ESCAPADE AU SOLEIL

10 minutes de lecture

Virginie était une adolescente de 17 ans remuante et un brin délurée. C’était la plus jeune d’une fratrie de 3, Marine 21 ans était l’aînée, Martin le benjamin. Au cours d’une sortie sous la houlette de sa sœur et accompagnée du benjamin, Virginie a disparue ne laissant aucune trace derrière mais beaucoup de tristesse et de chagrin. Trois ans après sa disparition Marine n’avait pas renoncé et continuait les recherches.

La famille JEANNEY vivait dans une maison de ville cossue à Neuilly-sur-Seine. Le chef de maison était chargé d’affaires au Crédit Suisse, Madame, kinésithérapeute, était directrice d’un centre de réadaptation-rééducation à Garches. Trop occupés à leurs affaires ils n’avaient pas pris le temps de voir grandir leurs enfants qui avaient plutôt connu les câlins des nounous que ceux de leurs parents. Martin le petit dernier imprévu avait été un peu privilégié et avait bénéficié d’un peu plus d’attention de la part de ses parents mais aussi de la tendresse de ses sœurs toute à la joie de leur petit poupon vivant. Dès son plus jeune âge il adorait participer à la cuisine. Il deviendra sans doute un grand chef ! Quant à Virginie et Marine elles avaient vécu leur enfance puis leur adolescence dans une grande complicité avec d’interminables conciliabules ponctués d’éclats de rire dans leurs chambres ou sur les balançoires dans le jardin. Elles étaient aussi proches dans leur quotidien familial qu’éloignées dans leurs études. Si Marine poursuivait avec un succès certain des études de commerce, Virginie n’avait jamais été très portée sur l’école. Dès son plus jeune âge elle y avait montré un désintérêt total beaucoup plus portée sur les espiègleries et farces de toutes sortes, ce qui faisait d’elle malgré tout une jeune fille attachante. Les années de collège furent un calvaire pour elle qui n’avait aucun goût la littérature et encore moins pour les sciences ou les mathématiques. L’EPS ça c’était son truc, son défouloir. De sales notes en zéro pointés et malgré les multiples avertissements des conseils de classe, Virginie finie par rater le BEPC, qui se passait encore dans son collège privé de bonnes familles.

Contre son gré ses parents, sur les conseils du CPE l’orientèrent vers une formation comptable de bas niveau espérant la voir évoluer par la suite en s’assagissant avec l’âge. Comme le reste la comptabilité n’était pas sa tasse de thé et elle n’était ni attentive ni intéressée au discours professoral préférant rêver, au prince charmant sans doute.

Elle sauta de joie quand sa sœur lui proposa de l’accompagner au concert de Patrick Bruel le mois suivant au Palais des Sports à Paris Bercy. Patriiiiick s’était- elle mise à hurler. Billets en poche voilà les deux sœur devant la queue interminable d’un sas d’entrée, non sans quelque impatience les voici entrées dans la zone correspondante à leur billet. Lors d’une pause au cours du concert, Virignie supplie sa sœur de la laisser rejoindre une amie avec laquelle elle a rendez-vous près du stand Heinecken juste derrière. Pas très emballée Marine finit par laisser aller sa sœur insistante. Elles conviennent de se retrouver à la fin du concert devant ce même stand. La fin du concert s’approchant Marine se rapproche à grand peine du stand. Après en avoir fait deux fois le tour, le concert étant terminé, elle ne voit pas sa sœur comme convenu. Après plus d’une demi heure d’attente alors que la terrasse est déjà très clairsemée elle décide de sortir du Palais des Sports pour l’attendre à proximité de la porte d’entrée où elles ont fait la queue. Une heure se passe sans voir Virginie. Avec un brin d’agacement Marine finit par trouver le PC de sécurité, le vigile plein de bonne volonté demande à ses collègues répartis sur le site de jeter un coup d’oeil dans les couloirs, les toilettes… Mais rien, personne n’a vu Virginie.

Un peu chagrinée par ce contre-temps, Marine téléphone une énième fois à sa sœur, puis à la maison où son frère lui confirma l’absence de la jeune fille. Elle décide alors d’appeler ses parents, ils n’étaient pas à la maison car son père participait avec sa mère à un dîner d’affaires au Train Bleu. Elle demanda à sa mère si elle avait des nouvelles de sa jeune sœur. Non aucune nouvelle. Marine se plut à penser qu’elle était rentrée par ses propres moyens et qu’elle était peut-être restée dormir chez cette amie Géraldine. Elle appela Géraldine qui lui certifia qu’elle n’avait pas rendez-vous avec Virginie ce soir, elle n’est par ailleurs pas allée au concert de Bruel. Soit, elle hèle un taxi pour rentrer à la maison pensant que d’ici là sa sœur serait rentrée. Arrivée chez elle, elle trouve son frère acharné sur un jeu vidéo, la musique à fond mais aucune nouvelle de la sœur. L’angoisse commence à envahir Marine qui rappelle ses parents toujours attablés.

