12 - Deux mois avant - L'Engueulade

9 minutes de lecture

Je commence vraiment à en avoir marre des sous-entendus et des reproches de Samia. Ça va beaucoup trop loin, là ! Avec ses conneries, j’ai bien failli douter de la fidélité de ma nana ! Si elle ne m’avait pas fait son sketch aussi... Ma bien aimée a raison, il va bien falloir qu’elle comprenne qu’Alice est ma petite-amie désormais, que ça lui plaise ou non. Et ce n’est pas à elle de décider si notre histoire vaut le coup ou pas. Moi, je ne me suis jamais mêlé de ses amours, après tout ! Enfin… Pas de ses plans cul en tout cas. Quand elle a vraiment été amoureuse, elle m’en a parlé bien sûr, mais je ne me suis jamais immiscé dans son couple. Et pour le reste… Ça ne me regarde pas. Donc elle aussi, elle doit respecter ma vie privée de son côté ! Faut que j’arrive à lui en parler calmement.


Pourtant, un soir, tout est parti en vrille.

— Bryan ?

— Hmm ?

— Faut que j’te parle.

— Ah bah très bien ! Ça change de ces derniers temps…

— Très drôle… C’est important, Bryan.

— OK. Je t’écoute.

— Bryan… C’est difficile à dire, mais…

— Bah vas-y, accouche !

— OK… (elle prend une grande inspiration) Alice se fout de toi.

— Ça fait cent fois qu’tu m’le dis, j’crois qu’j’ai compris…

— Non, mais sans rire ! Bryan, j’te jure ! Elle se fout réellement d’toi, j’te dis !! J’ai des preuves, même.

— Quoi ?! Comment ça, des preuves ??

— Tu t’souviens d’Abdel ?

— Le mec avec qui tu couchais régulièrement ? Celui avec qui je t’ai surprise le jour où...

— Nan, celui qu’t’as fait déguerpir avec ta connerie d’rentrer dans ma chambre sans frapper, c’était Ethan. Lui, j’l’ai jamais revu après ça. Dommage parce que c’était un bon coup, mais bon… ‘Fin, bon, bref ! Nan, Abdel, c’est le fils du boucher, là ! C’est un pote, on baise pas. ‘Fin… Plus… Sauf quand j’ai une dette à payer… Bref ! En tout cas, le mec, c’est un crack en informatique. Il veut devenir hacker, qu’il dit. Comme s’il avait pas assez d’emmerdes avec les flics… J’lui ai dit mais il s’en fout. Il pourrait s’faire de la tune légalement mais bon…

Je comprends rien à c’qu’elle raconte…

— Hein ?!

— ‘Fin bref ! reprend-elle subitement. C’est pas l’sujet ! Tout ça pour dire qu’il a fait des recherches sur ta fameuse ALICE.

— Hein ?! Attends… T’as carrément enquêté sur elle ?? Mais t’es malade, toi !

— ATTEENNDS, roooh ! Tu sais pas c’qu’il a découvert ?!

— Si c'est pour m’dire les mêmes conneries qu’l’autre jour devant l’épicerie, c’est pas la peine… je ronchonne.

— Eh bah, j’te l’dis quand même ! Parce que, là, c’est hyper intéressant, figure-toi !

— Ah, vraiment ?! j’ironise pour tenter de faire bonne figure.

— Ouais ! Parce que sa fameuse société de produits d’beauté là, celle qu’elle dit qu’elle a monté elle-même et gna gna gna…

— Sam… je soupire.

— Oui. Bon. Bah sa société, elle marche pas si bien qu’ça, au final ! Elle est même carrément dans la merde !

— C’est-à-dire ?

— Bah les comptes sont dans l’rouge, Bryan ! Elle a plus un rond ! Que d’al ! Nada !

— Tu dis n’importe quoi…

— J’me doutais que tu m’croirais pas. Du coup, Abdel m’a imprimé le dernier relevé de comptes qu’il a cracké. Tiens. Regarde par toi-même. Faut pas sortir de Saint Cyr pour comprendre les chiffres en bas.

Je lui arrache la feuille des mains avec un regard noir. Puis je parcours les lignes rapidement, jusqu’à ceux en bas de page. Il y a un « - » devant le dernier chiffre.

— Tu vois ? renchérit ma pote devant mes yeux écarquillés figés sur le papier légèrement froissé. Sa société est quasiment en faillite, Bryan. Elle a besoin d’fric parce qu’elle gagne rien du tout avec son travail. C’est pour ça qu’elle paie rien et qu’elle te laisse tout le temps payer pour elle. En plus, elle croit qu’t’es riche, alors la belle aubaine ! Tu lui sers de porte-monnaie, en fait !

