai le trajet jusqu’à mon chantier en plus. D’habitude, j’ai pas vraiment le temps, mais une fois par semaine, j’ai droit à une pause un peu plus longue qui me permet de la rejoindre.

Bref. On bouffe donc nos sandwichs pas très diététiques assis comme deux braves sur un banc, quand arrive le truc improbable.

— Bryan ? m’interpelle une voix féminine et sensuelle.

Mais naann !

— Alice ?! Bah ça alors ! Faut l’faire quand même, de se croiser ici, non ?

— Bah carrément ! Tu dois être Samia, c’est ça ?

— Ouais… grogne Samia à côté de moi.

— Je n’vous dérange pas ?

— Non, bien sûr que non, voyons ! je m’empresse de répondre avant que ma pote ne devienne désagréable.

— Vous êtes en plein casse-croute, à ce que je vois !

— Bien vu, l’aveugle ! ricane une Samia d’humeur taquine.

— Euh… Ouais ! De temps en temps, je rejoins Samia pour déjeuner ensemble. On s’fait un truc vite fait, vu qu’elle a pas beaucoup d’temps. Hein, Sam ?

— Ouais… On profite de l’air pure, grommelle-t-elle en mordant dans son sandwich.

— Ah oui, d’autant que d’habitude, tu dois probablement déjeuner enfermé avec des clients importants mais un peu barbants, toi, Bryan, non ?

Eh merde…

Samia me lance un regard incrédule, les yeux écarquillés et les sourcils relevés.

— Ouaiiis, mais faut pas oublier les amis pour autant, tu sais.

— C’est tout à ton honneur ! minaude Alice, un petit sourire en coin.

Je sens le regard noir de Samia qui me transperce. Elle fulmine.

— Et toi ? Qu’est-ce que tu fais ici ? je me hâte de lui demander pour détourner la conversation.

— Oh rien, j’me promène…

— T’as mangé ?

— Je mange rarement le midi.

— Ah bon ?? je m’offusque.

— Oui… Faut parfois faire des sacrifices pour garder la ligne ! » lâche-t-elle un peu gênée.

Samia manque de s’étrangler avec une chips.

— Mais… Mais tu es parfaite ! T’as pas besoin d’ça, voyons !

— T’es trop mignon ! glousse Alice, flattée. Mais pour ressembler à ça, faut bien que je fasse attention quand même ! Tu dois connaitre ça aussi, Samia, non ?

Cette fois, ma pote s’étrangle vraiment. Je lui tapote le dos et elle me repousse violemment.

— Nan, j’connais pas parce que j’m’en fiche, moi, de l’apparence, crache-t-elle.

— Ah… Oui… Ça s’voit… murmure Alice en la dévisageant de la tête aux pieds.

Un frisson de panique me traverse. Je sens que Samia est sur le point d’exploser, et si ça pète, elle va gâcher toutes mes chances avec Alice.

— BIEN ! j’interviens rapidement. Oooh ! Mais t’as vu l’heure, Sam ? Tu vas être à la bourre si ça continue !

— Hein ?! Mais il est même pas…

— Bah ouais ! Pfffioou ! Midi vingt, dis ! Dépêche-toi, ton patron va gueuler !! Allez !! Hop hop hop ! File !

Et je la pousse gentiment du banc. Elle me jette un regard de killeuse mais obtempère, la bouche encore pleine. Je vais devoir me faire pardonner ce soir…

— Elle a pas l’air commode, ta pote ! ricane doucement Alice.

— Euh, ouais, non, c’est juste que… ‘Fin, son patron la fait un peu chier en c’moment, alors elle est pas trop d’humeur… mais en vrai, elle est super sympa, hein ! Faut la connaitre, quoi.

Un silence pesant s’installe entre nous. Dis quelque chose, Bryan !

— Tu…

— Je peux t’accompagner jusqu’à ton chantier ? me coupe-t-elle sans le vouloir.

— Euh… Ouais ! Ouais, carrément ! Avec plaisir !

Et c’est donc en compagnie de ma belle blonde que je reviens sur le chantier. Les collègues reluquent ma nana sans vergogne, et je fanfaronne discrètement, fier comme un paon.

— Voilà. C’est ici, je lui dis à l’entrée des barrières de sécurité.

— Tu construis quoi ?

— Un centre commercial.

— Waouh ! C’est toi qui a fait les plans ?

— Euh, non, j’suis pas architecte, hein !

