6 - Dix mois avant - Le Vrai Rencard

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Notre relation s’améliore de jours en jours, avec Alice. Et je ne lui ai toujours rien dit de mon véritable travail. On s’écrit beaucoup, et les conversations deviennent plus intimes entre nous. On parle de beaucoup de sujets différents, et aussi de nos ressentis. Je la complimente tout le temps. Je la fais rire autant que possible. A défaut d’être beau, j’ai au moins un truc qui séduit un peu les nanas. Elle dit qu’elle me trouve drôle justement. Pourquoi risquer de tout faire capoter, alors que cela évolue dans le bon sens ? Moi, je veux simplement la voir et passer du temps avec elle. Et à priori, elle aussi.

Quelques semaines après, elle me fixe donc un nouveau rendez-vous.

Mais cette fois, pas de café, on passe directement au restaurant. Un vrai date quoi ! Et moi, je flippe ma race !! Un rencard dans un restau, c’est la conclusion assurée, non ? Diner aux chandelles, et tout c’qui va avec, je suppose aussi ! Avec la suite…

Putain, c’que j’flippe !!!

Comment je vais faire si ça commence à chauffer entre elle et moi ? OK. J’aviserai en conséquence le moment venu, tant pis. Allez ! On y croit, Bryan ! Faut assurer, cette fois ! Parce que sinon, là, c’est sûr, il ne se passera rien du tout.

Sapé comme jamais – oh ça va, hein ! – j’arrive donc au restaurant un peu angoissé. Samia m’a dégoté un pantalon de costard, prêté gentiment par le patron de la supérette casher où elle travaille. Heureusement que M. Abraham était un peu plus épais étant jeune, sans quoi je n’serais jamais rentré dedans...

Bref, j’arrive donc devant l’établissement huppé – comment j’vais payer l’addition, moi ?! – visiblement en avance. Je trépigne un peu, engoncé dans mon costume légèrement cintré et pas habitué à porter ce genre de vêtements. Ma chemise blanche, elle aussi prêtée par le vieil homme, est un peu trop petite pour moi, et je me sens saucissonné comme un rosbeef. Je suis certain que les boutons ne vont pas tenir toute la soirée, tellement je suis serré. J’essaie de rentrer le ventre pour éviter de mettre trop de pression sur le tissu, mais j’ai des doutes sur l’efficacité de ma démarche. Alors que je vérifie mon état général dans mon reflet sur la vitrine, Alice se matérialise derrière moi.

Elle est plus que magnifique. Elle porte une robe longue sirène qui met merveilleusement bien en valeur ses formes voluptueuses. A la Kim Kardashian, vous voyez ? Des fesses bien rebondies, des seins proéminents, une taille fine... Tout est parfait ! On dirait une mannequin. Et moi… Je dois avoir l’air d’un grand couillon gras et ridicule à côté d’elle...

— Bonsoir ! me dit-elle lorsque je me retourne vers elle avec un air ahuri, éblouit par sa beauté.

— Euh... Bonsoir. Tu... Tu es splendide !

— Merci ! glousse-t-elle. Tu es très élégant, toi aussi !

— Oh ! Euh... merci.

Après un temps d’arrêt où je fourre machinalement mes mains dans mes poches avant de me reprendre subitement, je lui ouvre galamment la porte et la laisse s’avancer, m’enivrant de son parfum à son passage.

Le maître d’hôtel se précipite vers nous, dévorant du regard mon invité avec convoitise, puis me dévisageant avec dédain. Il nous place à une table, au milieu d’une grande salle décorée avec goût et beaucoup de classe, sous de grands luminaires en cristal. J’attrape rapidement la chaise de ma dulcinée et l’invite à s’y assoir, devançant l’employé qui me méprise clairement maintenant. Je m’installe face à elle, et lorsqu’elle croise les bras devant elle et qu’elle se penche pour s’appuyer sur la table, je ne peux détourner mes yeux de son décolleté qui m’apparait alors avec une évidence à couper le souffle. Pétard, les nibards de malade !! Heureusement que la table n’est pas en verre et qu’elle est recouverte d’une nappe d’un blanc immaculé, car ma gaule ne serait probablement pas passée inaperçue dans mon pantalon lui aussi trop serré !

