15 - Deux jours avant - Le Drame

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Aujourd’hui, c’est mon jour de repos. Je flâne en ville, l’esprit léger. Alice a quasiment fini de s’installer dans l’appartement rue Saint Denis. Reste maintenant à trouver un autre logement qui soit assez distingué pour suggérer un budget aisé, dans lequel nous déménagerons avant la fin des travaux, histoire de ne pas se faire choper par mon patron ou par mon client.

En passant devant la vitrine d’une bijouterie, je me prends à rêver de fiançailles. J’y songe de plus en plus, pour être honnête. Elle est tout pour moi. Je suis certain maintenant qu’elle est la femme de ma vie, et je compte bien la garder près de moi le plus longtemps possible. Je la veux à mes côtés pour toujours. Je sais aujourd’hui qu’elle deviendra, dans un futur proche, Madame Gonzague et la mère de mes enfants.

Une des bagues attire mon attention. Elle lui plairait, j’en suis persuadé. Mon regard descend vers l’étiquette qui indique le prix, et j’en ai un haut-le-cœur. Pas dans mes moyens, malheureusement…

Tant pis… Je me contenterai de fleurs pour aujourd’hui.

Un peu déçu, je passe rapidement chez le fleuriste et repars direction la rue Saint Denis, les poches vides mais les mains chargées d’un petit bouquet de roses rouges.


En arrivant devant le bâtiment, je m’étonne de voir une belle voiture rouge étincelante, coupé-cabriolet et décapotable, garée sur un des emplacements réservés aux riches locataires et propriétaires des appartements. Soudain, je tilte. Merde ! Je me hâte dans le hall et monte les escaliers quatre à quatre.

Sur le palier, je m’aperçois que la porte du logement est entrouverte. Merde, merde, et remerde ! J’entends des voix à l’intérieur. Putain de merde !!! Je pousse doucement le battant.

— AH !! Tu tombes bien, toi !!! fustige Alice, les joues rosies et un carton dans les bras. Viens ici !

J’obtempère, la queue entre les jambes, avant de découvrir face à elle le propriétaire attitré de l’appartement que je squatte depuis quelques mois. Je blêmis aussitôt. J’suis fichu…

— Ce monsieur dit être le véritable propriétaire de cet appartement. Tu m’expliques ??

— Je… Heum…

— Dis-moi qu’il se trompe, Bryan !!!

— Mais… j’vous reconnais, vous !! intervient l’homme en chemisette Lacoste et pantalon Valentino beige. Vous êtes un des employés de Achil’BTP, non ?

— Euh… Oui ? je marmonne, la tête basse.

— Employé ??? Mais… J’croyais que c’était TA boîte ?!

Le proprio éclate d’un rire franc. Et je me sens comme un moins-que-rien.

— Alors vous… Vous n’manquez pas d’air, en tout cas !! ricane-t-il.

— Bryan ? me supplie Alice. C’est quoi cette histoire ??

— L’histoire, enchaine l’homme guindé face à elle, c’est que je crois bien que ce monsieur vous a raconté des cracs, mademoiselle ! Il n’est absolument pas le dirigeant de la société de BTP à qui j’ai demandé d’effectuer quelques travaux de rénovation, et dans laquelle il n’est finalement qu’un simple employé. Je crois même me souvenir qu’il n’est qu’intérimaire, qui plus est. J’me trompe ?

— Euh… Non…

— T’ES SÉRIEUX ??? s’insurge Alice, folle de rage. Tu m’as menti, Bryan ??

— Euh... Oui… Mais j’allais t’le dire, j’te jure !!

— Et l’appartement ? C’est du vent, ça aussi ??

— Oui… Enfin, non ! Pas totalement ! Disons que j’y fais les travaux, ça c’est vrai ! Mais euh… Il ne m’appartient pas, en vérité…

— PUTAIN BRYAN !! MAIS TU VIS POURTANT ICI, IL ME SEMBLE, NON ?!?