— Ah oui, pardon…

— Mais… J’ai vu les plans avec lui, ouais. J’lui dis quand ça va pas, quand c’est pas faisable, et tout !

— Trop bien ! Tu me présentes pas tes employés ?

— Hein ?! Euh... J’préfères pas... J’aime pas mélanger vie privée et vie professionnelle, tu vois ? Pis, ils ont du taf, hein !

— Ah... Oui, j’comprends. Bon… Bah… Je vais te laisser bosser alors ! A bientôt !

Et elle me dépose une bise tendre sur la joue, juste à côté de mon bouc. Mon cœur fait un triple salto arrière double axel piqué. Le rouge me monte aussitôt au visage. Je pose mes doigts à l’endroit magique où ses lèvres ont rencontré ma peau, tout penaud, avant de la regarder s’éloigner, l’âme en fête.

— Eh bah, mon salaud ! me hèle un de mes collègues lorsque je les rejoins. T’as pas choisi la plus dégueu’ !!

#

Je suis sur un petit nuage tout le reste de la journée. Je n’en reviens toujours pas ! Elle m’a embrassé !! MOI !!

Oui, bon… Ça va… « Embrasser » … Sur la joue, oui. Ouais, bah c’est déjà ça, hein ! Quand on n’est pas gâté par la nature comme moi, on se contente de peu.

En rentrant ce soir-là cependant, je redescends aussitôt d’un étage. Samia m’attend, les bras croisés, fermement décidée à m’en mettre plein la tête.

— J’crois que tu m’dois quelques explications, Bryan ! siffle-t-elle lorsque je passe le pas de la porte de notre appartement.

— *soupir* J’me doutais qu’tu m’attendrais…

— Alors comme ça on déjeune avec des clients importants, Môssieur Gonzague ?? clame-t-elle. C’est vraiment trop aimable à toi te penser quand même à ta pôvre pote DE TEMPS EN TEMPS !

— Attends, j’vais t’expliquer…

— Ouais, j’aimerai bien, OUAIS !!!

— C’est un malentendu…

— TU M’EN DIRAS TANT !

— Mais… laisse-moi finir, merde ! C’est Alice qui m’a mal compris, en fait.

— Ah, vraiment ??

— Bah oui, j’te jure ! La première fois qu’on s’est revu, on a parlé de nos boulots respectifs. Et quand j’ai dit qu’je bossais dans l’BTP, j’crois qu’elle a cru que j’étais, genre… Un chef de chantier, ou un responsable de projet, un truc dans l’genre, tu vois ?

— Et toi, t’as pas dit l’contraire, bien sûr…

— Elle m’en a pas vraiment laisser le temps, pour être honnête…

— Bah voyons !

— J’te jure que c’est vrai !!

— PUTAIN, BRYAN !!! Mais pourquoi tu lui as pas expliquer après, dans c’cas ?

— J’sais pas… C’est p’t-être mieux qu’elle pense que j’suis quelqu’un d’important plutôt que de lui avouer que j’suis juste un sous-fifre insignifiant… je marmonne, la tête basse.

— Mais… pffff, soupire ma pote, en se radoucissant. Bryan… T’as pas à avoir honte de c’que tu fais, enfin ! Pis franchement, démarrer une relation sur un malentendu, sérieux… Tu vas t’fracasser la tronche, mec !

— Ouais, j’sais… Mais j’arrive pas à lui dire la vérité… C’est trop la honte.

— Si elle tient vraiment à toi, elle s’en fichera de c’que tu fais comme job. Tu dois pas rester sur un quiproquo comme celui-là si tu veux vraiment t’mettre avec elle. Ça finit toujours mal, ce genre d’histoire.

— Je sais…

Je le sais, mais je ne crois pas être capable de revenir en arrière, désormais… J’ai bien trop peur qu’Alice me méprise et me rejette ensuite, comme quand j’étais ado…

Franchement ! Pour une fois qu’une nana comme elle s’intéresse à moi… vous y croyez, vous ?? Vous croyez franchement que j’aurais l’occasion de retrouver quelqu’un comme elle avec ma tronche et mon physique de camionneur ? Non, je ne peux pas laisser passer ma chance… J’ai tellement envie que ça marche, entre elle et moi.

Mais ça… Je ne le dirais pas à Samia. Alors bêtement, je lui promets – les doigts croisés dans le dos – que je vais tout dire à Alice très vite.

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