Je ne suis pas du tout coutumier de ce genre d’endroit, et tout m’impressionne. Mais je ne laisse rien paraitre, n’oubliant pas que je suis sensé être un homme important. Je déchante en lisant le menu hors de prix, cachant mon visage qui doit certainement blêmir derrière le papier glacé épais et ses tarifs avec beaucoup trop de chiffres devant la virgule.

Alice semble à son aise. Elle commande un plat au nom imprononçable et qui ne laisse absolument rien deviner de son contenu, et bêtement je la suis.

Le repas se passe divinement bien. Nous papotons, elle rit, je mange. Les plats sont délicieux, quoi que peu copieux. J’ai encore faim, mais je ne m’en plaindrais pas car je calcule déjà l’addition qui va me faire perdre un demi-salaire en une soirée. Au lieu de ça, je me nourris de la compagnie fort agréable d’Alice, et je dirais que cela me suffira pour ce soir. Elle, elle ne mange pas beaucoup. Je suppose que c’est encore par rapport à sa ligne, mais je ne lui ferais aucune réflexion, même si je reste à dire qu’elle n’en a pas besoin. En revanche, elle boit autant que moi ! Elle a fait commander du champagne, et mon porte-monnaie grince des dents. Et elle liquide ses flutes à une vitesse qui équivaut celle que je prends pour siffler mes bières habituellement.

Le temps passe vite, trop vite. Nous faisons un peu trainer le dessert, et je remarque qu’elle ne touche quasiment pas au sien. Et l’air de rien, sa main se faufile doucement vers la mienne, presque imperceptiblement. Au comble de la satisfaction, je termine le trajet qui nous sépare, et vient glisser mes doigts dans sa paume chaude. Nous prenons un café, puis nous comprenons qu’il est temps de partir. La douloureuse me fait saigner les yeux, mais tant pis. Je donnerai tout pour elle.

En sortant du restaurant, je propose une balade digestive, qu’elle accepte avec joie, malgré sa tenue peu confortable pour ce type de sortie. Du coup, je fais de petit pas, pensant l’aider à marcher plus facilement avec ses talons aiguilles et sa robe longue, mais je m’aperçois rapidement qu’elle semble plus détendue que je ne l’aurais pensé, et qu’elle me suit avec une aisance déconcertante.

Elle rit à chacune de mes blagues, me sourit à chaque fois que nos regards se croisent, le tout en se tenant fermement à mon bras. Elle est probablement un peu pompette, mais je suis aux anges. Je l’emmène ainsi jusqu’au bord de mer, où nous observons les étoiles encore une fois, enlacés l’un contre l’autre.

— Bryan... me dit-elle. Je passe une merveilleuse soirée avec toi.

— Moi aussi.

— Tu sais... Tu mérites d’être connu, et je m’excuse encore de ne pas avoir su le voir avant. J’étais jeune et un peu naïve. Je n’ai pas su voir quel homme formidable tu devais déjà être à l’époque. Aujourd’hui, je le vois. Tu es un homme adorable, drôle, doux, généreux, ...

— Oula ! Tout doux ! J’vais finir par le croire, si tu continues !

— Mais c’est pourtant vrai ! Je suis vraiment ravie de t’avoir retrouvé, et... L’homme que tu es devenu me plais beaucoup, je dois dire...

Wow !! Mon cœur bat la chamade ! Il va sortir de ma poitrine, si ça continue ! Bah dis quelque chose, grand nigaud !!

— Toi, tu m’as toujours plu, en vérité...

Elle esquisse son plus beau sourire, plonge ses yeux dans les miens et finit d’achever mon pauvre cœur en fête. Alors, elle se penche lentement vers moi, tend légèrement le cou avant de lever son menton et de m’offrir ses lèvres. Mais elle s’arrête à quelques millimètres de moi, attendant sûrement que je fasse le dernier pas. Je sens que je tremble, mais je n’aurais pas d’autre chance. Je m’avance donc et vient poser délicatement ma bouche sur la sienne.

