21 - Six mois après - Le Retour de la Diva

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Voilà. Six mois ont passés.

J’ai retrouvé l’amour, et du travail aussi. Je bosse comme serveur dans le bistrot juste à côté de la superette dans laquelle travaille Sam. Mon patron est un ami de M. Abraham, ce vieil homme fort sympathique. Il dit qu’il nous aime bien, et que c’est pour ça qu’il nous a pris sous son aile. Je crois surtout qu’il a eu pitié de moi, mais bon… Moi aussi, je l’aime bien, M. Abraham. Il traite bien Sam, ce qui ne gâche rien ! De temps en temps, quand j’ai une pause ou que j’ai fini mon service, je viens donner un coup de main au magasin. J’y fais des petits travaux de réparations, du réaménagement de rayons, l’inventaire… C’est ma façon à moi de le remercier. Il voulait pas, M. Abraham, mais j’ai insisté. Après tout, il m’a non seulement bien aidé quand je tentais de plaire à Alice, mais c’est aussi lui qui m’a obtenu le poste au bar ! Je lui dois bien ça. Ce qui n’empêche pas le vieillard de me dire que c’est inutile à chaque fois que je viens aider.

Au boulot, mon patron dit que je me débrouille bien. Il le répète sans cesse à son ami et voisin de commerce. Comme je suis grand et costaud, je peux porter des choses lourdes, et ça l’arrange bien. D’ailleurs en général, c’est moi qui sors la terrasse chaque matin, et qui la range le soir. Et à force, j’ai pris en muscles. J’ai les épaules carrées, désormais. Je ne suis toujours pas un Apollon, et j’ai toujours ma carrure de gros nounours, mais je plais comme ça. Et j’ai gardé ma barbe aussi ! Ce qui me donne des allures de rugbyman, parait-il.

Pour le moment, je suis en CDD encore pour un mois, mais j’ai bon espoir de rester pour une durée indéterminée par la suite. Parfois, le midi ou en fin de journée, Samia et son boss viennent manger au bistrot. Oui, parce qu’on fait snack aussi. Vous me croirez ou pas, mais je donne aussi un coup de main en cuisine durant les rushs. Oui, oui ! J’ai appris à cuisiner un minium, pour le plus grand plaisir de ma coloc’ ! Quand elle vient avec son patron, donc, ils s’installent en terrasse, et quand il n’y a pas trop de monde, je peux leur tenir compagnie. Souvent, M. Abraham insiste pour payer l’addition. Ça me gêne un peu, mais pas Sam apparemment ! Bref ! Tout va pour le mieux.

Bien sûr, il a fallu qu’un cheveu revienne se poser sur ma soupe…


#

Ce jour-là, alors que le service du soir se termine, je range la terrasse du bistrot, comme à chaque fois, pressé de rentrer chez moi retrouver ma bien-aimée. Pour une fois que j’termine pas trop tard !

J’attrape la dernière table avec vigueur, la replie et me retourne vivement pour la rentrer vers le local. Je manque de bousculer une jeune femme fine et élancée que je ne connais que trop bien.

— Salut Bryan.

— … Alice ?!

Je me fige aussitôt. Les traits tirés, mon ex me fait face, un petit sourire confus sur son visage blafard et légèrement creusés par la fatigue. Elle parait épuisée, au bord du craquage, et de gros cernes ornent ses yeux bleus que je trouve subitement vides. Ses habits sont défraichis, et il me semble même distinguer un petit trou dans son débardeur bon marché tout déformé. Son jean est également tâché sur sa cuisse, et un peu déchiré lui aussi entre les jambes.

Comment a-t-elle pu en arriver là ??

— Il me semblait bien que c’était toi. J’t’ai vu de loin, mais j’étais pas sûre ! T’as changé, dis-moi !! T’as pris des épaules, non ? Ah, j’te dérange, peut-être ?

— Euh… Bah… C’est que, j’suis en train d’bosser là, et…

— Ah, oui, oui ! Bien sûr ! Je peux t’aider ?

— HA !! J’crois pas non ! C’est trop lourd pour tes p’tits bras…

— Ah… Bah oui, évidemment… Mais toi, t’es un homme fort, hein ?

