9 - Neuf mois avant - Mensonges et Compagnie

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Je me crois sorti d’affaire, mais il n’en est rien...

Lorsqu’Alice revient la fois suivante dans l’appartement rue Saint Denis, tout se complique à nouveau.

— Coucou mon chéri, me susurre-t-elle en m’embrassant rapidement avant de rentrer directement dans mon logement.

— Hello mon puce. Ça été ta journée ?

— Impeccable, merci. Et toi ?

— Ça peut aller, oui.

Son regard examine la pièce avec frénésie.

— Il y a un problème, bébé ? je lui demande alors.

— Bah... Tu l’as accroché où le tableau ??

— Quel tableau ?

— Bah celui qu’on a acheté à la galerie ! Le soir du vernissage !

— Ah... Oui... c’est vrai... Heum...

— Quoi ?

— Heum... Comment te dire ça ?...

— Mais quoi, enfin ?!

— Bah... Je ne l’ai pas... le tableau...

— Comment ça, tu ne l’as pas ??? s'agace-t-elle, contrariée et suspicieuse. Ne me dis pas que tu l’as revendu ?!

— Ah non non, pas du tout !! Non, je ne l’ai juste jamais eu, en fait...

— C’est-à-dire ?

— Bah... En fait, le vendeur, M. De La machin-chose là... Bah... Il l’a vendu à quelqu’un de plus offrant...

— QUOI ?! s'indigne-t-elle. Mais c’est dégueulasse !!

— Attends, t’énerves pas...

— Bah tiens que j’m’énerves !!! Il te fait un prix d’amis et après il en profite pour finalement le filer à un autre ! Mais merde, on avait accepté son prix quand même, quoi !

— Oui mais quelqu’un lui en a proposé le double, et j’ai pas pu suivre...

— Comment ça, t’as pas pu suivre ??

Merde…

— Bah non...

— T’as pas 20 000 euros ?!

— Bon, OK ! C’est juste que j’suis pas trop art abstrait, moi…

— Mais moi je l’aimais beaucoup, ce tableau, Bryan ! geint-elle comme une gamine. Je l’imaginais super bien là, sur ce mur... J’suis déçue... Vraiment...

— Je savais pas, bébé... Et puis, franchement, moi, je n’le trouvais pas si beau que ça, ce tableau. Je préfère les peintures plus… réalistes !

— Moi c’est celui-là que j’voulais...

Et là voilà qui boude...

— Oh nan, boudes pas mon cœur ! Je la supplie en lui prenant les mains.

— Mais je l’voulais vraiment, chéri ! T’aurais pu faire un effort financier pour me faire plaisir...

— C’est les affaires, ma puce... Mais j’en avais vu un bien mieux ! Et plus grand, même !

— Et plus cher ?

— Euh… Oui, je suppose…

— Mouais... Admettons... Si tu m’en achètes un plus grand alors… !

Elle me sourit en balançant ses bras comme une enfant à qui on a promis un très gros cadeau, et finit par m’embrasser avant de sautiller jusqu’au salon, toute guillerette et satisfaite.

Bon... OK... Encore une fois dans la panade, le Bryan. Bien joué...


#

Une nouvelle fois pris dans le filet de mes mensonges, et en désespoir de cause, je me pointe le lendemain à l’épicerie de Samia.


— Tu veux que je QUOI ?! gueule Sam, outrée.

— Chuuuut !

— Nan mais t’es pas sérieux, là ??

— Sam, j’suis dans la merde, j’te dis ! Si j'trouve pas un tableau pour Alice...

— Elle va te tèje ? me coupe-t-elle en croisant les bras, l’air satisfaite.

— Arrêtes avec ça ! Non, mais elle sera pas contente d’apprendre que j’tiens pas mes promesses et j'veux pas passer pour un abruti...

— Si elle savait…

— C’est pas drôle, Sam !!

— Ah mais ça m’fait pas rire non plus, hein ! Je constate simplement ton niveau de connerie.

— Raaaah... Bon, tu vas m’aider, oui ou merde ?!

— Attends... Tu m’demandes droit dans les yeux d’aller réclamer à un pote du quartier un tableau de maître tombé du camion ou éventuellement volé, et tu crois que j’vais accepter sans aucun problème ?? C’EST NON, BRYAN ! me balance-t-elle avant de me tourner ostensiblement le dos pour reprendre sa mise en rayon.

— Pfff... Vive l’amitié...

Oups ! Je suis peut-être allé un peu loin...

Samia se retourne lentement vers moi, et je constate qu’elle a la bouche grande ouverte, l’air outré et le regard assassin.

— PARDON ?! C’est toi qui me parles d’amitié alors qu’tu m’as planté le soir de notre soirée Netflix ??

