17 - Jour J - La Claque
Je suis non seulement célibataire et sans-abris, mais désormais aussi sans emploi. Super…
Bon… Il faut rebondir maintenant. Allez, Bryan !! On s’bouge !! On agit !!
Je sais ! Je peux encore récupérer mon Alice. C’est la seule dont j’ai réellement besoin, finalement. Elle est tout pour moi. On reprendra tout depuis le début. Elle comprendra, j’en suis sûr. Notre amour est plus fort que ça.
Bon. C’est vrai, j’ai merdé. Je n’aurais jamais dû lui raconter des bobards, j’aurais dû lui dire toute la vérité dès le départ. Mais je suis certain que tout ça n’est qu’une passade et que notre amour peut surmonter cette épreuve. Après tout, dans un couple, il y a des hauts et des bas. Il faut absolument que je me fasse pardonner ! OK, je lui ai menti. OK, je n’ai pas été honnête avec elle. OK, j’ai modifié la réalité pour paraitre plus important que je ne le suis. Mais j’ai fait tout ça parce que je voulais lui plaire. Pour elle. Parce que je l’aime. D’un amour sincère et pur. Et je sais qu’elle aussi a des sentiments pour moi. Il ne peut pas y avoir que mon soi-disant pécule qui lui plait, c’est obligé. C’était trop intense entre nous deux, trop passionnel. Il y a forcément quelque chose de plus fort qu’une simple histoire intéressée, n’est-ce pas ? Si elle m’en veut, c’est surtout pour mes mensonges, évidemment. Là, elle est en colère contre moi et à juste titre, mais je suis persuadé qu’elle finira par me pardonner et qu’elle me reviendra très vite, quand elle sera calmée et qu’elle comprendra que notre amour est plus grand que ça. Et on en rigolera plus tard, j’en suis certain.
Fort de cette certitude, j’ai erré dans les rues de la ville toute la journée en espérant la croiser. Après de nombreuses heures de recherche, je l’aperçois enfin qui sort d’un magasin branché, les bras chargés de sacs remplis à ras bord. Je cours dans sa direction en l’interpelant, mais je suis très vite stoppé dans mon élan lorsque sort derrière elle un bel Apollon, qui la rejoint rapidement et l’attrape par la taille avant de littéralement plonger sa langue dans sa bouche si délicate.
Je n’en crois pas mes yeux. Après la stupéfaction, je prends tout de même mon courage à deux mains.
— Alice ?
— Encore toi ?! s'insurge la principale intéressée lorsqu’elle m’aperçoit.
— C’est qui, ce type ? lui demande Beau Gosse.
— Oh, euh... Un ex qui s’accroche. Tu nous laisses cinq minutes, s’te-plait ?
— Oui, bien sûr, bébé. J’serais pas loin, si t’as besoin.
Et il l’embrasse de nouveau à pleine bouche et récupère les sacs au passage. Puis Alice m’attrape vivement par le bras et m’attire avec vigueur quelques mètres plus loin, à l’abri des oreilles indiscrètes.
— Mais qu’est-ce que tu fous là ?! me crache-t-elle.
— Alice, je voulais... ’Fin je... Je suis désolé de t’avoir menti. C’était stupide, c’est vrai. J’aurais dû tout te dire tout d’suite, j’sais pas pourquoi j’ai fait ça… Mais je t’aime, Alice ! On n’peut pas se quitter comme ça ! C’était fort entre nous, non ?
— Pffff... T’as rien compris, toi, hein ?! soupire-t-elle en se pinçant l’arête du nez.
— Hein ??
— T’es naïf à c’point, alors ??
— J… J’comprends pas, là…
— Bryan, si j’me suis mise avec toi, c’était parce que tu m’avais dit être chef d’entreprise et que tu gagnais bien ta vie, c’est tout !
— Q-Quoi ? Mais…
— J’ai plus un rond, Bryan !!! me coupe-t-elle brusquement. Ma société a fait faillite, j’suis fauchée !! J’ai même plus de quoi payer mon loyer ! Si j’trouve pas un bon parti, j’vais me retrouver à la rue ! Fallait que j’trouve un mec avec du fric pour me renflouer ou juste pour vivre à ses crochets.
— Mais… Et tout c’qu’on a vécu, tous les deux ??