Sa mère décide de s’éclipser et de rentrer à la maison. Il est maintenant 2 heures du matin, la mère décide d’appeler les commissariats et les hôpitaux de Paris et la banlieue. A priori aucune jeune fille interpellée ou secourue par la police, les hôpitaux n’ont enregistré aucune entrée aux urgences correspondant au signalement de Virginie. Depuis le père est rentré et il est décidé de se rendre au commissariat dès le lendemain à la première heure pour faire une déclaration de disparition inquiétante.

La policière qui enregistre la déclaration se veut au départ rassurante mais devant le récit de Marine et compte tenu du lieu des événements se montre finalement circonspecte. Par les temps qui courent et les quantités de GHB qui s’échangent on peut s’inquiéter mais, on en n’est pas là affirme la femme, dans un premier temps je pencherais plutôt vers une fugue.

Dans les jours et semaines qui suivirent, en parallèle à l’enquête de police les JEANNEY remuèrent ciel et terre pour retrouver la trace de la jeune disparue. Affichettes placardées dans le métro, sur les abris bus, sur les vitrines des magasins, sur les platanes, annonces dans les journaux rien ne fut négligé. La mère usa même de ses relations professionnelles pour lancer une alerte auprès des médecins parisiens via les syndicats professionnels locaux. De même le père profita des relations de son patron avec un producteur de télévision de TF1 pour faire insérer une annonce dans le JT du soir pendant trois jours. Marine et des amis parcoururent les rues de la capitale et de la périphérie, photo en main interpellant les passants et les commerçants, à la recherche d’une information. Les réseaux sociaux furent également exploités, messages sur FaceBook, TikTok entre autres, un message sur une radio locale qu’écoutait souvent Virginie fut diffusé à plusieurs reprises. Rien aucun commentaire, aucune trace n’émergea de toutes ces démarches.

De son côté la police n’avançait pas non plus. L’enquête de proximité autour du Palais des Sports n’avait rien révélée pas plus que celle menée auprès des proches de Virginie, école, club de sport, amis et voisins… personne n’avait rien remarqué, aucune confidence n’avait filtrée. Le mystère total.

Après quelques semaines d’intense travail sur le terrain et faute d’élément probant le responsable de l’enquête décida de mettre cette affaire en attente.

Ce n’était pas du goût de Marine qui réussit à convaincre ses parents de faire appel à un enquêteur privé. Après en avoir rencontré deux ou trois, leur choix s’arrêta sur le Cabinet Pannaud à Paris. Plusieurs entrevues eurent lieu, tout d’abord avec Marine qui était la dernière personne à avoir vue Virginie puis avec les parents, le jeune frère même Géraldine sa meilleure amie fut sollicitée. Les mois passèrent sans plus de résultat malgré le travail soigné du détective. Plus d’un an s’était alors écoulé depuis la disparition mystérieuse de Virginie. Ce dernier fini par transmettre le dossier à un autre enquêteur dans l’espoir que reprenant l’affaire avec un oeil neuf il y découvre un indice qui aurait échappé à sa vigilance.

Encore une année s’écoula. C’est au cours d’une discussion avec la sœur de la disparue que le détective s’inquiéta d’un détail. Il n’était fait mention nulle part de l’existence d’un petit ami de Virginie ? Surprenant qu’à cet âge la jeune fille n’ait pas d’amoureux…

Marine étant la confidente de sa sœur depuis sa plus tendre enfance, elle devait savoir quelque chose, entendue parler de quelque jeune homme. Le détective proposa donc un rendez-vous au cabinet afin de la questionner plus avant sur ce point.

- Vous êtes sûre qu’elle ne vous a jamais parlé d’un petit ami ? Interrogea le détective.

- Non je ne m’en souviens pas, mais elle n’avait aucune raison de me le cacher.

- Une fille peut-être ? Avança l’homme prudemment

- Non je ne crois pas,

- Pas d’ amoureux alors ?

- Bon peut-être que depuis quelque temps elle était devenue un peu secrète, mais rien de d’anormal.

Finalement rien ne sortit de cet entretien, l’un et l’autre se séparèrent donc sur ce nouveau revers.

