Chapitre 1 : Transparence

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Dans la ville de Chromalys, la lumière n’était jamais ce que l’on croyait. Ce n’était pas un simple éclat, un reflet ou une lueur. C’était une vérité à fleur de peau, un langage silencieux que chacun portait sur lui. Ici, les émotions ne se cachaient pas au creux du cœur, elles s’exprimaient en couleurs qui dansaient, vibraient, parfois brûlaient la chair.

Lys connaissait chaque nuance de ce spectacle quotidien. Bleu électrique des mélancolies profondes, violet crépusculaire des douleurs anciennes, rouge flamboyant des colères contenues, jaune d’or des joies — mais ce dernier n’était qu’une ombre, une absence presque. Parce que le bonheur à Chromalys n’était pas une couleur. C’était la transparence. Un voile d’air qui effaçait le corps, dissolvait les contours.

Lys, elle, n’avait jamais connu les feux d’artifice des larmes colorées. Depuis sa naissance, sa peau était comme du verre fin, un cristal invisible où aucune émotion ne pouvait s’imprimer. Même ses pleurs, quand ils s’échappaient, n’éclataient pas en couleurs. Elle était un fantôme parmi les âmes en feu.

Ce matin-là, la cité s’éveillait dans un brouillard teinté d’opales. Les ruelles étroites et les façades anciennes, ornées de mosaïques luminescentes, reflétaient les rayons d’un soleil fatigué qui ne chauffait pas mais glissait, froid comme une caresse tranchante.

Lys déambulait entre les passants, esquivant les éclats vifs des regards qui tentaient de percer son voile invisible. Dans cette société, être transparent n’était pas qu’une curiosité : c’était une marque d’isolement. Ceux qui ne brillaient pas étaient souvent suspectés de dissimuler des secrets, ou pire, d’être défectueux.

Pourtant, Lys ne se sentait pas cassée. Elle sentait en elle une force différente, douce, presque imperceptible, comme un souffle que les autres ne pouvaient ni voir ni comprendre. Elle avançait, les mains glissant sur les murs froids, jusqu’à la place centrale où la foule se rassemblait.

Le marché des Larmes battait son plein. Des vendeurs exposaient leurs émotions comme des trésors : des fioles contenant des éclats de tristesse, des paniers débordant de colères rouges vifs, des coffres scellés renfermant des joies transparentes et fuyantes.

Lys s’arrêta devant un stand où un vieil homme aux mains tremblantes vendait des larmes d’un bleu rare, plus intense que tout ce qu’elle avait jamais vu.

« Une larme de nostalgie pure, » expliqua-t-il d’une voix rauque. « Elle éclaire les nuits les plus sombres. »

Elle regarda la fiole, fascinée par la lumière qui semblait pulser doucement à l’intérieur.

« Pourquoi la tristesse est-elle si précieuse ici ? » demanda-t-elle, malgré elle.

Le vieil homme la regarda longuement, comme s’il devinait le poids de cette question. « Parce que la tristesse est notre vérité. La lumière que tu cherches n’est pas celle qui illumine, mais celle qui révèle. Le bonheur, lui, est un mensonge transparent. »

Ces mots restèrent collés à Lys comme une poussière d’étoile. Elle tourna les talons, le cœur chargé d’une mélancolie qu’elle ne pouvait montrer.

En traversant la place, elle croisa les regards des passants. Certains l’admiraient, d’autres la fuyaient. Mais aucun ne la voyait vraiment. Pas encore.

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