— Fallait bien que j’t’appâte ! Pis comme je savais que t’étais déjà en crush sur moi quand on était au lycée, c’était facile.
Wow. Elle s’est bien foutue d’ma gueule alors ?! Tout ça, c’était du vent, de la comédie ?
— T’as jamais été amoureuse de moi, n’est-ce pas ? je souffle, comme par désespoir.
— Bryan… T’es un chic type, mais t’es pas du tout mon genre. Pis excuse-moi, mais si t’as pas de quoi m’entretenir, à quoi bon ? J’ai pas l’intention de ne vivre que d’amour et d’eau fraiche, tu vois ! Et il est hors de question que je vive dans un trou à rats, même par amour. Je vaux mieux que ça.
— Putain mais on a baisé plein de fois, merde ! C’était pas du vent, ça, quand même ! Si ?! Ou alors, ça aussi, tu l’as simulé ??
— J’ai fait c’que j’avais à faire pour te faire plaisir et te donner c’que tu attendais de moi en retour. Mais c’est vrai, j’avoue, heureusement qu’tu te débrouilles pas trop mal au lit. L’air de rien, c’était tout de même plus agréable. Parce qu’on peut pas dire que tu sois le plus sexy des mecs, soyons honnête.
Je suis sidéré. Elle me balance ça comme ça, sans une once de regrets. Au moins, ça a le mérite d’être clair.
— Et lui ? C'est qui ? Ta nouvelle proie ?
— Écoutes, Bryan… On a vécu de bons moments, c’est vrai. Tout n’était pas à jeter, je l’avoue aussi. Mais tu n’es ni riche, ni beau. Et l’amour avec un grand « A », c’est pas c’que je cherche. Les histoires à l’eau d’rose, c’est dans les films, pas dans la vraie vie. Donc je vais être plus clair pour ne pas te donner de faux espoirs : Je ne veux pas être avec un homme de petite condition. Je ne t’aime pas. C’est fini entre nous, Bryan. Lâche l’affaire. Moi, je suis déjà passé à autre chose, et j’ai peut-être une touche potable cette fois. Il est riche et beau, ce qui ne gâche rien. Alors s’il te plait, ne bousille pas mes chances avec lui, OK ? Va-t’en, maintenant.
Je suis resté là comme un con, planté au milieu de la rue, alors qu’elle a rejoint son nouvel amant aux muscles saillants. Je viens de me prendre une sacrée claque. Une bonne droite en pleine tronche. J’en suis encore tout abasourdi. Ça fait mal…
En même temps, comment j’ai pu croire une seule seconde qu’une nana comme elle pouvait être amoureuse d’un type comme moi, hein ?! Non mais sérieux, Bryan ! T’es complètement stupide, mon pauvre…
Pourtant, j’ai tout de même du mal à croire qu’il n’y avait absolument rien entre nous, qu’elle n’a jamais eu un seul petit sentiment ou ne serait-ce qu’un minimum d’attirance pour moi. Après tout, on n’a eu des moments plus que torrides ensemble, je l’ai fait jouir, je suis pas fou ! Ou alors… Elle joue vachement bien la comédie… ? Non. C’est pas possible. Elle l’a dit elle-même : Je suis un bon coup quand même. Elle a pas simulé, c’est sûr. Donc elle a apprécié nos ébats, ça ne peut pas en être autrement. Je suis peut-être pas le plus canon des mecs, mais je sais satisfaire une femme ! Ça aide, non ?
Et puis, qu’est-ce qu’elle lui trouve, à ce mec, là ?? Ce Don Juan habillé en Prada ! Sérieux, fallait voir ses fringues de bolosse, là ! Tout ça pour bien montrer qu’il a du fric. J’suis sûr qu’il a rien dans le crâne, en plus. Il est en train de se faire avoir lui aussi ! C’est pas tout d’être beau, faut aussi avoir un peu de jugeote, nan ? Moi, au moins, je suis peut-être pas super canon, mais je n’suis pas bête pour autant. Et Alice, elle va vite s’en rendre compte, j’en suis certain.
Je décide donc de les suivre discrètement.