— C’est pas parce que sa boîte va pas fort qu’elle m’utilise. Ça n’a aucun rapport avec notre liaison, ça.

— Bien sûr que si, voyons ! Bientôt elle va te demander de devenir actionnaire ou associé pour renflouer ses caisses, j’en suis sûre !

— Tu dis n’importe quoi ! Elle me demanderait jamais ça !

— Alors pourquoi elle t’a pas dit que sa boîte marche pas ??

— Parce que… Bah parce que… je sais pas, moi ! Elle a honte, peut-être ? C’est pas forcément facile d’avouer que son commerce fonctionne pas comme on l’voudrait, hein ! C’est un constat d’échec, c’est pas vraiment quelque chose qu’on crie sur tous les toits ! On s’sent un peu con de dire qu’on n’y arrive pas… J’en sais quelque chose…

Pourquoi est-ce qu’elle croit que j’ai menti sur ma carrière, à son avis ??

— C’est pas tout, Bryan… ajoute Samia, l’air grave.

— Quoi encore ?

— L’autre jour, j’l’ai vu avec l’homme du bistrot…

— Qui ? Le grand, là ?! Elle m’a confirmé que c’était un client.

— Nan mais attends, c’est d’la connerie ça. Ils semblaient vraiment très proches tous les deux…

— Du genre ?

— Du genre, très, TRÈS proches. Elle le tenait par le bras et riait bêtement quand il parlait. Elle le regardait comme s’il était un dieu vivant, en battant des cils comme une midinette… Bref ! Elle le draguait clairement, Bryan ! Y’avait pas d’doutes possibles cette fois ! Sûrement une autre proie pour récupérer de l’argent…

— Pffff… C’est n’importe quoi !

— Mais puisque j’te l’dis !! Il lui a même mis la main au cul, c’est dire ! Pourquoi tu veux pas m’croire ??

— C’était un CLIENT, putain ! Évidemment qu’il va lui rapporter de l’argent !! Toute façon, j’en ai marre de tes conneries ! Je sais même pas pourquoi j’t’écoute en vrai !!

— … Quoi ?!

— Nan mais c’est vrai, merde !! Tu veux que j’me sépare d’elle, c’est tout, j’l’ai bien compris !! T’es juste jalouse de mon bonheur, en fait ! Tu ferais n’importe quoi pour que j’la quitte parce que ça t’fait chier que moi j’ai trouvé le grand amour de ma vie et pas toi !!! Et maintenant, tu t’retrouves seule comme une conne et ça t’emmerde ! Voilà la vérité !!!

— T’… T’es sérieux, là ?!?

— Bah ouais !! Pis t’es jalouse parce qu’Alice, elle attire plus les regards que toi !!

Merde… j’y suis peut-être allé un peu fort là…

— QUOI ?! explose-t-elle, folle de rage. Nan mais tu t’fous d’moi, là !! Mais j’en ai rien à foutre qu’elle soit bandante et pas moi !!! Moi au moins j’suis pas superficielle et sans cervelle !!! Ouvre les yeux, MERDE ! Ta meuf, c’est juste une chaudasse qui se sert d’sa chatte pour récupérer du fric à tous les râteliers ! Et y’a qu’toi, pauv’ couillon, qui n’le vois pas !!

— J’te permets pas !!! je m’offusque.

— MOI NON PLUS !!! T’es un connard fini, Bryan !!! J’en ai marre d’me battre avec toi à cause d’elle ! Va t’faire foutre avec ta pouf’ !! T’sais quoi ?! DÉGAGE !!! Va vivre avec ta pute dans ton SOI-DISANT appartement d’luxe qui ne t’appartient même pas !!

Sur ce, elle attrape une poignée de mes vêtements qui trainait sur le dossier du canapé et me les lance à la figure avec vigueur, puis me pousse sans ménagement vers la porte d’entrée, qu’elle ouvre avant de me chasser une bonne fois pour toute vers l’extérieur.

— ET NE REMETS PLUS JAMAIS LES PIEDS DANS MON APPARTEMENT, COMPRIS ???


Effectivement, j’y suis allé vraiment trop fort, faut croire.

Sur le coup, j’ai d’abord cru à une blague. Ou un coup de sang de sa part. Alors je suis resté planté devant la porte qu’elle m’a claqué violemment au nez, en attendant qu’elle se calme et qu’elle me demande de revenir en s’excusant. Mais la seule raison pour laquelle elle a rouvert le battant, c’est pour me balancer mon sac de voyage (plein) dans la tronche. Et j’ai dû me rendre à l’évidence : Elle m’a bel et bien viré de NOTRE appartement.

