Lys reprit sa route, le cœur un peu plus lourd, pourtant invisible aux yeux des autres. Elle savait qu’elle ne pouvait pas rester longtemps dans ce marché aux émotions éclatées. Ici, chaque visage était un tableau, chaque geste une couleur, mais elle, elle restait une page blanche.

Dans une ruelle adjacente, à l’abri des regards, une silhouette l’attendait. C’était Kael, un « éclaireur », l’un de ces rares habitants capables d’apercevoir au-delà des lumières superficielles. Son propre corps était tatoué de motifs luminescents qui changeaient avec son humeur, un kaléidoscope mouvant qui fascinait et effrayait à la fois.

« Tu es encore là, transparente comme toujours, » dit-il avec un sourire à la fois moqueur et tendre.

Lys haussa les épaules, jouant avec l’ombre qu’elle formait à peine. « Je n’ai pas le choix. Ici, la lumière est obligatoire. »

Kael fronça les sourcils. « Peut-être que tu refuses de jouer leur jeu. »

Elle le regarda, intriguée. Kael était différent. Il ne cherchait pas à briller plus fort, mais à comprendre pourquoi certains restaient dans l’ombre. « Et toi, tu ne brilles pas toujours ? »

Il secoua la tête. « Je ne veux pas. La lumière peut être une prison. »

Leurs yeux se croisèrent, et pour la première fois, Lys sentit qu’elle n’était pas seule dans ce monde d’éclats. Kael tendit la main, une main ornée d’une fine lueur violette.

« Viens avec moi. Je vais te montrer quelque chose. »

Sans vraiment réfléchir, Lys accepta. Ensemble, ils s’enfoncèrent dans les profondeurs de la cité, où la lumière des émotions se faisait plus rare, plus fragile.

Ils arrivèrent devant une ancienne bibliothèque, un bâtiment aux murs ternes, presque invisibles dans la nuit froide. Kael posa sa main sur la porte, qui s’ouvrit en un souffle lumineux.

À l’intérieur, les rayonnages étaient emplis de livres poussiéreux, mais aussi d’objets étranges : cristaux transparents, fioles opaques, et… miroirs.

Kael s’approcha d’un grand miroir aux bords craquelés et dit : « Ici, on ne voit pas son reflet, mais son âme. »

Lys s’avança et, pour la première fois, elle se regarda. Pas son corps, mais son essence. Une lumière douce, presque éteinte, flottait autour d’elle, fragile mais réelle.

« Tu vois, » murmura Kael, « ta transparence n’est pas une faiblesse. C’est une lumière cachée, un secret que ce monde ne veut pas voir. »

Lys sentit un frisson. Peut-être que, finalement, son invisibilité était une force, une clé pour comprendre ce monde où la tristesse éclaire et le bonheur efface.