Notre échange est d’abord doux, timide. Et soudain, elle passe ses bras autour de mon cou et m’attire à elle avec ferveur, son baiser devenant plus pressant et fougueux. Je sens sa peau contre la mienne, sa chaleur, son parfum qui m’enveloppe... C’est incroyable ! Elle m’embrasse, moi ! Et avec beaucoup d’ardeur en plus ! Ses lèvres sont si délicieuses…

Cela ne dure que quelques minutes, mais j’ai l’impression que le temps s’est arrêté. Et alors que la température augmente clairement entre nous, brusquement, elle se redresse, me relâchant d’un coup sec.

— Bryan... susurre-t-elle, le souffle court. On va chez toi ?

Hein ?!! Oh bordel !

— Euh... Pour quoi faire ?

— Tu veux que j’te fasse un dessin ? me répond-elle, les yeux pétillants de désir.

Bah oui... Evidemment... Couillon...

— Non... Bien sûr... ‘Fin, non, j’veux dire, non !!

— Non ?? Mais... Pourquoi ?

Bah oui, c’est vrai ça ! Hein, Bryan ?! Pourquoi, dis ?? Pfff... Vas-y, rames maintenant...

— Parce que... Parce que j’ai pas envie d’passer pour un goujat.

— Un... Goujat ???

— Oui. ‘Fin, j’veux pas qu’tu crois que je n’attends qu’ça, tu vois ? J’veux pas qu’tu penses que j’sors avec toi juste pour te foutre dans mon pieu, voilà tout.

Alice me fixe d’un air incrédule. Elle semble ne pas comprendre ma réaction, et moi, je la comprends.

— Tu... Tu n’as pas envie, c’est ça ?

— Hein ?! Mais non, c’est pas ça !! J’en ai envie, bien sûr !! Mais je n’veux juste pas qu’tu crois que j’suis avec toi que pour ça, voilà ! Alors je préfère pas le faire le premier soir...

— Mais c’est pas tout à fait notre premier soir, quand on y pense ! On a déjà bu un verre ensemble et tout !

— Oui, mais, non... C’était pas pareil. Là, c’est un vrai rencard. C’est vraiment notre premier rencard... Notre premier baiser, même...

— T’as pas envie de moi... souffle-t-elle, déçue.

— Mais si, voyons !!! Comment n’pas avoir envie d’une nana comme toi ?!

— Pourquoi tu n’veux pas qu’on aille chez toi, alors ?

— Et pourquoi on n'irait pas plutôt chez toi ? Hein ?

Je la vois se crisper aussitôt. Je l’ai vexé, c’est sûr.

— J’suis désolé, je reprends. Mais... j’ai des principes et… Y’a Samia, aussi…

— Samia ?! Qu’est-ce qu’elle vient faire là-dedans ??

— Elle crèche chez moi, tu te souviens ? J’voudrais pas qu’elle nous surprenne, en fait...

— Ah oui, c’est vrai… Je n’y pensais plus… Non, mais OK ! Je comprends. Pis t’as raison après tout, faut pas s’emballer. Ça sera pour une prochaine fois, d’accord ?

— Ouais... Voilà. C’n’est que partie remise, t’inquiètes pas. J’ai bien l’intention de t’prouver à quel point tu m’plais aussi, tu sais...

— Oui, moi aussi j’aimerai bien.

Son regard et son sourire équivoque en disent long sur ses intentions futures, et mon cœur va bientôt décéder.

— Bien... murmure-t-elle. Bon, eh bien... Dans ce cas... Je vais y aller.

— J’te raccompagne ?

— C’est gentil, mais je crois que j’ai besoin de reprendre mes esprits... Seule.

— Tu n’vas pas rentrer toute seule en pleine nuit, quand même ?!

— J’habites pas loin, ne t’inquiètes pas ! Je n’vais pas me perdre, ne crains rien ! Il n’peut rien m’arriver d’ici là. Et je t’envoie un message quand je serais rentrée, si ça peut t’rassurer. En tout cas, j’ai passé une excellente soirée, merci encore.

Sur ce, elle me dépose un tendre baiser sur les lèvres et s’éloigne dans la nuit, simplement éclairée par les lampadaires de l’avenue qu’elle longe. Et moi, je reste une nouvelle fois planté là, comme un imbécile.

Il faut absolument que j’me dégote un appartement digne de ce nom pour la recevoir et passer enfin la nuit avec elle !

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