ÉPISODE 4 -RÊVE DE BÉBÉ (PAULA) 

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Je revenais du travail lorsque j’aperçus cette étrange nouvelle voisine. Elle détonnait complètement dans le décor. J’avais presque envie de lui donner des biscuits et un ticket de bus pour qu’elle puisse rentrer chez elle. Mais, par Dieu, pourquoi me souriait-elle ? Et pourquoi me parlait-elle ?

Elle était accoudée à sa fenêtre, au soleil, et m’annonça que Natasha n’était pas là… Ok, merci. C’était exactement ce que je voulais éviter en déménageant ici : les joies du bon voisinage.

Mais au lieu d’une réplique sèche ou d’un haussement d’épaules, je restai là, suspendue, à contempler cette jolie créature. Quelque chose, dans sa voix, dans son sourire, ou peut-être dans l’innocence désarmante de son geste, me cloua sur place. Comment avait-elle pu atterrir ici, celle-là ? Avec ses grands yeux curieux, sa silhouette fine, ses bras nus dans un t-shirt trop large, elle détonnait totalement dans ce monde de vitres froides et de voisinages muets. Et, sans réfléchir, je lui proposai de monter boire un thé.

Une longue vie de célibat et d’aventures avait exacerbé chez moi des réflexes de prédation dont je n’avais même plus conscience. Une voix douce, une invitation spontanée, un sourire élégant : tout en moi jouait ce jeu ancien, mille fois répété. Je n’étais pas en chasse. Mais mon corps, lui, savait encore séduire sans ordre ni raison.

Et pourtant, ce jour-là, ce n’était pas son exotisme banlieusard qui m’attira sans que je m’en rende compte. Ce n’était pas non plus son innocence. Face à face, quelques minutes plus tard, je me surpris à l’écouter. À vraiment l’écouter.

Je me demandai encore pourquoi j’avais sympathisé avec une voisine potentiellement lourde. Moi, qui aimais tant mon indépendance et ma tranquillité. Moi, qui d’ordinaire évitais les bavardages, les sourires, les liens.

Qu’est-ce qui m’avait poussée à agir ainsi ? Quelque chose m’échappait.

Et je m’entendis dire :

— Ah… je vois que vous attendez un bébé. Moi, j’attends désespérément ce moment.

Je ne l’avais pas prémédité. Les mots avaient glissé machinalement, comme un aveu administratif — mais pour moi, c’était une brèche. Moi, si forte, toujours en contrôle, je ne me livrais jamais. Je parlais peu de moi. Et surtout jamais de ce désir-là. Mais voilà, c’était dit.

Elle répondit sans même lever les yeux, avec cette douceur simple qui lui était propre :

— Je suis sûre que votre fille finira par tomber enceinte.

Je ressentis un léger sursaut intérieur. « Votre fille. » Je me levai aussitôt, mais avec grâce — un pas feutré, un geste vers la cuisine, un prétexte.

J’ouvris un placard. Inutilement. Je soufflai. Je vacillai. Suis-je fatiguée à ce point ?… Une bouffée de chaleur, soudaine, me traversa, comme si mon corps m’échappait l’espace d’un instant… Qu’est-ce qui m’arrive ?

Mais au fond de moi, quelque chose avait cédé. J’avais été conquise plus vite que jamais, emportée comme par une vague brûlante. Et le désir inonda mon bas-ventre en un instant.

Ce n’était plus un jeu, mais une attirance vraie. Et ça, je n’étais pas préparée à le vivre.

Puis je revins.

Mon regard s’était affûté, mais mon sourire restait calme. Je m’approchai d’elle sans brusquerie, presque tendrement, et je lui caressai doucement la joue, comme on salue un visage d’enfant. Je laissai mes doigts glisser sur la courbe de son cou. Puis, m’asseyant tout près d’elle, je pris sa main entre les miennes.

— Natasha n’est pas ma fille, dis-je enfin. C’est ma petite amie.

J’accompagnai mes mots d’un sourire adouci.

Elle se figea et je vis. Quelque chose de beau, délicat, infini. Je savais exactement ce que je venais de déclencher. Un souffle. Une rougeur. Elle baissa les yeux, plus par pudeur que par trouble. Elle n’avait pas compris ce qui venait de se jouer. Mais moi, j’avais retrouvé mon calme.

Ce fut le début d’une série de rencontres. Deux ou trois fois par semaine, elle montait pour prendre le thé chez moi.

J’étais intriguée par cette femme que je n’arrivais pas à cerner, et je continuais de l’inviter sans raison précise. Officiellement, c’était pour lui parler de Natasha, de ses essais infructueux pour tomber enceinte. Mais au fond, c’était autre chose. Un sentiment flou, persistant. Une chaleur inhabituelle.

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