— Oui, bon... ‘Scuse... C’est vrai qu’je suis probablement pas le mieux placé pour t’dire ça en ce moment...

— Ouais ! Carrément même ! Mais bon... Allez... J’vais faire comme si j’avais rien entendu pour aujourd’hui. En tout cas, démerde-toi comme tu veux, Bryan, mais moi je ne t’aiderai pas à t’enfoncer encore plus dans tes mensonges débiles. Et j'ai du taf, alors fous-moi la paix.

OK... Mais ça ne m’aide pas tellement, cette histoire...

Alors que je me dirige vers la sortie du magasin, les mains dans les poches et le regard perdu, M. Abraham m'interpelle. Intrigué, je m’arrête et attend qu’il me rejoigne juste devant la porte.

— Bryan ! Pfiou... Attendez, mon garçon.

— Monsieur Abraham ? Qu’y a-t-il ? Un souci de maintenance ?

— Non, tout va bien ! C’est juste... Bon, OK, j’ai entendu par inadvertance votre conversation avec la p’tite. Vous cherchez un beau tableau, c’est bien ça ?

— Euh... Oui, en effet. Mais en quoi...

— Je peux vous aider, me coupe-t-il rapidement.

— Ah bon ?!

— Oui. J’ai chez moi une vieille toile que je ne souhaite pas garder. Vous pourriez la prendre, si cela vous intéresse.

— Vraiment ?? Mais... Pourquoi feriez-vous ça ? je lui demande, l’air incrédule et légèrement suspicieux. Ne me dites pas que vous faites du recèle, quand même ?!

— Mais non, voyons ! Ma défunte femme en avait hérité il y a longtemps, et j’aimerai m’en débarrasser car elle me rappelle trop qu’elle n’est désormais plus de ce monde. Je vous propose ça pour vous aider avec votre demoiselle. J'ai cru comprendre que c’était important pour elle, non ?

— Oui, c’est vrai...

— Et bien, pourquoi vous hésitez ? Prenez-la dans ce cas ! Tenez, prenez mes clefs et allez la chercher là-haut, dans mon cellier.

— Et Samia ? Elle va piquer une crise...

— Je m'en occupe. Allez, filez ! Vite !

Je ne me fais pas prier plus longtemps, j’attrape son trousseau et file dans l’escalier qui mène à son logement, à l’étage.

Lorsque je redescends, après avoir soigneusement empaqueté le tableau dans du papier kraft et de la ficelle, je m’arrête derrière la porte qui mène au commerce et l’ouvre doucement, cherchant le vieil homme du regard. M. Abraham m’aperçoit dans l’entrebâillement, opine de la tête et se dirige aussitôt vers son employée. Je ne sais trop ce qu’il lui dit exactement, mais ce que je constate, c’est que tous deux s’éloignent du côté de la réserve, au fond de la boutique, me laissant le champ libre vers la sortie.


#

Le soir même, ma compagne refait son apparition rue Saint Denis. Lorsqu’elle passe la porte, elle semble au bout du rouleau et peu encline aux câlins crapuleux, bien que cela soit normalement la raison principale de sa venue.

— Hey ma puce ! je lui lance, l’air enjoué. Ça été ta journée ?

— Bof... souffle-t-elle en jetant sans ménagement son sac dans l’entrée avant de me rejoindre et de se laisser tomber dans mes bras.

— Et bien, j’ai une surprise qui va probablement te remettre un peu de baume au cœur !

— Ah oui ?

— Hin hin ! Viens avec moi.

Et je l’entraine par le bras jusque dans le salon, face à la cloison qui le sépare de la cuisine.

— Haaaaaannnn !!! s'extasie-t-elle, les mains entourant son visage d’ange. Tu as trouvé un autre tableau ?

— Ouaip !

— Mais... Je ne connais pas cette œuvre...

— Ah oui, euh... C’est normal ! C’est un artiste peu connu en France, mais hyper connu euh... En Colombie ! Je l’ai fait venir directement de là-bas exprès pour toi, ma puce !

— Ah oui ?! Et... Elle vaut cher ??

— Bah avec le transport sécurisé depuis la Colombie, plus la valeur de ses œuvres dans son pays... Une petite somme, oui ! »

Elle me saute littéralement dessus, folle de joie visiblement, et m’embrasse passionnément.

— Tu es un amour, Bryan !! Il est splendide ! Encore mieux que l’autre, tu avais raison d’insister !!


Après ça, elle m’a remercié comme il se doit, dans un moment encore plus torride que d’habitude.

Et voilà comment j’ai réussi à me sortir de ce pétrin ! Désormais, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !

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