Chapitre 1 - Je te donne 1 minute pour sortir !

3 minutes de lecture

Mardi 11 juin 1771, Monthermé (Ardennes).

  – Nicolas ! Nicolas ! Sors de là immédiatement !

Au fond du hangar, Nicolas se redressa d'un bond, les bras alourdis de belles planches en sapin, et tourna la tête vers l'entrée. Il entendit ricaner derrière lui.

  – Toi, mon gars, tu vas passer un sale quart d'heure, lui dit son patron. C'est ta tante, je l'ai vue traverser la route au pas de course. Elle a l'air très énervée. Qu'est-ce que tu as fait, cette fois ?

  – Comment ça, "cette fois" ? Mais je n'ai rien fait, patron. Et ce n'était peut-être même pas ma tante !

  – Une dame d'une soixantaine d'année, chemise en toile beige, jupe gris foncé, très longue, qui lui cache presque les pieds ? Et qui s'appelle Marie Lahire ? Avec une petite coiffe blanche et un air très décidé ? Elle avait les poings serrés le long de son corps et faisait des grands pas pressés. Quand il l'a vue, le chat a bondi en hérissant le poil et a détalé comme un dératé.

Nicolas maugréa. Ce portrait ressemblait bien à sa tante. Depuis que ses parents n'étaient plus, sa tante Marie s'occupait de lui et de ses frères et sœurs. C'était une gentille dame, mais Nicolas reconnaissait qu'il n'était pas facile. A quinze ans, il était très impulsif et répondait à toute provocation, quelle qu'elle soit. C'était plus fort que lui. Mais cette fois-là, il avait eu une très bonne raison de s'énerver, et personne ne lui enlèverait ça.

Il se retourna vers son patron, se touchant machinalement la lèvre inférieure avec sa langue.

  – Je n'ai rien fait, Antoine ! assura-t-il.

Le patron, les poings sur les hanches, haussa les sourcils en examinant le visage du jeune homme.

  – Oh, mais je n'avais pas vu ça, ce matin ! C'est pour ça que tu baisses la tête depuis que tu es arrivé ? Ta lèvre, là, elle s'est fendue toute seule ? Oh, et c'est joli ce dégradé de noir et de jaune, tout autour de ton œil gauche, c'est ton nouveau maquillage ? railla-t-il en tournant le doigt en l'air, comme pour faire le tour de son œil.

  – Oh, ça, ce n'est rien, je me suis pris une porte hier soir, en rentrant.

  – Hum…

Nicolas soupira. Son patron ne le croyait visiblement pas. Normal, que lui avait-il pris d'inventer cette histoire de porte ? C'était ridicule, il le voyait bien… en fait, non, depuis la veille, il ne voyait pas très bien de l'œil gauche. Le coup avait dû ramollir son cerveau. Enfin, l'autre gars était encore plus amoché que lui… Il ricana dans sa barbe.

  – Nicolas ! Je te donne une minute pour sortir de ce hangar ou je viens te chercher. Tu sais que je le ferai !

Il regarda autour de lui, un peu paniqué. La dernière fois, il ne l'avait pas crue et elle avait mis sa menace à exécution. Elle était venue le chercher au beau milieu de toute l'équipe et l'avait traîné dehors en le tirant par l'oreille ! Ses collègues l'avaient moqué pendant des jours ! Il n'était pas pressé de revivre cette expérience.

Résigné, il posa ses planches et se dirigea prestement vers la voix de sa tante.

  – Et ma mignole, qui va la charger ? Tu as cinq minutes, Nicolas, reprit son patron. Après, je donne tes heures à Jean !

Nicolas ronchonna. Cette journée commençait vraiment mal. Sa tante allait le sermonner sûrement plus de cinq minutes, et il perdrait une partie de son salaire. Il imagina tout un tas d'astuces pour se débarrasser d'elle le plus vite possible mais au fond de lui, il savait que c'était peine perdue et qu'il allait devoir prendre son mal en patience.

Annotations

Vous aimez lire - Del - ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0