— Qu’est-ce que tu fiches ici, Alice ? je rétorque, en comprenant son petit manège.

— J’ai pas le droit de dire bonjour à un ami ?

— On n’est plus amis depuis longtemps. Je n’suis même pas sûr qu’on l’ait été un jour. Et puis, j’ai pas l’temps pour ces conneries, alors viens-en aux faits. Qu’est-ce que tu m’veux ?

— Je… euh… bafouille-t-elle en se tortillant les doigts. J-J’voulais… m’excuser…

— De quoi exactement ? De m’avoir tèje comme une merde ? Ou juste de n’m’avoir jamais aimé en vérité ??

— De tout, en fait… lâche-t-elle en baissant la tête. J-J’ai vraiment été horrible avec toi…

— C’est l’moins qu’on puisse dire, en effet. Et donc ?

— Et donc… Je regrette.

— Tant mieux pour toi !

— Sincèrement, Bryan.

Elle parait réellement sincère… Mais je n’tomberai plus dans son piège !

— Admettons… Et t’attends quoi de moi, exactement ?

— J’ai été bête, Bryan… J’me suis fait avoir… Le mec avec qui tu m’as vu la dernière fois qu’on s’est croisé… Il s’est bien foutu d’ma gueule.

— Oui, comme toi avec moi, quoi.

— J’n’ai plus rien, Bryan… J’suis ruinée… Dépouillée !! Il m’a tout pris ! Ma boîte, ma vie, mes fringues… TOUT !!! Il a accepté d’investir dans ma société, comme je le souhaitais. Mais ensuite, il l’a carrément racheté et m’a viré comme une malpropre ! Virée de ma propre boîte, t’imagines ?! Et pour finir en beauté, il m’a foutu dehors ! Soi-disant qu’j’étais trop bête pour lui…

Tiens donc ?!

— Étonnant en effet… Et qu’est-ce j’y peux, moi ?

— Rien… J’croyais qu’il m’aimait, mais…

— Moi aussi, je pensais que tu m’aimais … Mais tu m’as juste manipulé. Comme lui, si j’comprends bien.

— Tu vas m’dire que j’le mérite, c’est ça ?

— Un peu, oui… Juste retour des choses, je dirais. Même si je n’suis pas pour autant ravi d’apprendre que t’as tout perdu.

— T’es vraiment un chic type, toi… T’es toujours empathique envers les autres, même ceux qui t’font souffrir. Et moi… j’t’ai traité comme un moins que rien, alors qu’en fait, t’es exactement le genre d’homme que toutes les femmes rêvent d’avoir ! Gentil, doux, compréhensif…

— Stop, je la coupe rapidement. Arrête, Alice… Je sais c’que tu cherches à faire, là… J’ai l’air un peu con sur les bords, je sais, et le fait qu’j’sois tombé dans ton piège le confirme. Mais j’suis pas totalement stupide pour autant.

— De quoi ? J’comprends pas…

— Moi si. T’es au fond du trou, et t’as besoin de quelqu’un pour te relever. Et comme j’étais accro à toi, tu crois qu’tu peux rev’nir comme ça et me refaire le même coup, comme si rien ne c’était passé.

— Mais non, voyons !! s’insurge-t-elle, peu convaincante toutefois. J’me suis juste rendu compte qu’en fait… C’est toi qu’il me fallait. Que t’es un mec doux et sensible, attentionné… J’aurais jamais dû te quitter pour une question d’argent ! C’était très stupide ! J’m’en veux énormément ! Maintenant, je sais que c’est toi, l’homme de ma vie, Bryan !!

— Non, c’est l’mien, maintenant, nous interrompt la seule et unique voix que j’aime entendre.

Alice sursaute et se retourne d’un bond, pour se retrouver nez à nez avec ma coloc’, qui la fixe d’un air mauvais, les bras chargés d’une caisse de verres vides.

— Oh, euh… Salut Sam…

— C’est Samia. Sam, c’est pour les intimes. Autrement dit, pas pour toi.

