Chapitre 4
Thomas manipula encore quelques fichiers sur son ordinateur, sans y prêter vraiment attention. La réaction de Pablo avait été violente et inattendue. Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Il faisait partie de ces gens incapables de remettre en question leurs certitudes ? Dans ce cas, c'était une sacrée déception.
En attendant, il vaudrait peut-être mieux vérifier encore une fois, pensa-t-il.
Il transféra les fichiers à comparer sur une clé USB afin de les copier sur son ordinateur portable. Celui qu'il avait utilisé pour développer son logiciel personnalisé. Et on va voir ce qu'on va voir, jugea-t-il. Il rassembla ses images et celles des fouilles du Centre Bourse qu'il avait prises la semaine passée, afin de déceler toute ressemblance fortuite. Et il lança l'analyse comparative.
Quelques instants plus tard, le programme émit un bip car il avait identifié une correspondance. Ah ! pensa Thomas. Il était déçu mais finalement soulagé. Une empreinte inconnue découverte à l'intérieur d'une oeuvre de Môssieur Picasso et acquise dans des conditions scabreuses, ça ne passerait pas !
Il ouvrit les clichés identifiés par son logiciel et fronça les sourcils. L'un était celui réalisé dans la chapelle des pénitents noirs. Mais l'autre provenait des images collectées la semaine passée... La correspondance désignait une même empreinte dans le Vase en forme de femme de Picasso et dans un vase phénicien du IVème siècle avant Jésus-Christ !
Au comble de l'incrédulité, Thomas releva le numéro du cliché des fouilles du Centre Bourse et se précipita sur le catalogue des pièces d'origine. Une fois parvenu à la page recherchée, ses doutes s'évanouirent. Il avait devant les yeux un vase strictement identique à celui de la chapelle des pénitents noirs. Phénicien, jamais de la vie, pensa-t-il.
Thomas admirait le coucher de soleil depuis la terrasse du MuCEM ; l'air et les couleurs étaient encore agréablement chauds. Dans son esprit, il tournait et retournait les conclusions renversantes auxquelles il était parvenu dans la journée.
Premièrement, le Vase en forme de femme de Picasso, datant de 1948, contenait une empreinte de pouce qui ne correspondait pas à celle de l'artiste.
Deuxièmement, on retrouvait une empreinte partielle, identique à 92%, dans un vase recouvré en 1973, au cours de la campagne de fouilles archéologiques qui accompagnèrent la construction du centre commercial "Centre Bourse".
Troisièmement, ces deux pièces étaient parfaitement semblables. Une même personne - un même faussaire - avait imprimé son pouce dans les deux vases avant cuisson.
Thomas jugea que les faits étaient devenus beaucoup trop intrigants pour être révélés à la légère. Pablo avait eu raison en cela : hors de question de divulguer l'information pour le moment. Il redescendit l'escalier central du musée jusqu'au sous-sol et se rendit à son bureau.
Il rangea la clé USB au fond de son sac puis il effaça les fichiers incriminés de son ordinateur portable et de celui du musée. Si cela se savait, comment justifier la tromperie mise à jour ?

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