20 - Le Déclic

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Wow ! Ah bah ça alors, si j’m’attendais…

Je suis sous le choc. Je tombe des nus. Mon cœur vacille, il bat la chamade. Je commence à comprendre, à recoller les morceaux dans ma tête. Tout me revient, le puzzle s’assemble.

Je repense à nos moments de complicité, et ce depuis qu’on se connait. D’abord, me reviennent nos journées d’adolescents, celles où on était assis côte à côte sur les bancs du lycée, à se marrer comme des baleines en regardant des vidéos drôles sur nos smartphones pendant des heures. Maintenant que j’y repense, je me souviens qu’elle plongeait parfois ses prunelles dans les miennes, dans un regard intense qui me déstabilisait. J’avais mis ça sur le compte de l’amitié à l’époque. Et puis, les après-midis où on jouait au basket ou au foot sur les terrains communaux de notre quartier d’enfance pendant les vacances d’été. On était jeunes et insouciants, on profitait de la vie. On fêtait nos petites victoires ensemble, bras dessus bras dessous, comme deux compères inséparables. On avait notre check rien qu’à nous quand on gagnait contre l’équipe du quartier d’à côté, notre petit truc perso qui nous rapprochait et ravivait notre complicité. Et quand on était qu’à deux sur le bitume, on se chamaillait, parfois. Je la taquinais à propos de sa taille, et il m’est même arrivé de la porter sur mes épaules pour qu’elle marque un panier ! Dans ces moments-là, c’est vrai, je sentais ses mains autour de mon visage ou de ma nuque. Je n’ai jamais prêté attention à la douceur de ces gestes que je pensais anodins.

Puis je repense à nos soirées pop-corn devant la TV quand on a emménagé dans l’appartement ensemble, affalés sur le canapé. Cette coloc’, c’était tellement une évidence. Je me remémore nos jours de repos passés têtes bêches, allongés sur le sol du salon ou sur son lit, à refaire le monde à notre manière. Nos rendez-vous que je croyais si innocents pour nos déjeuners sur le pouce. Ces repas à trois francs six sous, pizza, chinois, kebab… qu’on partageait en papotant de tout et de rien, ces couchers de soleil qu’on allait voir tous les deux quand on n’avait rien d’autre à faire, assis sur le sable blanc de la plage, une canette à la main. Ces joies, ces peines, ces doutes qu’on se racontait sans aucune pudeur durant ces soirées. On n’avait pas de cheminée, mais c’était tout comme pour nous ! Toutes ces petites choses du quotidien que l’on a partagé et qui avaient tant d’importance en vérité.

C’est vrai, elle a toujours été là pour moi. Et je n’ai rien vu. Trop obnubilé par l’apparence de ma future femme, par ces corps aux formes si parfaites… je n’ai même pas vu que Samia, elle, était à mes côtés à chaque étape de ma vie. Elle a toujours été là quand je n’allais pas bien, quand j’avais un coup de blues. Elle me réconfortait, même. Je me souviens de ses gestes attentionnés pour me redonner du baume au cœur, des câlins qu’elle me faisait lorsque ma peine était trop forte et que je craquais. Elle m’encourageait, me soutenait dans tous mes projets, même les plus farfelus. Elle a toujours cru en moi. Et quand je me rétamais la gueule, elle me relevait. Elle m’engueulait, bien sûr ! Mais c’était toujours avec bienveillance et indulgence, finalement. Elle ne m’a jamais laissé tomber pour autant.

Je me souviens aussi des nombreuses fois où elle a guéri mes blessures. La délicatesse de ses mains lorsqu’elle épongeait le sang, puis lorsqu’elle collait doucement le pansement sur ma plaie. Me reviens également la fois où elle a fracassé la gueule d’un mec qui m’avait insulté en sortie de boîte. Moi, j’avais pas réagi parce que j’étais trop bourré, mais elle… Elle m’avait direct défendue. Bec et ongles, même ! Cette fois-là, c’est moi qui avais soigné ses contusions.

Je repense à tous ces regards échangés, tantôt complices, tantôt tendres même. Toutes ces fois où on s’est compris d’un simple coup d’œil… On se connait par cœur, pas besoin de parler. Elle connait tout de moi, et je croyais tout savoir d’elle aussi. Même nos silences ont toujours été remplis d’amitié, toujours sincère. Je revois ses sourires. Haaa ce sourire… Si joli, maintenant que j’y pense. Des dents blanches entourées de lèvres pulpeuses, en dessous d’un nez finement dessiné sur son visage typé magrébin. Et j’entends son rire aussi… J’ai toujours aimé la voir et l’entendre rire. Et j’ai toujours tout fait pour qu’elle garde ce minois joyeux qui lui va si bien.

Et puis soudain, je revois cette même figure, grave et sévère, lorsque l’on s’est disputé et qu’elle m’a mise à la porte. La colère suivie des regrets. L’envie d’y retourner pour m’excuser. Mais l’orgueil qui prend le dessus. Je ressens à nouveau la douleur qui m’a transpercé quand je l’ai cru en couple avec ce Nassim. L’impression d’avoir reçu un coup de poignard en plein cœur, l’envie d’aller lui dégommer la tronche, à ce type, puis celle de mourir de chagrin quand je l’imaginais au lit avec lui, alors que j’étais seul dans le froid. Cette souffrance, c’était celle de la jalousie. Mais pas la jalousie de sa condition, non ! La jalousie de cet homme que je croyais blotti dans ses bras à ma place.

Je me rappelle qu’à cette époque-là, elle avait déjà entamé sa métamorphose, son changement de look. Elle était encore dans sa chrysalide, mais la transformation avait commencé. Je me souviens m’être fait la réflexion que ça la changeait, que ça lui allait mieux. Que ça la mettait plus en valeur, qu’elle était plus féminine et plus attirante comme ça. Je me disais même qu’elle pourrait plus facilement trouver un homme, habillée ainsi. Alors qu’en vérité, elle a toujours été belle. Et si elle a pris exemple sur Alice, c’était uniquement pour me plaire. A moi.

Et je me sens con… Mais tellement con… Et aveugle aussi !


— Oh Eh !! Bryan ? Tu m’écoutes ??

Perdu dans mes pensées, je n’entendais plus Samia me parler. Juste un bruit de fond, tout au plus. Et me voilà sortir de ma torpeur par sa voix qu’elle veut virile et rebelle, alors qu’elle est douce et mélodieuse à mes oreilles.

— Bryan ! Redescend sur terre, man !

— Hein ?! Ah oui, oui… Pardon…

— Wouah ! T’étais parti loin dis-donc !

Je la regarde, comme je ne l’ai jamais regardé auparavant. Mes iris se plongent dans les siens, intensément. Et je la vois. Enfin. Telle qu’elle a toujours était. Mon amie, ma pote, ma bonne fée… La seule et unique femme qui ait toujours été à mes côtés et qui m’épaule depuis toujours sans que je ne m’en rende compte.

— Euh… Bryan ?! Ça va ?? Tu m’fais flipper là !

Elle est belle, gentille, drôle, protectrice, gracieuse sans le vouloir, douce et délicate aussi, malgré elle. Et elle m’aime. Elle m’aime vraiment, pour ce que je suis réellement. Sincèrement. Sans fioritures ni tralala. Elle est celle que j’attendais alors qu’elle était là, sous mes yeux. La femme de ma vie.


Je lui souris bêtement. Puis, brusquement, je m’avance, encercle son visage de mes mains et pose mes lèvres sur les siennes, tendrement.

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