— Ah, euh… OK… Tu… T’as changé, toi aussi…

— Qu’est-ce qu’elle veut, la blondasse ? me lance-t-elle en ignorant copieusement Alice.

— Me récupérer, je lui réponds.

— HA ! Elle manque pas d’air, celle-ci !! ricane Sam. Je suppose que c’est intéressé !

— Elle est fauchée.

— Ah bah oui, bien sûr ! Donc elle veut encore que tu payes pour elle, quoi ! Et elle, elle était où quand t’étais dans la merde, la garce ? Hein ?! s’agace Sam, posant vivement sa caisse à terre pour mettre ses mains sur les hanches et toiser mon ex-petite amie déchue.

— Je… J’savais pas que t’avais eu des soucis, Bryan… bredouille la principale concernée, penaude et visiblement surprise par cette révélation.

— Bah voyons !!! s’exclame Samia. Genre tu t’es pas douté qu’ça avait été difficile pour lui quand tu l’as lâchement abandonné ?? Tu t’fous pas d’nous ?!

— Moi aussi, j’me suis retrouvé à la rue, après avoir été dégagé de l’appartement rue Saint Denis… je prends tout de même la peine d’expliquer. J’ai perdu mon travail à cause de ça, et ensuite ça a été la dégringolade…

— Je savais pas…

— Oh, j’t’en prie ! je rétorque. Ne fais pas semblant d’être étonnée ! Comme dit Sam, tu devais bien t’en douter un peu, non ? Seulement… Tu t’en foutais, parce que t’étais avec l’autre beau gosse plein aux as qui t’as fait miroiter monts et merveilles. T’as voulu jouer la femme vénale, et maintenant, tu t’retrouves dans la même situation que moi à l’époque. Tu vois ? Le Karma.

Alice grimace et baisse la tête, les larmes aux yeux. Je sens qu’elle commence enfin à comprendre que c’est peine perdue. Je ne suis plus l’homme faible qu’elle a connu, je ne cèderai plus à son chantage affectif.

— J-Je suis désolée… bafouille-t-elle.

— Peu importe. J’ai pris des risques inconsidérés pour toi. J’ai menti, j’ai triché, et je m’suis perdu en chemin. Mais cela m’a au moins permis d’ouvrir les yeux. Et aujourd’hui, c’est à mon tour de t’envoyer bouler. T’as loupé ta chance, c’est trop tard. J’ai compris la leçon. Je n’veux pas d’une femme qui ne s’intéresse qu’à mon statut social ou à mon compte en banque. Et puis… Mon âme sœur, je l’ai trouvé finalement. Et c’n’est pas toi.

Sur ce, j’enlace Samia par la taille et la ramène à moi avec vigueur. D’abord surprise, celle-ci se rattrape à mon torse d’une main, puis me sourit tendrement avant de glisser ses doigts vers ma nuque pour attirer mon visage à elle et m’embrasser langoureusement.

— Vous… Vous êtes ensemble ?? s’étonne Alice.

— Et ouais !! fanfaronne Sam. Depuis 6 mois, meuf !! J’ai profité qu’la place était libre, tu vois ! J’devrais t’remercier, d’ailleurs !

— Mais… mais… Bryan ! J’croyais que vous étiez juste potes, et qu’il n’y aurait jamais rien entre vous deux ?!

— C’est c’que j’croyais aussi ! je ricane. Mais en vérité, on n’osait juste pas s’avouer nos sentiments. Elle au moins, elle m’aime pour ce que je suis. Pas comme toi, quoi ! Donc c’est pas la peine de venir quémander, je ne t’aiderai pas. Je ne te cèderai plus et je ne reviendrai en arrière pour rien au monde. La seule et unique femme de ma vie aujourd’hui, c’est Samia. Alors… Comment tu m’as dit ce jour-là déjà ?? Ah, oui ! Va-t’en, maintenant.

— Voilà ! C’est ça ! ajoute Sam. Va-t’en ! Cia-ciao !

Après quelques secondes d’hésitation, à nous dévisager tous les deux, Alice fond subitement en larmes et se hâte de s’éloigner en courant, le visage caché dans ses mains.

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