13) Aveu

5 minutes de lecture

Logan Branston dormait mal depuis des mois.

Quand il avait signé avec Zia sous un nom d'emprunt leur premier travail de recherche sur la Terre, il avait été soulagé. Il ne voulait pas que les gens le complimente pour se faire bien voir de sa famille. 

Quand il avait cloné le compte de son père pour fouiller dans les archives de la société familiale, cela ne lui avait pas fait grand chose. Il ne doutait pas le moins du monde de ce qu'il allait y trouver. Alors au début, tout allait bien. 

Quand ils avaient découvert les problèmes structurels de Némésis en rapport avec Branston Constructions ; le jeune homme avait commencé à avoir des sueurs froides. 

Quand ils avaient publié leur nouveau rapport de recherche et qu'il s'était répandu comme une traînée de poudre dans les laboratoires, Logan rasait les murs pour éviter de croiser son père. 

Quand les deux doctrines opposées sur l'avenir de l'Humanité déstabilisaient la station en citant leur travail comme catalyseur, il avait fait des crises de panique. 

Alors maintenant que Zia lui avait dit qu'il fallait tout avouer, il avait l'impression qu'il pouvait faire une crise cardiaque à n'importe quel moment. 

Ils y réfléchissaient depuis des jours. Comment amener le sujet ? Comment faire pour anticiper les réactions ? Les Branston allaient-ils le renier ? Renvoyer Zia dans le caniveau ? Ou tout simplement les jeter par la fenêtre de leur haute tour et les laisser s'écraser sur le pavé de Némésis ? Tout semblait possible. L'affaire secouait la station entière. Les Branston étaient désavoués de tous, leur fortune fondait comme neige au soleil depuis les révélations publiques. Les deux amis durent se rendre à l'évidence : impossible de savoir comment la famille de Logan allait réagir. Une seule chose était certaine, ils n'allaient pas les acclamer pour leurs recherches. 


* * *


Autrefois, il était rare que tous les membres de la famille Branston soient dans leur penthouse au même moment. Le père, Patrick, était un véritable bourreau de travail, toujours à des réunions ou des conseils d'administrations de ses entreprises. La mère, Johanna, ne vivait que pour les mondanités et passait beaucoup de temps à prendre soin de son apparence pour les nombreuses apparitions publiques où elle se rendait avec son mari. La fille aînée, Dama, suivait les traces de sa mère, passait ses journées dans les boutiques de luxe et ses nuits à faire la fête avec les autres enfants de milliardaires de la Terre. Il ne restait que leur plus jeune fils, Logan, dont les centres d'intérêt divergeaient totalement. Seul et reclus, il était tombé dans les livres pour s'instruire et comprendre le monde. 

Aujourd'hui, depuis ce fatidique rapport Banty, les Branston erraient chez eux. Le père était menacé d'être exclus de la direction de ses propres entreprises. La mère se voyait poliment refusée dans toutes les soirées mondaines. Quant à la fille, les responsables de maisons de luxe n'étaient plus aux petits soins pour elle et les réseaux sociaux la tournaient en ridicule. Seul Logan passait sous les radars de la population de Némésis. Il se demandait même si les gens savaient que les Branston avait deux enfants. Mais cela lui allait très bien et il aurait préféré que la situation reste ainsi. 


* * *


Alors un jour, les deux amis décidèrent simplement de se lancer. Jensen fut mit dans la confidence et décida de faire de son mieux pour mettre ses employeurs dans de bonnes dispositions. Le chef reçut la commande de leurs plats préférés. D'autres friandises leur furent subtilement apportés après le déjeuner. Une masseuse fut appelée pour prendre soin des dames Branston. Un whiskey très coûteux prit place dans le bureau du chef de famille. Alors quand tous se croisèrent dans le salon, Logan prit son courage à deux mains et les interpella. Zia se tenait en retrait, dans l'encadrement d'une porte. Elle ne voulait pas qu'ils se focalisent sur elle et qu'ils se souviennent de ses origines sociales même si elle désirait rester présente pour Logan. 