— Comment ?! s’exclame l’homme à la chemisette hors de prix. Vous vivez chez moi ??

— Oui. NON ! Enfin… pas officiellement…

— BRYAN !!! s’égosille ma petite-amie, tandis que l’homme s’éloigne dans l’appartement à la hâte. C’est quoi ces conneries ??

— Je peux tout t’expliquer…

— C’est à vous ceci ? me demande le propriétaire en me lançant mon sac à mes pieds, le regard noir.

— Euh… Oui.

— Vous squattez donc chez moi, j’me trompe ?

— Euh… Oui…

— Q-QUOI ?!? s’offusque Alice. Bryan… Mais t’es complètement inconscient, ma parole !!! J’comprends mieux pourquoi tu n’voulais pas que j’viennes vivre ici définitivement, tiens !!! Quand j’pense qu’on a baisé dans TOUTES les pièces de cet appart’ alors qu‘il ne t’appartient même pas !! LA HONTE, MERDE !

— Pardon ?! s'indigne le proprio.

— Et pourquoi tu squattes chez ce monsieur ?? enchaine Alice, sans prêter attention à l’homme choqué à côté d’elle. Tu vis où normalement ?? Dans la rue ?

— Bah… Maintenant, oui… ‘Fin j’veux dire… Depuis que Sam m’a flanqué à la porte de notre appartement, oui…

— Je croyais que c’était TOI qui l’avais mise dehors ?!

— BON !!! nous interrompt le propriétaire, visiblement très agacé. C’est pas tout, mais moi j’m’en contre-fiche de vos histoires de couple, OK ? C’que j’veux, c’est juste récupérer mon bien, si vous l’voulez bien !! Alors, maintenant... DEHORS !!!

Sur ce, il nous flanque à son tour à la porte, qu’il claque vivement derrière nous. Puis il la rouvre pour balancer mon sac et la referme aussitôt. Nous restons tous deux plantés comme des imbéciles quelques secondes qui me paraissent interminables, et soudain, la tempête s’abat de nouveau sur ma tête.

— Il est où, VOTRE appartement ??

— Dans le quartier des Pinèdes...

— QUOI ?? Ce... quartier pourri ??? Tu déconnes là ?!

— Euh... Non... je soupire.

— C’est quoi c’délire ? Pourquoi tu crèches là-bas, bordel ?!?

— Bah... C’est l’seul logement qui était dans nos moyens, à vrai dire...

— Et tu comptais me faire venir dans ce quartier miteux ??

— NON ! Bien sûr que non ! Je comptais trouver autre chose entre temps... Mais c’est pas facile quand on n’a pas un gros revenu, tu sais…

— Bryan... Combien tu gagnes ? me demande-t-elle, en croisant les bras d’un air sévère.

— Hein ?

— Combien tu gagnes par mois ?? Ton salaire, Bryan !!

— Oh ! Euh... Bah... le SMIC ?

— C’est une blague ?!

— Non...

— Alors... Tu n’as pas un rond, en fait ?! Tu n’es pas un grand chef d’entreprise non plus, et tu n’as pas du tout une vie confortable, si j’comprends bien ?

— Euh... C'est ça...

— Mais… T’es un minable, en fait ?! Un minable menteur, en plus !! Nan, mais... Comment j’ai pu être aussi stupide ? Mais qu’est-ce que tu veux qu’je fasse avec un pauv’ type comme toi, sérieux ?! Raaaah ! Laisse tomber ! C’est fini, Bryan ! Oublie-moi, OK ?

Et elle m’abandonne comme un con sur le palier, moi, mon sac et mon bouquet de roses qui a bien morflé. Je n’en reviens pas, j’ai dû mal à réaliser ce qu’il vient de se passer. Je reste immobile, la bouche ouverte, le regard niais, devant la porte de l’appartement qui n’est définitivement plus le mien désormais.


Je n’arrive pas à y croire. En quelques minutes, je viens de perdre non seulement mon logement, mais ma meuf aussi.

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