Bon. OK. Qu’importe ! Avisons en conséquence, maintenant. Elle a raison, je ne suis pas vraiment à la rue, quand on y pense. Je vais aller m’installer définitivement dans l’appartement rue Saint Denis. Du moins… Le temps des travaux, quoi.


#

Après avoir été déposer le peu d’affaires que m’a laissé Samia rue Saint Denis, je retrouve Alice au bar. J’ai une sale tête apparemment, car elle perd très vite son sourire lorsqu’elle s’assoit face à moi.

— Y’a un problème, mon amour ??

— Oui. Euh, NON ! ‘Fin… C’est juste que… J’me suis embrouillé avec Sam.

— Aaah ! C’n’est qu’ça ! Oh c’est pas grave, alors !

— On s’est disputé, Alice ! je m’agace. J’me dispute jamais avec Sam, d’habitude… Enfin, pas si fort du moins…

— Oui, ça va, j’ai compris ! Mais t’inquiètes pas, ça passera.

— Non, tu comprends pas ! Elle m’a v…lâché. Cette fois, c’est allé trop loin…

— Ah… Tu veux dire… Qu’elle est partie ?

— Partie ?!

— Oui, partie ! De ton appart’ !

— Ah oui, bien sûr… Mon appart’… Bah oui, du coup, oui. Elle s’est barrée en claquant la porte, même.

— La place est libre alors ?! me demande ma belle, visiblement bien plus heureuse que moi de la tournure des évènements.

— Hein ?! Comment ça ?

— Bah, je peux enfin venir m’installer chez toi du coup !! On n’sera plus dérangé, maintenant !

Ah bah d’accord ! Elle perd pas d'temps ! En tout cas, ça confirme qu’elle non plus n’apprécie pas trop ma meilleure pote, en définitif…

— Oh, euh… j’sais pas si c’est une bonne idée, en fait…

— Comment ça, “pas une bonne idée“ ?! T’as pas envie de vivre avec moi ??

— SI !!! Si, bien sûr que si, voyons !

Vas-y, dépatouille-toi avec ça, maintenant ! J’peux pas lui dire que j’veux pas qu’elle vienne parce que mon boss pourrait la surprendre dans cet appartement qui n’est même pas à moi, tout de même ?!

— C’est juste que… ‘Fin, imagines que ça s’arrange avec Sam…

— Et alors quoi ? Tu vas la reprendre chez toi ?? A un moment, faudra bien qu’elle se trouve un chez-elle quand même, hein !! Qu’elle apprenne à se débrouiller toute seule, comme une grande !

— Oui… Oui, évidemment. Mais… J’voudrais pas la foutre dans l’brin non plus, tu vois ? J’veux lui laisser le temps de trouver autre chose. Et en attendant, elle peut toujours revenir chez moi, histoire d’avoir un toit quand même, quoi. Même si on s’parle plus, j’suis pas un salaud, j’vais pas la laisser à la rue pour autant… J’oublie pas nos années d’amitié non plus... Tu comprends ?

Vu la manière dont elle me regarde, j’ai un doute. Elle semble plutôt contrariée, au contraire.

— C’est quoi cette excuse bidon, Bryan ? J’croyais qu’tu m’aimais…

— Mais oui !! Evidemment que j’t’aime !! J’attends que ça, de vivre avec toi tous les jours ! De me réveiller chaque matin à tes côtés !

— Alors pourquoi tu veux pas qu’je vienne vivre avec toi ?

— J’te l’ai dit ! Je n’veux pas mettre Samia dans la merde, c’est tout.

— Mais qu’est-ce que ça change, maintenant, puisqu’elle n’y est plus !

— Mais elle pourrait revenir !

— Et ??

— Tu veux vraiment vivre sous l’même toit que Sam ? T’es sûre ??

— Bah si elle est pas contente, ça la motivera peut-être pour chercher ailleurs ! Et puis, c’est qui la plus importante à tes yeux ? Elle ou moi ??

Eh bam ! Prends ça dans tes dents, Bryan !

Je me doutais que ça finirait par arriver… L’ultimatum.

— C’est toi, évidemment.

— Alors je peux m’installer chez toi !

— Laisse-moi un peu d’temps, s’te-plait…

— Pourquoi ??

— J’viens d’perdre une amitié de plus de 15 ans, Alice… J’ai besoin de digérer l’info, tu comprends ?

— Hmm… Bon, OK, très bien… Je te laisse un peu de temps dans ce cas. Mais pas trop, hein ! Je m’installerai plus tard !

Elle est vraiment géniale, ma meuf.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Mushu80 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0