Le TGV filait vers le sud. Thomas avait ouvert son ordinateur portable et fixait une copie du registre des participants au chantier de fouilles du Centre Bourse datant de l’été dernier. Des centaines de noms manuscrits. Si un Valdur Saks avait participé aux fouilles, il devait y figurer.

Il commença à parcourir la liste méthodiquement. 1969, 1970, 1971... Après quarante-cinq minutes, il finissait l'année 1972 et se décourageait. Chercher un participant hypothétique sur la base d'une simple intuition...

Thomas se remémora le choc de sa découverte. Une concordance d'empreintes entre le Vase en forme de femme et une pièce extraite des fouilles en 1973.

Il se redressa brusquement. L'année de décès de Picasso ! L’événement avait été colossal et rapporté par les médias du monde entier. Cela avait-il pu réactiver une rancune chez Valdur Saks ?

Avec une énergie nouvelle, il parcourut la liste de 1973. Rien de particulier. Il allait abandonner lorsqu'il se souvint : le registre comportait aussi des classements par site géographique. Il ouvrit la documentation des fouilles et retrouva le site précis de découverte du vase "phénicien". Secteur C4. Il revint au registre et chercha les entrées correspondantes.

Et là, au milieu d'une liste de noms, il le trouva.

V. Saks – Ouvrier – Juillet-Septembre 1973 – Secteur C4

Thomas sentit son pouls s'accélérer. Valdur Saks avait bien participé aux fouilles. Sur le site exact où le vase avait été découvert. Ce n'était plus une hypothèse. C'était une certitude. Il avait enfoui le faux.

— Mesdames et Messieurs, dans un instant votre TGV arrivera en gare de Marseille-Saint-Charles, terminus.

Thomas copia rapidement la page du registre et referma son ordinateur. Il rassembla ses affaires, le sourire aux lèvres. Pablo allait être ravi.

*

La voiture de Pablo remontait le chemin gravillonné menant à la Maison du Légionnaire. Le mas provençal se dressait au milieu des pins, baigné par le soleil d'hiver. Des hommes en anoraks sans manche jouaient aux boules sur un terrain de sable. Thomas observa leurs gestes mesurés, leur camaraderie tranquille. Étrange de penser que ces vieux messieurs avaient passé leur vie dans la violence des champs de bataille. Valdur Saks avait-il trouvé la paix ici ?

— Le plan est simple, répéta Thomas. Je me présente comme un étudiant intéressé par la Légion. Je récupère ses empreintes et on se retrouve au MuCEM en fin de journée.

— Merci. Je sais que j'ai merdé.

— T’inquiète. On le tient.

Thomas descendit du véhicule et monta les marches du perron. La porte s'ouvrit. Des personnes vêtues de noir sortirent, l'air grave. Il entendit des bribes de conversation évoquant un enterrement.

Il entra et se présenta à l'accueil.

— Bonjour, j’ai rendez-vous avec Valdur Saks.

L'infirmière prit un air navré.

— Je suis désolée mais vous arrivez trop tard. Monsieur Saks est décédé avant-hier.