Du moins jusqu’à ce jour où Marine restée perplexe suite à cet entretien ne cessant de cogiter sur cette histoire de petit ami eut un éclair de mémoire. Elle se souvint de cet été où les parents avaient fait appel à une entreprise de maçonnerie pour le ravalement de la maison. Ils avaient contracté avec PINTO TEXEIRA et Fils, une entreprise que leur avait conseillé un voisin. Le patron Annibal avait passé plusieurs jours sur le chantier accompagné de Joao son fils. Les travaux avaient été retardés à cause de la canicule. Elle se souvint que Virginie avait flashé sur ce beau brun aux yeux noirs qui manifestement n’y était pas insensible. Il y avait même eu un début d’idylle pendant quelques semaines, cela amusait beaucoup le père PINTO mais les parents de Virginie avaient mis le holà prétextant qu’elle était trop jeune pour lui, 16 ans à l’époque, il en avait 21 ans, et surtout ce n’était qu’un maçon ! Elle n’a plus entendu parlé de ce Joao par la suite. Tout à coup une petite lumière s’alluma dans sa tête. Elle chercha fébrilement son téléphone pour appeler le détective. Elle l’informa de sa réflexion et ils convinrent d’un nouveau rendez-vous pour en parler plus en détail. Il fut décidé de contacter l’entreprise PINTO TEXEIRA pour rencontrer Joao. L’enquêteur et Marine se rendirent à la rencontre de Joao. Malheureusement le patron, son père, les informa que Joao était rentré précipitamment au pays il y a deux ans. Il se souvient qu’étrangement il était parti en laissant ses affaires mais il avait embarqué son équipement de camping. Il n’avait plus eu de contact depuis et il ne savait pas exactement où il était.

Le cabinet Pannaud décida de frapper un grand coup pour retrouver la trace de Joao. Ils contactèrent l’Ambassade du Portugal afin de savoir où résidait Joao, malheureusement cette dernière répondit que sans commission rogatoire de justice ils n’était pas tenu de répondre à cette requête. D’autant plus que Joao PINTO RODRIGUEZ ne faisait l’objet qu’aucune plainte. Grosse déception des uns et des autres. Une autre démarche fut engagée auprès d’Air France et la TAP, sans plus de succès car faute d’une requête policière la liste des passagers restait confidentielle. Ceci étant Joao était éventuellement rentré au pays par la route ou par le train ? Marine et l’enquêteur ne lâchèrent pas prise, ils réussirent à convaincre le cabinet de relancer la police et de l’amener à ressortir le dossier de Virginie du placard. Ce n’est pas sans réticence que le commissaire autorisa la réouverture du dossier malgré ce nouvel élément d’enquête apporté par les deux compères.

A force d’insister ils finirent par obtenir que la police fasse le nécessaire auprès des compagnies aériennes pour obtenir les listes de passagers sur les vols Paris et Porto ou Lisbonne dans la période en question. Il fallut quelques semaines d’attente pour recevoir les premiers éléments, c’est d’ailleurs la TAP qui s’exécuta en premier. La police ne tarda pas trop à se lancer dans le scanning des listes qui heureusement arrivèrent sous forme de fichiers qu’un expert informatique de la maison réussit sans trop de peine à explorer. Les listes pour Porto et Lisbonne ne donnèrent pas de résultats. La TAP avait transféré, peut-être par erreur, un fichier complet contenant d’autres listes de passagers dont celle à destination de Faro qui comportait beaucoup moins de vols. Le policier sans doute par instinct professionnel décida de la scanner. Quel ne fut pas son enthousiasme quand il trouva sur ladite liste le nom Joao PINTO RODRIGUEZ, sur un vol du matin au départ de CDG. On ne sait pas si Joao était toujours dans la région mais il était passé par Faro.

Devançant les démarches de la police, l’enquêteur décida de se rendre dans les Algarves car la police avait obtenu des informations de la part de Bouygues Télécom qui notifiait des bornages téléphoniques du numéro de Joao sur Albufeira ville à l’ Ouest de Faro. Sur place, épaulé par un interprète, le détective entreprit une enquête de proximité en commençant par l’auberge de jeunesse d’Albufeira. C’est l’infirmière qui se souvint d’avoir vu passer à l’infirmerie qui venait de France. Les registres de l’auberge de jeunesse le confirmèrent en faisant apparaître qu’un Joao PINTO y était resté quelques jours, dans une chambre double apparemment.

Joao était bien passé par là, cette confirmation encouragea le détective à pousser plus loin. Se souvenant que Joao avait embarqué son matériel de camping il décida de faire le tour des terrains de camping aux alentours. Il n’eut pas à aller bien loin avant de retrouver la trace de Joao.

C’est au terrain de camping d’Albufeira que la surprise se révéla. Il y avait bien un résident Joao PINTO RODRIGUEZ locataire au mois d’un bungalow. Accompagné de son interprète et d’un employé du camping il se rendit sur l’emplacement du bungalow. Deux jeunes gens étaient là installés sur une table de jardin en train de siroter une Sagrès . A sa plus grande surprise il s’aperçut qu’il s’agissait de Joao et de… Virginie. Après un instant de panique devant cette visite inattendue, Joao raconta qu’en fait leur idylle avait continué dans le plus grand secret malgré l’interdiction des parents de Virginie. Puis leur fuite vers le Portugal et Albufeira. Depuis il avait trouvé un travail dans une entreprise de travaux et Virginie comme serveuse dans le restaurant sur la côte. Ils n’avaient nullement l’intention de rentrer en France.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Jean-lou POIGNOT ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0