Tous deux s’engouffrent dans un restaurant au menu hors de prix, et déjeunent les yeux dans les yeux. Le mec arbore fièrement sa montre Rolex, qu’il fait exprès de mettre en évidence devant la jeune serveuse qui doit probablement avoir du mal à finir les fins de mois. En plus, je crois l’avoir vu lui faire un clin d’œil quand il lui a tendu sa carte Gold pour payer l’addition !! En tout cas, il lui a laissé un bon pourboire, et peut-être même son numéro au passage.
Après ça, ils se dirigent vers le cinéma, en se bécotant comme deux adolescents en rut. C’est indécent. Oui, OK… je suis jaloux, c’est vrai. Mais j’vous emmerde. Bref. J’attends encore comme un imbécile de l’autre côté de la rue, que la séance se termine. Je suppose qu’ils sont enlacés tous les deux dans le noir, à se dévorer la langue au lieu de regarder le film, voir à faire autre chose… Et j’en ai le cœur brisé. J’imagine ma belle Alice dans sa robe voilée, les jambes écartées pendant que ce sale m’as-tu-vu lui bouffe le minou ostensiblement ou lui titille le clito. Je l’imagine jouir en silence en tentant d’être discrète. Ou peut-être même pas, tiens… Peut-être qu’elle jouit sans retenue, comme lorsque c’était moi qui lui faisais. Peut-être même que c’est elle qui est en train de le sucer, en vérité, comme elle me le faisait devant la TV parfois. J’en suis malade rien que d’y penser. J’ai envie de vomir en voyant l’image de sa tête blonde entre ses cuisses à lui. Je la revois s’activer sur ma verge avec gourmandise, et rien que l’idée qu’elle lui en fasse autant me donne la gerbe. Je ne supporte pas de savoir qu’elle pourrait prendre du plaisir avec un autre que moi. Je sais, c’est très égoïste et prétentieux. Je sais bien que je n’ai pas été le premier, et que désormais je ne suis plus le dernier. Et peut-être même que l’autre, là, ne le sera pas non plus. Mais j’ai encore le goût de sa peau sur les lèvres, son parfum… Je connais encore par cœur la pureté de ses formes voluptueuses… J’aimerai tant les toucher encore une fois…
Ah. Ils sortent. La pluie s’est invitée sans que je ne m’en rende compte. Je suis trempé, mais je m’en fiche. Je les vois se presser dans la rue pour éviter les gouttes. Il a la galanterie de lui offrir sa veste pour se protéger. Elle glousse. Je lui en veux. Je lui en veux de se laisser draguer comme ça, de jouer les midinettes avec lui plutôt qu’avec moi. Et lui… Lui, je lui en veux d’avoir piquer ma nana. C’est con parce qu’au final, il n’y est pour rien, quand on y pense. Je lui en veux d’être aussi beau et bien gaulé, aussi.
Je les suis jusqu’à un grand bâtiment du quartier chic de la ville, une demeure osmanienne divisée en plusieurs appartements visiblement. Avant d’entrée, il l’embrasse sous l’auvent. Que dis-je ? Il la dévore. Elle passe sa main dans ses cheveux pendant qu’il la caresse sur tout le corps. Il faufile ses mains sous sa robe et les remonte jusqu’à ses fesses sans aucune pudeur. J’ai une nouvelle fois envie de vomir. Enfin, ils entrent, et la grande porte en bois massif se referme sur les deux tourtereaux collés l’un à l’autre. Je suis du regard les lumières qui s’allument au fur et à mesure de leur ascension, jusqu’à une des fenêtres du deuxième étage. Là, à travers le rideau beige, je les vois se bécoter. Je devine qu’elle lui ôte sa chemise tout en lui mordillant les lèvres. Je constate qu’il est bien musclé, il faut avouer. Plus que moi en tout cas. Puis j’aperçois l’ombre de l’homme qui plonge sa tête dans le décolleté proéminent de ma meuf en empoignant fermement ses seins. Après quoi, elle lui saute dans les bras, enroule ses jambes finement sculptées autour de sa taille, et l’embrasse de nouveau à pleine bouche, avant qu’il ne l’emmène doucement vers ce qui doit être son lit, dans la pièce adjacente.
Voilà. C’est comme ça que vous m’avez trouvé au tout début de cette histoire. Je suis le pauvre type désespéré sous la pluie qui reluque sa nana se faisant déglinguer par un autre dans cet appartement luxueux, l’âme en peine et le cœur en miettes.

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