— Euh... Père, Mère... Toi aussi, Dama… J'aurai quelque chose à vous dire...

Des sourcils haussés et haussements d'épaules accueillirent la demande. Ils s'assirent toutefois quand le jeune homme leur fit signe ; les époux sur le canapé central et sa sœur affalée sur un autre fauteuil. Il préféra rester debout. 

— Alors, euh... J'ai longuement hésité à vous parler mais... On m'a fait remarquer que ce serait préférable que vous l'appreniez par moi plutôt que par la presse... 

Ce commentaire attira leur attention, la presse ne parlait pas d'eux en termes élogieux depuis des mois. Que voulait-il donc dire ? A l'autre bout du salon, dans le dos de ses employeurs, Jensen adressa un sourire encourageant à son jeune maître. Il avait fait en sorte qu'ils soient seuls dans la pièce et empêchait d'autres employés de laisser traîner une oreille indiscrète. 

— Presse toi donc Logan. Je n'ai pas que ça à faire ! tempêta son père.

En vérité il n'avait nulle part où se rendre mais les habitudes avaient la peau dure.

— Voyons chéri, laisse le s'exprimer, tempéra sa mère. 

Il n'en pouvait plus. Logan décida de se jeter à l'eau. Advienne que pourra. 

— C'est nous Laurent Banty. Moi et Zia. Nos recherches innocentes ont dérivé et... on ne pouvait pas garder le secret. Alors on a tout publié. 

Sa famille s'était crispée à la mention du nom de celui qu'ils considéraient comme leur ennemi juré. Celui qui avait fait que tous les abhorraient. 

— C'est toi ?! cria son père en se précipitant sur son fils.

Il le saisit par le col. La rage bouillonnait sur ses traits. Logan eut un mouvement de recul mais la poigne de son père ne faiblit pas. 

— Toi ?!  Un pauvre avorton sans talent !  Toi ?! Comprends-tu seulement ce que tu as fait à ta propre famille ? hurla t-il. Ma fortune, mon prestige, mon œuvre ! Tout !

— Chéri, je t'en prie, lâche le ! s'écria Johanna en s'accrochant au bras de son mari. 

Zia s'était précipitée dans la pièce. Une Rat repoussait de toutes ses forces le bras de l'homme autrefois le plus puissant du monde. Quant à Dama, elle restait interloquée sur son siège, comme absente. Le majordome s'était éclipsé, ne voulant pas rajouter une couche si l'un deux surprenait un domestique assistant à la scène. Finalement les deux femmes réussirent à le faire lâcher Logan. Ce dernier tremblait, son père avait failli le battre. Finalement son père tourna sa colère noire sur Zia, encore à côté de lui.

— Et elle ! Cette... cracha t-il. Je lui ai fait une faveur, ne serait-ce que pour lui laisser respirer le même air que nous ! Et c'est comme ça qu'elle me remercie ? Cette fouille-merde ! Je vais la ...

Logan l'interrompit en saisissant le bras de Zia et l'attira derrière lui pour la soustraire au regard de son père. 

— Ne t'avise pas de la menacer ! trembla Logan. Elle est une meilleure personne que tous les foutus Classe 1 réunis ! 

Son père émit un son étranglé de rage et se mit à faire les cent pas dans le salon en grommelant. Sa mère s'était rassise, toujours choquée et serrait la main de sa fille. Le silence était pesant, l'atmosphère irrespirable. Après quelques instants, Logan fit mine d'entraîner Zia ailleurs.

— Personne ne quitte cette pièce sans mon accord ! rugit Patrick Branston. S'il y a bien une chose que tu as vu juste, c'est que tes conneries vont faire la une des journaux ! Il faut qu'on contrôle la situation. La tourner à notre avantage, fit-il d'une voix détachée, son attitude de businessman impitoyable revenant au galop. 

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Shagya ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0